Après des mois de grève, la lutte des acteurs et des scénaristes d’Hollywood semble approcher de son dénouement. Le 26 septembre, le syndicat des scénaristes (la WGA) a annoncé avoir conclu un accord avec les représentants du patronat du secteur (l’AMPTP). Le contenu exact de l’accord, présenté comme « exceptionnel » par les négociateurs de la WGA, est toujours inconnu à l’heure où nous écrivons ces lignes. Il ne sera rendu public que s’il est approuvé par l’ensemble des travailleurs que représente le syndicat. Dans tous les cas, il ne concernera que les scénaristes ; de son côté, le syndicat des acteurs (la SAG-AFTRA) poursuit la grève.

Précarité à Hollywood

La mobilisation exige le strict encadrement de l’utilisation des IA, pour éviter que celles-ci ne remplacent purement et simplement une partie des acteurs et des scénaristes. L’autre revendication centrale porte sur la défense des salaires face aux conditions imposées par les plateformes de streaming telles que Netflix.

Dans leurs reportages sur cette grève, les journalistes se sont trop souvent focalisés sur les acteurs militants les plus connus, au risque de donner une image déformée des conditions de travail de la très grande majorité des travailleurs de ce secteur. Dans l’industrie du divertissement, le travail est irrégulier, éphémère et le plus souvent mal payé. 87 % des acteurs affiliés à la SAG-AFTRA gagnent moins de 26 000 dollars par an, qui est le minimum légal pour souscrire à une assurance santé aux Etats-Unis.

La situation s’est aggravée, ces dernières années, avec le développement des plateformes de streaming. Les contrats sont désormais plus courts et les périodes de chômage des acteurs plus longues. Le streaming s’est aussi accompagné d’une forte baisse des « résidus », ces bonus financiers que les acteurs et les scénaristes touchent lorsque leurs émissions ou leurs films sont diffusés à la télévision. Arrachés au patronat du secteur après une grève dans les années 1960, les résidus permettent aux acteurs les plus précaires de toucher un revenu entre deux contrats. Menacés dans les années 1980 par le développement de la VHS, les résidus avaient été sauvés par une mobilisation des syndicats des acteurs. Mais lorsque les plateformes de streaming ont commencé à se développer, leurs patrons ont décidé que les résidus ne les concernaient pas, puisqu’il s’agissait de diffusions « à la demande », et non de rediffusions.

Au passage, Netflix en a profité pour imposer à ses acteurs une grille salariale correspondant au minimum syndical. Les plateformes concurrentes n’ont eu qu’à s’aligner sur cette grille. L’acteur Matt McGorry, par exemple, a expliqué avoir dû garder un emploi alimentaire pendant le tournage de la série Orange is the new black, alors même que la série rencontrait un succès énorme et qu’il y jouait un rôle assez important.

En ce qui concerne l’exigence d’une stricte régulation des IA, elle répond à la crainte – parfaitement fondée – que les studios y aient recours pour rédiger des scripts de série et générer des voix, voire des acteurs. Un représentant de l’AMPTP, le syndicat patronal, expliquait franchement ses intentions en ces termes : « les acteurs d’arrière-plan devraient pouvoir être numérisés, payés pour une journée, [puis] être utilisés pour l’éternité sans consentement ni compensation ». Pour les acteurs les moins connus, cette perspective est un cauchemar, qui les réduirait au rôle d’appendices des IA. Les patrons d’Hollywood tentent de réaliser le rêve dystopique de nombreux capitalistes : une industrie (et ses profits) sans travailleurs.

Mobilisation déterminée

La mobilisation a été un immense succès grâce à la détermination des grévistes. Les piquets de grève ont complètement paralysé la production d’Hollywood pendant plusieurs mois, et ont coûté quelque 5 milliards de dollars aux capitalistes du secteur. Les acteurs et les scénaristes ont également bénéficié d’un soutien massif et d’un contexte favorable. La presse a mentionné les dons énormes faits à la caisse de grève par quelques célébrités millionnaires : Dwayne Johnson, par exemple, a fait le plus gros don individuel de l’histoire du syndicat.

Mais le mouvement s’est aussi développé dans le contexte général d’une vague de grèves en Californie, l’Etat qui a concentré près de la moitié des grèves cette année, dans le pays. La grève d’Hollywood a donc bénéficié de la solidarité de nombreux travailleurs en lutte. Des syndicats d’enseignants, d’infirmiers, de travailleurs de l’hôtellerie ou encore de routiers ont affirmé leur solidarité et nombre de leurs militants se sont rendus sur les piquets de grève.

Si la grève n’est pas finie pour les acteurs, cette mobilisation a déjà démontré que seule la lutte paie. Même si le détail de l’accord n’est pas encore connu, il semble que les patrons des studios ont été contraints de faire des concessions significatives, aussi bien en termes de salaires que de protection des scénaristes face aux IA. Cette grève ultra-médiatisée peut et doit être un encouragement à la lutte pour tous les travailleurs dont les conditions de vie sont menacées par la crise du capitalisme.

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