L’intérim, qui existe légalement depuis 1972, s’est beaucoup développé depuis les années 2000. Cela se mesure notamment aux nombreux procès qui visent des agences d’intérim ou leurs entreprises clientes.

Le recours à un intérimaire est strictement limité, en théorie, à des situations précises : le remplacement temporaire d’un salarié ou un accroissement temporaire d’activité. Mais force est de constater que beaucoup d’entreprises ont recours aux intérimaires comme à un vivier de forces de travail sur lesquelles elles peuvent aisément faire pression et dont elles peuvent se débarrasser en fin de mission.

Intérimaire dans l’industrie depuis cinq ans, Matthieu explique : « L’agence d’intérim nous dit toujours qu’on a un droit de retrait s’il y a le moindre souci, mais ce sont de beaux principes. Certaines agences essayent vraiment d’être arrangeantes, mais l’entreprise utilisatrice peut toujours mentir par omission sur les conditions de travail, de sécurité ou sur la rémunération. Dans mon cas, par exemple, ma seule exigence est de ne pas porter de charges lourdes sur recommandation de la médecine du travail. Et pourtant, en ce moment, je me retrouve à devoir pousser des bobines de 2,2 tonnes sur des faux plats, ce dont l’agence n’a jamais entendu parler. C’est à moi de faire remonter ce genre de situation – au risque de voir ma mission s’arrêter brusquement. »

Accidents

Les conditions de travail des intérimaires sont souvent mauvaises, voire dangereuses – dans un pays où le nombre d’accidents du travail est deux fois plus élevé que la moyenne européenne. Matthieu raconte : « Quand je travaillais en scierie, j’ai failli mourir à cause des normes de sécurité déficientes sur une scie. Mes collègues m’ont demandé de me taire parce que celui qui commandait la scie était un autre intérimaire, qui du coup risquait de perdre son travail ».

Les intérimaires sont en première ligne des accidentés du travail. Ce qui aggrave ce phénomène, c’est le fait que le patronat externalise le risque professionnel en sous-traitant à outrance. Dans le BTP, par exemple, la sous-traitance peut aller jusqu’à sept niveaux : autant de niveaux qui peuvent se renvoyer la responsabilité.

De fait, lorsqu’un intérimaire est victime d’un accident ou d’une injustice, la politique habituelle est… de se taire. Et d’ailleurs, que dire lorsqu’on est seul face à une grande entreprise ? Sur le papier, il est possible de se syndiquer, mais « on se syndique peu, par peur de représailles : on peut se retrouver sans emploi d’une semaine à l’autre. Les syndicats sont censés nous protéger, mais il est difficile de prouver la discrimination.

« Par exemple, j’ai travaillé dans l’usine De Buyer, où il y avait des disparités de paiement entre salariés de l’entreprise et les intérimaires, à poste équivalent. J’ai décidé de faire remonter l’information à mon agence d’intérim, aux syndicats de De Buyer et à mon syndicat, la CGT intérim. Résultat : un vendredi soir, j’ai appris que je ne reviendrai pas le lundi matin. Et bien sûr, l’entreprise a refusé d’expliquer pourquoi à la boîte d’intérim, et celle-ci n’a pas voulu insister face à l’un de ses gros clients. »

« Dans la scierie, lorsque j’ai prévenu la direction que j’allais faire grève une demi-journée, je me suis fait insulter par la direction et, quelques heures plus tard, mon agence m’apprenait que je ne retournerai pas travailler le lendemain. La cause de mon renvoi était claire, mais cela reste difficile à prouver. »

Pressions

Seule la CGT a une branche spécifique pour les intérimaires. Les autres confédérations les renvoient dans les branches relatives à leurs missions, ce qui n’est pas adapté lorsqu’on sait qu’une mission d’intérim dure en moyenne deux semaines. Mais se retrouver face à des institutions qui n’ont pas été pensées pour eux est le lot des travailleurs temporaires. Exemple : France Travail. Matthieu explique : « J’ai l’impression que France Travail est non seulement inadaptée aux emplois précaires, mais que tout est fait pour nous défavoriser. Dans mes interactions avec France Travail, j’ai l’impression qu’on veut juste me rendre la vie assez difficile pour que je quitte l’intérim – et donc que je sorte des chiffres du chômage ».

Malgré tout cela, Matthieu ne souhaite pas changer de statut, dans l’immédiat : « je considère qu’être salarié dans une boîte c’est être enchaîné à un patron qui a tout pouvoir sur ses salariés ». Cependant, comme le montre le témoignage de Matthieu lui-même, l’intérimaire est soumis, lui aussi, à l’arbitraire patronal. Quant au pouvoir du patron sur les salariés, il n’est pas absolu : il est relatif au niveau d’organisation et de mobilisation des travailleurs. C’est un rapport de forces. Et nous, communistes, voulons pousser ce rapport de forces jusqu’à la conquête de tout le pouvoir par l’ensemble de la classe ouvrière.

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