Le 18 avril dernier, à Toulouse, sept militants de la CGT se sont retrouvés sur le banc des accusés suite à une plainte pour diffamation déposée par la fille du PDG de Moretti, une entreprise spécialisée dans la topographie.

Comment en est-on arrivé là ? Par des dizaines de motions faxées, les syndicalistes des fédérations de la CGT des Sociétés d’Etudes et de la CGT Métallurgie avaient dénoncé le licenciement d’un salarié syndiqué dans l’entreprise Moretti. Cette campagne visait à apporter leur solidarité à Eric Raison, qui aurait par ailleurs été victime de propos racistes.

En décembre 2009, Eric, récemment promu chef des missions topographiques, était sous le coup d’une procédure de licenciement. La direction lui reprochait de « ne pas avoir assumé ses missions ». Lors d’une réunion avec la fille Moretti, celle-ci lui aurait glissé : « Monsieur Raison, et si moi je vous parlais de votre couleur de peau (...) ? ». Dans leur motion, les syndicalistes ont dénoncé, à juste titre, ces derniers propos :« Nous ne saurions accepter un tel licenciement, qui plus est décidé à la suite de propos sur la couleur de peau de M. Eric Raison ».

Marie-Laure Moretti décide donc d’attaquer 7 syndicalistes qui ont envoyé des motions, les accusant de diffamation publique. Après tout, la conversation n’a pas été enregistrée, et nous n’avons que la parole du salarié contre celle de son patron. Mais pour Eric Deschamps, un des 7 accusés, délégué CGT chez Altran et Conseiller Prud’homal,« nous avons l’habitude de nous faire attaquer. Mais là, c’est une première, c’est un cran supérieur ». Car derrière l’acharnement, il y a un autre aspect à cette affaire. Eric Raison était sur le point de créer une section syndicale au sein de l’entreprise. Il s’était rapproché de la CGT dans le cadre des élections professionnelles qui s’annonçaient chez Moretti. Comme l’a déclaré Loïc Deschamps à la barre, Eric « voulait améliorer les choses pour que son équipe travaille dans des conditions correctes ». Eric dénonçait les conditions de travail pénibles dans l’entreprise, des temps de pause trop courts, mais aussi une surveillance omniprésente : « Les salariés ne peuvent pas circuler librement dans l’entreprise car ils sont surveillés. Les bureaux des dessinateurs projeteurs sont fermés et sous surveillance constante », a-t-il déclaré à la presse.

Trois semaines après avoir tenté de représenter la CGT dans son entreprise, il est sous le coup d’une procédure de licenciement qui, infailliblement, à tort ou à raison, conduit à la rupture du contrat de travail. Pour un des accusés, « la société impose la judiciarisation, ce que nous n’avons pas voulu. La CGT a voulu entamer une démarche de dialogue, mais on a eu droit à une fin de non-recevoir par le PDG Pierre Moretti. »

Dans quasiment toutes les entreprises, c’est l’arbitraire du patron qui règne en maître. Le simple fait de remettre en cause l’organisation du travail, sans même parler de se syndiquer, est considéré bien souvent par le patron comme une ingérence inacceptable. Contre cet arbitraire, et contre les injustices que subissent les salariés et les délégués syndicaux, les syndicats réagissent et se solidarisent. En Haute-Garonne, depuis plusieurs années, dès qu’un militant est attaqué, les militants CGT lancent des campagnes de protestation, par l’envoi de fax émanant des différentes entreprises du secteur aéronautique, de la métallurgie et des sociétés de services, et par des rassemblements de soutien devant les locaux de l’entreprise concernée – parfois avec succès. Et quand bien même la campagne échoue, elle donne du moral aux collègues.

La décision de s’attaquer pénalement à ces syndicalistes ne peut pas être séparée de ces considérations. Le patronat des sociétés de services, main dans la main avec le puissant patronat de la métallurgie, a tout intérêt à neutraliser et à criminaliser l’action syndicale qui perturbe leurs « affaires ». Ce n’est peut-être pas un hasard si parmi ces sept militants CGT, tous sont d’ardents défenseurs des travailleurs, dont quatre sont des élus au Conseil des Prud’hommes de Toulouse, et un conseiller du salarié.

Le jugement sera rendu le 6 juin prochain. Les sept accusés de Moretti sont confiants et savent qu’ils sont dans leur droit. Mais quoiqu’il arrive, nous devons leur apporter tout notre soutien dans ce combat pour la défense des intérêts des salariés et contre la criminalisation de l’action syndicale.

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