Le gouvernement prévoit 1 % de croissance de l’économie française en 2024. La Banque de France table plutôt sur 0,8 %. Des économistes préviennent que ce pourrait être encore moins. Par ailleurs, le déficit public s’envole bien au-delà des 3 % visés : 5,5 % en 2023, après 4,9 % en 2022. La dette publique vient de franchir le cap des 3000 milliards d’euros, contre 2000 milliards en 2014.

Dans ce contexte, la philosophie du « quoi qu’il en coûte » – imposée par la pandémie en 2020 – n’est plus qu’un vieux souvenir. L’heure est plus que jamais aux restrictions budgétaires drastiques et tous azimuts. Les 10 milliards de coupes annoncées par Bruno Le Maire, en février, n’étaient qu’un avant-goût. « Il y aura des économies supplémentaires en 2024 », a précisé le ministre de l’Economie. Puis, en 2025, il faudra encore couper 20 milliards, et plus si affinité. Dans leur tour d’ivoire, les hauts fonctionnaires de la Cour des comptes – qui, à titre personnel, ne subissent pas l’austérité – exigent au moins 50 milliards de coupes supplémentaires d’ici 2027.

Macron multiplie les « réunions d’urgence » sur la question des comptes publics. Chaque ministère – sauf la police et l’armée, naturellement – est sommé de trouver des « pistes » pour réduire ses dépenses et augmenter ses recettes. L’unique règle est très simple : cela ne doit pas coûter un centime au grand patronat ; pour le reste, aucune mesquinerie n’est à exclure. Par exemple, pourquoi ne pas augmenter nettement les loyers des résidences étudiantes ? Excellente « piste », aussitôt approuvée !

L’essentiel, c’est que les mastodontes du CAC 40 ne soient pas mis à contribution. Après tout, c’est pour eux, pour protéger leurs fortunes, qu’il faut imposer l’austérité au plus grand nombre. Il ne faudrait pas gâcher la fête du grand patronat : en 2023, les entreprises du CAC 40 ont dégagé 153,6 milliards d’euros de profits (un record) et versé 67,8 milliards d’euros de dividendes (autre record). Pour contribuer à de telles performances, même les étudiants les plus pauvres seront heureux, sans doute, de payer plus cher leur petite chambre vétuste !

Les « préférences » de Gabriel Attal

La logique est toujours la même : il s’agit de transférer tout le poids de la crise économique sur le dos de la classe ouvrière et des classes moyennes – en commençant par les plus pauvres et les plus fragiles.

Pour la cinquième fois depuis 2018, l’assurance chômage est attaquée. Gabriel Attal l’a annoncé le 27 mars. Tout est envisagé : la hausse du temps de travail requis pour ouvrir des droits à une allocation ; la baisse de la durée maximale d’indemnisation (de 18 à 12 mois) ; une extension de la dégressivité des allocations elles-mêmes ; enfin, le report de deux ans des « bornes d’âge » accordant des droits plus longs aux seniors.

Le Premier ministre a déclaré que la dégressivité des allocations « a moins [sa] préférence » que les autres mesures. Il préfère le cyanure et l’arsenic au curare. « Mais on va laisser les partenaires sociaux travailler », a-t-il ajouté. En d’autres termes, si les négociations entre le Medef et les syndicats ouvriers ajoutent une dose de curare à la « feuille de route » concoctée par le gouvernement, Attal ne s’y opposera pas !

Nous avons là un exemple flagrant du rôle auquel l’Etat bourgeois s’efforce de cantonner les directions confédérales du mouvement syndical : la « négociation » de la régression sociale permanente.

Les directions syndicales les plus droitières cèdent facilement à cette pression. Elles expliquent aux travailleurs que, sans elles, la régression eut été encore plus sévère. C’est notamment le cas des dirigeants de la CFDT, qui signent régulièrement des accords régressifs – sur l’assurance chômage comme sur bien d’autres sujets. En réponse aux annonces de Gabriel Attal, la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, a déclaré : « Des économies sont attendues sur l’assurance chômage, mais le régime ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire de l’Etat. » Traduction : « Nous voulons bien soutenir une nouvelle contre-réforme, mais il ne faut pas trop charger la barque ».

Il faut passer à l’offensive !

Quant à l’aile gauche du mouvement syndical, elle se contente trop souvent d’une position strictement défensive. Membre du bureau confédéral de la CGT, Denis Gravouil a déclaré : « Il est hors de question pour nous d’envisager un euro de nouvelles baisses sur l’indemnisation des chômeurs. » Très bien, mais que fait-on vis-à-vis des précédentes baisses, qui se sont multipliées depuis 2018 ? Et que fait-on, plus généralement, vis-à-vis des 6,2 millions de personnes inscrites à France Travail ? Du point de vue du mouvement ouvrier, l’enjeu n’est pas seulement de défendre l’assurance chômage, mais aussi de défendre le droit au travail.

Les organisations du mouvement ouvrier doivent passer à l’offensive sur la base d’un programme radical. Sur la question du chômage, ce qu’écrivait le révolutionnaire russe Léon Trotsky, dans son Programme de transition (1938), n’a rien perdu de sa pertinence :

« Sous peine de se vouer lui-même à la dégénérescence, le prolétariat ne peut tolérer la transformation d’une partie croissante des ouvriers en chômeurs chroniques, en miséreux vivant des miettes d’une société en décomposition. Le droit au travail est le seul droit sérieux que l’ouvrier ait dans une société fondée sur l’exploitation. Cependant, ce droit lui est enlevé à chaque instant. Contre le chômage, tant “structurel” que “conjoncturel”, il est temps de lancer, en même temps que le mot d’ordre des travaux publics, celui de l’échelle mobile des heures de travail. Les syndicats et les autres organisations de masse doivent lier ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas par les engagements mutuels de la solidarité. Le travail disponible doit être réparti entre tous les ouvriers existants, et cette répartition déterminer la longueur de la semaine de travail. Le salaire moyen de chaque ouvrier reste le même qu’avec l’ancienne semaine de travail ! Le salaire, avec un minimum strictement assuré, suit le mouvement des prix. Aucun autre programme ne peut être accepté pour l’actuelle période de catastrophes. »

Anticipant les objections « réalistes » des politiciens bourgeois et réformistes, Trotsky ajoutait :

« Les propriétaires et leurs avocats démontreront l’“impossibilité de réaliser” ces revendications. Les capitalistes de moindre taille, surtout ceux qui marchent à la ruine, invoqueront, en outre, leur livre de comptes. Les ouvriers rejetteront catégoriquement ces arguments et ces références. Il ne s’agit pas du heurt “normal” d’intérêts matériels opposés. Il s’agit de préserver le prolétariat de la déchéance, de la démoralisation et de la ruine. Il s’agit de la vie et de la mort de la seule classe créatrice et progressiste et, par là même, de l’avenir de l’humanité. Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu’il a lui-même engendrés, qu’il périsse ! La “possibilité” ou l’“impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux que tout la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste. »

Autrement dit, la lutte pour des réformes sérieuses doit être fermement liée à la lutte contre le système capitaliste lui-même. Or c’est précisément ce qui fait défaut, aujourd’hui, au sommet de nos grandes organisations syndicales et politiques. Ni Marylise Léon, ni Sophie Binet, ni Mélenchon, ni aucun autre dirigeant de premier plan ne propose de lutter pour « liquider l’esclavage capitaliste ». C’est le dénominateur commun de l’aile droite et de l’aile gauche du réformisme.

La Tendance Marxiste Internationale, qui en juin prochain fondera l’Internationale Communiste Révolutionnaire, existe pour organiser tous ceux qui veulent rompre avec l’impuissance et les trahisons du réformisme, qui veulent lutter pour la révolution ouvrière et le communisme. Comme l’écrivait Trotsky, l’enjeu n’est rien moins que « la vie et la mort de la seule classe créatrice et progressiste et, par là même, l’avenir de l’humanité. »


Sommaire

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Brèves
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La mobilisation des lycéens du 93
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