L es prochaines élections présidentielles américaines se tiendront en novembre 2024. Sauf problème de santé majeur, Joe Biden (ou ce qu’il en reste) et Donald Trump seront candidats. Cette élection, qui opposera les deux présidents les plus détestés de l’histoire moderne des Etats-Unis, résume à elle seule la profonde crise de régime dans laquelle s’enfonce la première puissance mondiale.

Ascension et déclin

Pendant des décennies, les médias bourgeois ont présenté les Etats-Unis comme un havre de stabilité politique et sociale. Toute la période des Trente Glorieuses, puis la reprise économique consécutive à la chute de l’URSS, accrurent les profits d’un impérialisme américain qui étendait son emprise à des niveaux inédits.

Cette période d’expansion permettait à la bourgeoisie américaine de faire certaines concessions à une partie de la classe ouvrière. C’était la base matérielle du fameux « rêve américain ». Mais cette idée que, dans le pays de l’Oncle Sam, n’importe quel citoyen peut gravir toute l’échelle sociale grâce à son travail, fut frappée de plein fouet par la crise de 2008, les politiques d’austérité, la pandémie, les fiascos militaires, les catastrophes climatiques et bien d’autres expressions de l’impasse du capitalisme.

La société américaine est désormais traversée par une profonde crise sociale. De manière générale, les conditions de vie de la classe ouvrière se dégradent sous l’impact de la crise du capitalisme. Depuis 2014, l’espérance de vie recule – après des décennies d’augmentation. La jeunesse est la première touchée. D’après les « Centres de contrôle et de prévention des maladies », une lycéenne américaine sur trois a déjà envisagé le suicide en 2021.

Crise économique

De nombreux chiffres soulignent le déclin du capitalisme américain. En 1960, son économie concentrait 40 % de la production mondiale. En 2023, elle n’en concentre plus que de 17 %. La dette totale – publique et privée – est passée de 2000 milliards de dollars dans les années 1970 à 93 500 milliards fin 2022, soit le double du cumul des dettes de tous les pays européens. Durant une bonne partie du XXe siècle, les Etats-Unis étaient les premiers créditeurs du monde. Aujourd’hui, ils en sont les premiers débiteurs.

L’inflation a bondi à 8 % en 2022. Pour l’atténuer, la Réserve fédérale (FED) a augmenté plusieurs fois ses taux d’intérêt au cours de l’année 2023, au risque de provoquer une récession. Il est vrai que celle-ci a été évitée – pour le moment.

La bourgeoisie et les médias américains se réjouissent de la croissance actuelle, qui a atteint 3,3 % au dernier trimestre 2023. Ils ne manquent pas de souligner que l’Europe est dans le marasme et l’Allemagne en récession. « Au royaume des aveugles les borgnes sont rois » – mais aux Etats-Unis, il n’y a que les rois, ou plutôt les bourgeois qui profitent de cette croissance. Les travailleurs américains n’en tirent aucun bénéfice. Dans leurs portefeuilles et sur leurs comptes en banque, ils ne « voient » pas la croissance.

Impérialisme

Le corollaire de la crise du capitalisme américain est le déclin relatif de son l’impérialisme. C’est l’un des principaux facteurs de déstabilisation des relations internationales.

Nous parlons d’un déclin relatif car l’impérialisme américain reste – de loin – le plus puissant de la planète. Néanmoins, l’armée américaine est forcée de se retirer d’anciennes positions et ne peut plus être mobilisée aux quatre coins du monde chaque fois que les intérêts américains y sont menacés. Après le fiasco des interventions en Irak et en Afghanistan, la classe ouvrière américaine est très réfractaire aux guerres impérialistes – notamment parce qu’elles coûtent très cher alors que, dans le même temps, les travailleurs subissent des politiques d’austérité. Moins de 25 % de la population était favorable à une intervention directe des Etats-Unis en Ukraine.

Ce déclin relatif de l’impérialisme américain se reflète dans toute une série de revers militaires. Depuis 2020, nous avons assistés à la débandade de l’armée américaine en Afghanistan, à la défaite en cours de l’OTAN dans sa guerre par procuration en Ukraine – et à l’impuissance des bombardements contre les Houthis, au Yémen.

Tout ceci ouvre un espace à des impérialismes rivaux tels que la Russie et la Chine, qui développent leurs propres sphères d’influence en Afrique et au Moyen-Orient. La présence économique chinoise progresse même au Mexique. Ce faisant, les entreprises chinoises atteignent le marché américain en contournant les droits de douane imposés par Washington.

Polarisation

Depuis la crise de 2008, la dégradation des conditions de vie de millions de jeunes et de travailleurs américains provoque un regain de la lutte des classes. Mais la polarisation à l’œuvre dans la société s’est surtout manifestée – de manière limpide – dans la sphère politique, et ce dès les élections de 2016.

Lors des primaires démocrates, la campagne de Bernie Sanders – qui défendait une « révolution politique contre les milliardaires » – a suscité beaucoup d’enthousiasme dans la jeunesse. Le parti démocrate a eu recours à tous les stratagèmes pour faire gagner Hilary Clinton, aux primaires, mais cela n’a pas effacé la signification de l’énorme popularité de Sanders.

Dans le même temps, l’élection de Trump exprimait cette même radicalité de manière très déformée. Sa démagogie « anti-système » cristallisait l’exaspération d’une partie de la classe ouvrière. Et loin d’imposer le « fascisme », comme l’annonçaient beaucoup d’esprits superficiels, le mandat de Trump a renforcé l’instabilité et la polarisation politiques.

En 2020, l’assassinat de George Floyd par un policier fut « le meurtre de trop ». Cela fit remonter à la surface les terribles conditions de vie des travailleurs noirs. Le magnifique mouvement « Black Lives Matter » a mobilisé, au total, plus de 26 millions de personnes de toutes les origines. Ce fut la mobilisation la plus massive de l’histoire des Etats-Unis. La classe dirigeante était sur la défensive – et Trump, paniqué, se terra dans un bunker.

Biden et le « moindre mal »

Dans la foulée de ce mouvement, le soi-disant « moindre mal » représenté par Biden l’emportait face à Trump aux élections de novembre 2020. Mais depuis, les attaques contre les travailleurs se sont poursuivies. 21 Etats ont supprimé ou restreint l’accès à l’IVG. La construction du mur, à la frontière avec le Mexique, n’a pas été interrompue. Et bien sûr, la police américaine continue d’assassiner des noirs. Dans le même temps, en 2023, la grande banque américaine JP Morgan a connu la meilleure année de toute son histoire.

Biden avait été élu sur un programme de « paix ». Il annonçait vouloir établir une relation stable avec la Russie et promettait de ne pas intervenir au Moyen-Orient. Il a fait exactement le contraire. Son soutien au massacre des Gazaouis lui vaut désormais le surnom de « Genocide Joe ». Toutes les illusions qui persistaient à l’égard des Démocrates, sur les questions militaires, ont été anéanties. De récents sondages révèlent que moins de 17 % des Arabes, aux Etats-Unis, prévoient de voter Biden. En 2020, 64 % d’entre eux lui avaient donné leur voix. Avec 37 % de popularité, Biden est le Président le plus détesté de l’histoire moderne des Etats-Unis.

Trump, saison 2 ?

Une majorité de la classe dirigeante américaine redoute une nouvelle élection de Trump. Sa démagogie et son caractère incontrôlable ne sont pas bons pour les intérêts généraux de la bourgeoisie américaine.

Le 4 avril dernier, Trump comparaissait devant un tribunal pénal : une première pour un Président dans toute l’histoire des Etats-Unis. A ce jour, il traîne 91 chefs d’inculpation. Mais loin de l’affaiblir, ces poursuites judiciaires sont devenues un argument supplémentaire dans sa rhétorique « anti-système ». Il se réjouit de prendre la pose devant les appareils photo des policiers.

Trump a remporté sa sixième victoire consécutive lors des primaires républicaines, dont l’avant-dernière en Caroline du Sud, un fief de Nikki Haley, sa seule opposante. Une voie royale vers sa nomination lui est ouverte. Mais surtout, le rejet massif de Biden, dans la population américaine, est tel que Trump est désormais le favori de ce scrutin. Les derniers sondages lui donnent 2 à 5 points d’avance sur Biden. Bien sûr, il ne s’agit que de sondages. Mais n’oublions pas qu’en 2020 les sondages avaient largement sous-estimé le score de Trump, face à Clinton.

Luttes des classes et communisme

Le régime politique de la première puissance mondiale traverse la crise la plus grave de son histoire. Par exemple, la confiance moyenne dans le Congrès atteint le chiffre historiquement bas de 7 % ! Si Trump est élu, sa démagogie réactionnaire serait exposée au grand jour, une nouvelle fois, mais dans une situation bien plus instable qu’en 2016. La crise de régime atteindra de nouveaux sommets.

Depuis trois ans, le pays connaît un puissant retour de la question de classe, qui s’exprime notamment dans une lutte pour la syndicalisation. Chez Amazon et Starbucks, par exemple, de jeunes travailleurs y sont poussés par les attaques du patronat. De même, le nombre de grèves augmente chaque année. Toutes les conditions sont réunies pour de puissants mouvements des travailleurs américains.

Cependant, il n’existe aucune alternative politique visible et crédible permettant de cristalliser la colère de millions de jeunes et de travailleurs exaspérés par la crise du capitalisme. Les Socialistes Démocrates d’Amérique (DSA), qui ont connu une période de forte croissance grâce aux succès de Sanders et à l’opposition à Trump, se sont largement dégonflés suite à leur refus de rompre avec le Parti démocrate. Quant à Sanders lui-même, après avoir donné un blanc-seing à Biden lors de son élection de 2020, il défend désormais le « droit d’Israël à se défendre », c’est-à-dire de massacrer les Gazaouis. Il est profondément discrédité.

58 % des Américains rejettent les deux candidats à l’élection de novembre prochain. Dans le même temps, tous les sondages soulignent la montée des idées communistes dans la jeunesse américaine. Une enquête publiée au Canada, en février 2023, montrait que 20 % des Américains âgés de 18 à 34 ans pensent que le communisme est « le meilleur système économique ».

C’est dans ce contexte que la section américaine de notre Internationale vient de changer de nom. Elle s’appelle désormais les « Communistes Révolutionnaires d’Amérique ». Son objectif est clair : construire un parti révolutionnaire en s’adressant résolument aux millions de jeunes Américains qui se tournent vers les idées du communisme.

Ces six derniers mois, notre section américaine a pratiquement doublé ses effectifs. Pour donner une idée du type d’Américains qui rejoignent notre organisation aux Etats-Unis, voici le message envoyé par l’un d’entre eux, lorsqu’il a pris contact avec nos camarades : « Je hais le capitalisme de tout mon être. Je refuse que ce système infâme m’entraîne dans sa chute – ou alors je mourrai en le combattant. Pas besoin de me convaincre : je veux seulement qu’on me donne les moyens d’agir et qu’on me forme ». Ce camarade a frappé à la bonne porte !

Tu es communiste ? Rejoins-nous !