Les hautes sphères du cinéma et le gouvernement français aiment vanter les mérites de la prétendue « exception culturelle française », mais les conditions de travail dans les festivals du film français n’ont pourtant rien d’« exceptionnelles ». Dans l’ombre des stars et des soirées fastueuses, les travailleurs sont précaires et exploités.

Avec environ 350 festivals de cinéma, la France est le leader du cinéma indépendant et des festivals. L’hexagone accueille aussi les plus importants festivals mondiaux de longs métrages (Cannes), de courts métrages (Clermont-Ferrand) et de films d’animation (Annecy). Mais les travailleurs qui font tourner ces festivals sont soumis à des conditions extrêmement dures et précaires.

Leurs salaires sont souvent proches du SMIC ou à peine supérieurs, y compris pour les travailleurs qui peuvent justifier d’une grande expérience. En outre, pendant un événement, il n’est pas rare de devoir travailler 80, 90, voire plus de 100 heures en une semaine – sans que les heures supplémentaires soient rémunérées, ni que les majorations de nuit ou du dimanche soient prises en compte. Il est aussi courant de travailler plusieurs semaines d’affilée sans période de repos.

Ce rythme effréné pousse en permanence les travailleurs jusqu’à leurs limites mentales et physiques. Les crises d’angoisse, les disputes entre collègues et les burn-out à répétition sont une réalité méconnue des coulisses des festivals.

Régression

Cette situation n’a fait que s’aggraver ces dernières années. En 2019, la réforme de l’assurance chômage a introduit toute une série d’exigences que les travailleurs des festivals remplissent rarement. Nombre d’entre eux ont vu leurs allocations baisser drastiquement, jusqu’à 400 euros par mois, ou leur durée d’indemnisation diminuer de plusieurs mois. Cette réforme a aussi introduit l’obligation d’avoir travaillé durant 6 mois au cours des 24 derniers mois – au lieu de 4 mois au cours des 28 derniers mois – pour pouvoir bénéficier d’une allocation chômage. De nombreux travailleurs précaires des festivals ne remplissant pas ce critère, ils ont été privés de toute allocation entre deux contrats.

Le statut d’intermittent du spectacle était autrefois plus répandu, dans le monde des festivals, et permettait une meilleure indemnisation entre deux contrats. Mais la réforme de 2003 sur le statut des intermittents a privé beaucoup de festivals de la possibilité d’en embaucher. Ce statut, relativement meilleur, est donc aujourd’hui inaccessible à de nombreux travailleurs des festivals.

La crise générale du capitalisme a lourdement frappé ce secteur. Les subventions et les budgets publics de la Culture ont été parmi les premiers à subir les politiques d’austérité. Par exemple, en mai 2023, le Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé la réduction de moitié du financement annuel du Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand. Il est passé de 210 000 à 100 000 euros.

Dans les festivals, le manque d’effectifs était déjà la norme : les travailleurs sont censés gérer plusieurs projets simultanément, tandis que des stagiaires et des jeunes en service civique accomplissent des tâches qui devraient être des emplois à temps plein et entièrement rémunérés. Avec les baisses des budgets et des subventions, les organisateurs ont réduit les effectifs sans pour autant diminuer la charge de travail, qui pèse d’autant plus lourd sur des travailleurs déjà précaires et hyper-exploités.

Mobilisations

Lorsque les travailleurs protestent contre leurs mauvaises conditions de travail, leurs employeurs leur opposent une vieille rengaine : « vous devriez être contents, car vous travaillez dans un domaine qui vous passionne, le cinéma ». Le problème est que la « passion » ne paie pas le loyer.

Le mécontentement croissant explique la création, en 2020, du Collectif des Précaires des Festivals. Il s’agissait d’une des premières tentatives d’organisation de ce secteur. En sommeil depuis la fin des confinements, le Collectif a été réactivé au début de l’année 2023. Il regroupe aujourd’hui des travailleurs de plus d’une soixantaine de festivals en France.

Le Collectif des Précaires des Festivals revendique la création d’une convention collective pour les festivals – et donc la mise en place d’une grille salariale. Il revendique aussi la généralisation du régime de l’intermittence, sur le modèle des travailleurs du spectacle. Enfin, le collectif revendique l’uniformisation des intitulés de postes (ce qui faciliterait la prise en compte de l’ancienneté), le paiement des heures supplémentaires, des formations adéquates pour les personnels encadrants et l’organisation des festivals de cinéma au sein d’une fédération, pour pouvoir partager des ressources communes et mieux organiser la répartition de la charge de travail.

Cette mobilisation des travailleurs des festivals français est une nouvelle démonstration du militantisme croissant des travailleurs du cinéma, qui se reflète également dans les grandes grèves des acteurs et des scénaristes américains. Ces travailleurs habituellement passifs, car très précaires et peu organisés, sont poussés par la crise du capitalisme à se mobiliser. Pour obtenir ce qu’ils réclament, les travailleurs des festivals doivent se lier au reste de la classe ouvrière, qui subit comme eux les conséquences de la crise. Seule l’unité nous apportera la victoire !

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