L’idée que l’invasion de l’Irak par les Américains apporterait plus de stabilité au Moyen-Orient s’est révélée complètement creuse. En réalité, il n’y a pas un seul régime stable dans tout le monde arabe. Même le régime d’Arabie Saoudite est au bord de l’effondrement, ce qui a obligé la monarchie à prendre ses distances à l’égard des récentes interventions de l’impérialisme américain. Mais cela ne la sauvera pas. Le niveau de vie, en Arabie Saoudite, a chuté de 80% au cours de ces vingt dernières années. Il y a un fort sentiment de mécontentement. Les actions agressives des Etats-Unis ont poussé ce mécontentement à son paroxysme.

Immédiatement après la chute de Bagdad, il y a naturellement eu une réaction de stupeur dans tout le monde arabe. La vitesse avec laquelle l’une des armées les plus puissantes du Moyen-Orient a été battue a choqué les masses arabes, qui s’attendaient à autre chose. Mais cette déception laissera rapidement place à la rage et à l’indignation, qui seront dirigées aussi bien contre les cliques dirigeantes pro-américaines de la région que contre George Bush. L’effervescence généralisée ouvrira la voie à des explosions de révolte et à la chute d’un dirigeant arabe corrompu après l’autre. Coups d’Etat, rebellions, actes terroristes et assassinats sont à l’ordre du jour. C’est ce qu’ont montré les récents attentats à la bombe, en Turquie.

L’invasion de l’Irak n’a pas renforcé la position des Etats-Unis dans les pays arabe, mais l’a au contraire affaiblie. Un récent sondage d’opinion montre que les dispositions favorables aux Etats-Unis ont sérieusement décliné, et pas seulement au Moyen-Orient. En Indonésie, le pourcentage de gens favorables aux Etats-Unis est passé de 61% à 15% ; en Jordanie de 25% à 1% - et ainsi de suite. Cela signifie que les régimes qui soutiennent les Américains ne tiennent qu’à un fil. Et ce fil peut se briser à tout moment.

La question palestinienne agit comme un cancer qui menace en permanence de déstabiliser le Moyen-Orient. Washington s’est imaginé qu’il pourrait utiliser sa victoire militaire en Irak pour stabiliser la région, laquelle est vitale pour ses intérêts stratégiques et économiques. En fait, il a obtenu précisément le contraire. La soi-disant « Feuille de Route » s’est presque immédiatement déchirée. L’idée d’un Etat palestinien indépendant était mort-née. Ce que voulaient les dirigeants israéliens, c’est un Etat marionnette qui pourrait contrôler le peuple palestinien à leur place, tandis qu’ils concéderaient quelques signes extérieurs d’« indépendance ». Un tel arrangement ne sera jamais accepté par les masses palestiniennes.

Les plans de Tel-Aviv font penser à l’Etat irlandais indépendant de 1922, qui fut utilisé par l’impérialisme anglais pour écraser le mouvement républicain et imposer un « Etat » tronqué au peuple irlandais. Une sanglante guerre civile en a résulté. Michael Collins, qui signa les accords, fut assassiné. Un sort semblable attend tous les dirigeants palestiniens qui signeraient un accord traître avec Israël. Ainsi, Mahmoud Abbas, le larbin des Américains qui avait été préparé pour ce rôle, a immédiatement été obligé de démissionner.

Toute l’affaire était perdue d’avance, car Sharon ne voulait pas la paix. Sa devise est : « ce que nous avons, nous le gardons ». La construction d’un mur entre Israël et la zone palestinienne est une reconnaissance claire de ce fait. C’est également un moyen de s’approprier toujours plus de terres palestiniennes - une provocation ouverte. Il en a résulté une nouvelle vague d’attentat suicides, à laquelle les impérialistes israéliens ont répondu avec leur brutalité habituelle. Ils croient en l’adage « œil pour œil, dent pour dent », à ceci près que pour chaque civil juif innocent victime des attentats, ils tuent et blessent de nombreux palestiniens tout aussi innocents.

Il en résulte une nouvelle escalade dans le cycle infernal de la violence, sans fin en vue. Le cessez le feu a tenu à peine sept semaines, avant d’être brisé par un attentat suicide à Jérusalem. Mais en fait, la soi-disant trêve n’était, depuis le début, qu’une farce. Les forces israéliennes ne se sont pas retirées des territoires occupés. Elles ont seulement reculé à quelques dizaines de mètres de Bethlehem, et ont rouvert quelques routes à Gaza. En Cisjordanie, elles ont seulement levé cinq barrages routiers, sur un total de 220. Par ailleurs, les colonisations n’ont pas été gelées.

Les récents évènements ont impitoyablement démontré l’impuissance et la faillite de la direction de l’OLP. Arafat s’accroche désespérément au pouvoir, mais il est incapable de mener à une sortie du conflit. Il a intrigué contre Mahmoud Abbas, le larbin des Américains, mais c’est seulement parce qu’il voudrait bien devenir lui-même le larbin des Américains. Tous ses appels se font en direction de « la communauté internationale » - c’est à dire des impérialistes américains et européens. Il n’a aucune confiance dans les masses, et aimerait trouver un accord avec Tel-Aviv et Washington. Le problème, c’est qu’il n’existe aucune base réelle pour un tel accord.

Ainsi, toutes les manœuvres et tous les accords n’ont abouti à rien. Sharon n’avait aucunement l’intention de faire des concessions sérieuses, et attendait plutôt le prétexte de renouveler les hostilités. Bush ne peut pas sérieusement faire pression sur Tel-Aviv (des élections approchent, et il doit penser au vote des juifs américains). En conséquence, Sharon peut faire la sourde oreille aux propositions du reste du monde. Il sent qu’il peut agir en toute impunité car, en dernière analyse, Washington a besoin d’un allié sérieux au Moyen-Orient. Cependant, lui non plus n’a rien à proposer. La logique de ses actions mène à la réoccupation complète des Cisjordanie et de Gaza. Mais cela ne résoudrait rien. Cela signifierait l’imposition de la loi martiale à plus de 3,5 millions de Palestiniens - une tâche impressionnante et coûteuse, alors qu’Israël traverse une crise économique profonde. Par le passé, de telles politiques se sont heurtées à une résistance acharnée, et il en sera encore de même. De plus, cette fois-ci, les Palestiniens ont des armes et quelques 30 000 policiers armés. Nous en sommes ainsi au seuil d’une impasse sanglante, dont il n’est possible de sortir que par des moyens révolutionnaires.

Ici aussi, nous pouvons voir des différences de tactique importantes entre l’Europe et les Etats-Unis. Les impérialistes européens sont inquiets des conséquences de cette situation sur le Moyen-Orient, et aimeraient exercer davantage de pression sur le gouvernement israélien pour qu’il fasse des concessions aux Palestiniens. Ils sont prêts à travailler avec Arafat, alors que Sharon ne fait pas secret de son désir de le voir délogé, si possible les pieds devant. Bush est resté évasif sur le sujet. Cependant, dans la mesure où l’assassinat d’Arafat serait le signal d’un déferlement de violences et de protestations dans tout le monde Arabe, et où cela serait très gênant pour les impérialistes et leurs laquais arabes, ils ont suffisamment mis la pression sur le gouvernement israélien pour qu’il renonce à ces plans. Cependant, cela n’a en rien débloqué la situation.

Le fait est que les différences restent insurmontables. Ceci ne signifie pas qu’il ne pourra pas y avoir un nouvel accord. Au contraire, nous pouvons prédire qu’une sorte de nouvel accord sera inévitablement conclu, probablement lorsque Sharon aura quitté la scène. En fait, il y aura toute une succession d’accords. Mais à chaque fois qu’ils mettront en place un accord branlant, celui ci s’effondrera à nouveau dans un flot de sang et de récriminations mutuelles. Aucune solution durable n’est possible sur la base du capitalisme.

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