La catastrophe nucléaire de Fukushima a envoyé une onde de choc à travers le monde entier, poussant des millions de travailleurs à réfléchir aux risques liés à cette industrie, à la façon dont les capitalistes et les gouvernements la gèrent – et au problème plus général des ressources énergétiques.

En regardant les images de l’explosion des réacteurs de Fukushima, une question vient immédiatement à l’esprit : pourquoi des hommes ont-ils décidé de construire 55 réacteurs nucléaires sur une île exposée aux séismes et aux tsunamis ? Ignoraient-ils les risques ? Non. Ce qui est en cause, ici, ce n’est pas l’intelligence ou les connaissances scientifiques de ceux qui ont pris la décision de construire ces centrales. Ce qui est en cause, c’est le système capitaliste, dont la course aux profits est le moteur central qui détermine tout le reste. Il n’hésite pas à balayer des milliers de vies humaines d’un revers de main. Le peuple japonais en déjà fait la douloureuse expérience. Après tout, ce sont les intérêts des capitalistes américains qui les ont décidé à larguer des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, en 1945.

Le nucléaire génère d’énormes profits. Et comme dans les autres secteurs, les capitalistes cherchent à en améliorer la rentabilité en réduisant au maximum les frais de production. Parmi ces frais, il y a les investissements dans la sécurisation des centrales nucléaires, mais aussi dans la protection des salariés qui y travaillent. Dans le cas de la multinationale japonaise TEPCO, qui exploitait la centrale de Fukushima, un coin de voile a été levé sur toutes les mesures prises pour réduire les coûts au détriment de la sécurité. Par exemple, le recours à la sous-traitance a atteint d’énormes proportions. En 2008, il y avait 1108 salariés réguliers de TEPCO ou d’autres entreprises, à Fukushima, contre 9195 employés de sous-traitants, qui sont moins bien payés, moins expérimentés et moins protégés. A la différence des salariés de TEPCO, qui sont affectés à une seule centrale, les employés sous-traitants passent d’une centrale à l’autre et ne font pas l’objet d’un suivi global de leur exposition aux rayons ionisants. Par ailleurs, TEPCO a falsifié une trentaine de rapports d’inspection de réacteurs nucléaires, dans les années 80 et 90, afin de cacher des carences et des accidents sérieux.

Il y a plus de 400 réacteurs nucléaires, dans le monde, dont 90 sont situés sur des zones d’importante activité sismique. En France, où 58 réacteurs sont en activité, les patrons d’AREVA et d’EDF nous jurent qu’ils font de la sécurité leur « priorité absolue ». Nous n’avons aucune raison de leur faire confiance, car nous savons bien que la priorité absolue, sous le capitalisme, c’est l’extraction d’un maximum de profits. C’est aussi le point de vue des syndicats CGT du nucléaire, dont nous publions ci-dessous un récent communiqué de presse. Ils dénoncent « une gestion uniquement tournée vers l’argent »et le recours massif à la sous-traitance, qui ont pour conséquence de « diluer les responsabilités », de « complexifier l’organisation du travail » et donc de « fragiliser la sécurité ». Nous accordons beaucoup plus de crédit à cette déclaration de syndicalistes qu’aux discours lénifiants des multi-millionnaires qui dirigent ce secteur.

Sortir du capitalisme !

On ne peut pas laisser une industrie aussi dangereuse entre les mains de la classe capitaliste. Une première mesure d’urgence s’impose donc : la renationalisation complète d’EDF et d’AREVA, sous le contrôle des salariés et de leurs organisations syndicales, et leur fusion dans une seule entité publique. Il faut également nationaliser toutes les entreprises sous-traitantes et intégrer leurs effectifs dans le groupe public, à égalité avec tous les autres salariés. Au-delà, c’est l’ensemble du secteur énergétique qu’il faut nationaliser, et notamment GDF-Suez.

Cependant, même de telles mesures ne suffiraient sans doute pas à éliminer les risques et la pollution inhérents au nucléaire. Par exemple, la centrale du Blayais, non loin de Bordeaux, n’est pas passée loin d’une catastrophe majeure lors de la tempête de décembre 1999. La centrale de Fessenheim, en Alsace, est quant à elle exposée à d’importants risques sismiques. On doit pouvoir prendre la décision de les fermer – et d’en fermer d’autres – indépendamment de toute considération de rentabilité financière. Et bien sûr, les salariés d’une centrale qui ferme doivent être immédiatement reclassés et indemnisés, avec maintien de leur salaire et de leurs acquis.

Sarkozy affirme qu’« il n’y a pas d’alternative au nucléaire ». Mais dans le même temps, il coupe les crédits de la recherche. Ici, on atteint les limites de ce qui est possible dans le cadre du capitalisme. La course au profit à court terme est en complète contradiction avec la nécessité d’investissements colossaux et de longue durée dans la recherche et le développement. Cela vaut pour les « énergies alternatives » comme pour l’énergie nucléaire. Par exemple, la technique de la « fusion » nucléaire laisse entrevoir d’immenses possibilités en matière de production énergétique, y compris en termes de sécurité. Mais les capitalistes refusent d’investir dans un secteur qui n’est pas rapidement profitable. Seule une planification socialiste et démocratique de l’économie permettra de dégager les investissements nécessaires pour développer des énergies plus sûres et moins polluantes. En refusant de remettre en cause le système capitaliste, les Verts se condamnent à l’impuissance – jusqu’à ce qu’ils entrent au gouvernement : l’impuissance se transforme alors en complicité, comme la Ministre Dominique Voynet en a fourni l’exemple entre 1997 et 2002.

« Sortir du nucléaire » – pour toujours – est une idée qui rate sa cible. Rien ne permet d’affirmer que l’humanité ne sera jamais en mesure de développer une production d’énergie nucléaire sûre et propre. Il n’y a pas de limites a priori aux progrès scientifiques et technologiques. Par contre, le système capitaliste a atteint ses limites de longue date, et constitue désormais un danger mortel pour l’ensemble de l’espèce humaine.

Jérôme Métellus (PCF Paris 18e)

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Communiqué de presse des syndicats CGT du nucléaire

Les syndicats CGT des travailleurs du Nucléaire, sous-traitants, EDF, AREVA, CEA, IRSN, se sont réunis le 13 avril à Montreuil. […]

Depuis plusieurs années, la CGT dénonce la manière dont les sites nucléaires sont exploités en France. En effet, l’affichage de l’exemplarité de notre industrie ne résiste pas à la réalité vécue par les salariés. Qu’ils soient donneurs d’ordre ou sous-traitants, tous disposent de compétences et de connaissances grâce auxquelles les installations fonctionnent ; ce sont eux les premiers garants de la sûreté. Pourtant, dans leur course effrénée au profit maximum, enfermées dans leurs dogmes, les Directions d’entreprise, le MEDEF et le gouvernement ont délibérément choisi la politique du pire.

Politique du pire pour les salariés de la sous-traitance, ballottés de contrat en contrat, de site en site, subissant la majorité des pénibilités pour des salaires de misère et des conditions de travail et de vie indignes d’un pays qui se prétend leader du nucléaire. La sous-traitance en France, c’est d’abord une maltraitance insupportable. Cela a assez duré !

Politique du pire en diminuant les crédits de recherche, élément pourtant fondamental d’une sûreté de haut niveau. Politique du pire en matière de retour d’expérience de l’accident de Fukushima. En limitant l’audit des Centrales à la seule dimension technique, l’Etat nie la dimension humaine et la place centrale qu’elle occupe dans la sûreté nucléaire.

En occultant le problème de la sous-traitance, manière pour les donneurs d’ordre d’externaliser 80% des risques professionnels (en particulier les doses) et les dégâts sociaux qu’eux-mêmes engendrent, le gouvernement et les entreprises refusent d’aborder le véritable débat sur le nucléaire : celui de sa gestion uniquement tournée vers l’argent.

Nous le répétons avec force : nucléaire et libéralisme sont incompatibles. Aujourd’hui, le plus grand danger pour l’activité nucléaire, ce sont les Directions elles-mêmes et leurs choix de gestion dont les salariés sont les premières victimes. Le recours massif à la sous-traitance entraîne une dilution des responsabilités et une complexification de l’organisation du travail. Ces modes de gestion ne permettent pas aux travailleurs du Nucléaire, malgré les compétences, de travailler dans la sérénité. Cela conduit à une fragilisation de la sûreté.

Pour que sur tous les Sites Nucléaires, ce soit la sûreté et non la recherche du profit maximum qui soit la priorité, les syndicats CGT des travailleurs du Nucléaire exigent : 
Un statut pour tous les travailleurs du Nucléaire, basé sur celui des salariés EDF, AREVA et CEA ; Retour ligne manuel
L’arrêt de la sous-traitance massive, de la sous-traitance en cascade et de la précarité ; Retour ligne manuel
Un renforcement des CHSCT et une véritable démocratie dans l’entreprise ; Retour ligne manuel
La maîtrise 100% publique et citoyenne de l’industrie nucléaire.

Les salariés du Nucléaire n’ont pas vocation à rester les bras croisés et à subir sans réagir. Si les pouvoirs publics n’assument pas leurs responsabilités en faisant accéder rapidement les salariés de la sous-traitance du Nucléaire à des garanties sociales de haut niveau, la CGT assumera les siennes en appelant l’ensemble des travailleurs à l’action.

Montreuil, le 14 avril 2011

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