Cet été, 30 sites accueilleront les athlètes et les spectateurs des Jeux Olympiques. Un certain nombre de sites existent déjà (Roland-Garros, Stade de France, etc.), mais d’autres ont été construits pour l’occasion. La Solidéo, qui est chargée de diriger ces travaux, déclare en toute confiance que les chantiers seront livrés à temps. Elle oublie seulement de préciser que cet optimisme se fonde sur une exploitation brutale – et très rentable – de travailleurs sans-papiers.

On compte plus de 5000 ouvriers sur ces chantiers, dont une écrasante majorité d’immigrés. Sur la construction du Village olympique à Saint-Denis, par exemple, travaillent surtout des ouest-africains, ainsi que « des Turcs, des Portugais ou des Arabes », comme l’explique un ouvrier malien. Les géants du BTP – Bouygues, GCC, Eiffage, etc. – puisent allègrement parmi les 700 000 travailleurs sans-papiers du pays, qui constituent une main d’œuvre bon marché et corvéable à merci. Sans elle, les JO ne pourraient pas voir le jour, comme le souligne le mot d’ordre de collectifs de sans-papiers : « Pas de papiers, pas de Jeux Olympiques ! ».

Membre de la Coordination des Sans-papiers à Paris (CSP75), Mamadou Sow dénonce les conditions scandaleuses dans lesquelles travaillent ses camarades : « que ce soit pour les Jeux Olympiques ou ailleurs en France, lorsque les patrons savent que vous n’avez pas vos papiers, vous êtes comme un esclave ». N’ayant plus à se soucier du Code du travail, les employeurs imposent aux ouvriers des conditions extrêmement rudes : des rémunérations très inférieures au Smic (65 euros par jour) et des journées de travail dépassant souvent 10 heures – le tout sans Sécurité sociale, sans congés payés et sans accès aux soins. Ces témoignages nous rappellent les conditions barbares des travailleurs des chantiers de la Coupe du monde au Qatar, la chaleur en moins. Et l’Etat français, bien sûr, ferme les yeux.

De son côté, la préfecture de la Seine-Saint-Denis n’est pas pressée de régulariser ces travailleurs sans-papiers. Et pour cause : d’une part, de telles régularisations pèseraient sur les profits des grands groupes impliqués dans les chantiers des JO ; d’autre part, l’extrême précarité de ces travailleurs est un élément central dans la tenue des délais de construction.

Solidéo : médaille d’or de l’hypocrisie

La Solidéo rejette toute responsabilité dans l’exploitation des sans-papiers. Mieux : elle assure réaliser un « contrôle systématique » des entreprises sur les chantiers, afin de lutter « contre le travail illégal ». Mais alors, comment expliquer l’inefficacité notoire et massive de ces contrôles ? Il y a « toujours des trous dans la raquette », explique un dirigeant de Solidéo. Pour être sûr qu’on a bien compris son image, il insiste : certaines entreprises passent « entre les mailles du filet ».

En réalité, la Solidéo fonctionne comme le secteur du BTP a l’habitude de fonctionner : elle fait appel à des sous-traitants qui exploitent sans détour les travailleurs, y compris les sans-papiers. Et lors des contrôles de l’inspection du travail, ce sont les travailleurs sans contrat légal qui payent : ils perdent leur emploi. Daouda Tounkara, par exemple, a travaillé jusqu’au 18 octobre sur les chantiers des JO, puis s’est retrouvé sans travail et sans ressources suite à un contrôle. Et quand l’Etat se tourne contre les patrons, Solidéo se défausse sur les sous-traitants, comme ce fut le cas en octobre lorsque neuf entreprises sous-traitantes des chantiers des JO ont été placées en liquidation judiciaire.

Mais ceci ne règle aucun problème : de nouveaux sous-traitants apparaissent qui occupent le « marché ». Le Monde parle de « fausse sous-traitance », au sens où elle a pour seul et unique objectif de recruter des ouvriers sans-papiers. En marge des mastodontes du BTP, il existe une nébuleuse de micro-entreprises dont la spécialité est le recrutement et l’exploitation d’immigrés sans-papiers. Pour reprendre la métaphore du dirigeant de Solidéo, « les mailles du filet » sont précisément calibrées pour laisser passer un maximum de poissons. C’est tout un « système » hypocrite dont les principaux acteurs des JO sont complices, à commencer par Solidéo, l’Etat et les grands groupes du BTP.

Mobilisations

Le 17 octobre dernier, à l’appel de la CGT, 600 travailleurs sans-papiers se sont mobilisés en Ile-de-France pour réclamer la régularisation de leur situation. C’est dans ce contexte que les salariés du chantier olympique de l’Arena Porte de la Chapelle ont occupé leur lieu de travail. A l’initiative du collectif Gilets Noirs et d’autres associations de sans-papiers, la grève a porté ses fruits : craignant une extension du mouvement et donc un retard des chantiers, les entreprises sous-traitantes de Bouygues immobilier ont immédiatement signé un protocole d’accord pour la régularisation des sans-papiers. En une journée de grève, ces derniers ont obtenu gain de cause.

Cette lutte montre la voie à suivre. Seule la lutte des classes – et la solidarité active de l’ensemble du mouvement ouvrier – permettra aux travailleurs sans-papiers de défendre leurs droits et leurs conditions de travail.

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