Le 9 avril dernier, l’ensemble des salariés des ateliers d’Ivry-sur-Seine (94) se sont mis en grève. Embauchés par la mairie de Paris, ces menuisiers, peintres, tapissiers, métalliers, encadreurs et chauffeurs s’occupent de l’entretien et de la mise en place des expositions de 14 musées de la capitale.

Après des années de dégradation de leurs conditions de travail, de problèmes de sécurité et de réduction des effectifs, la direction des ateliers impose une badgeuse et veut revenir sur une conquête gagnée il y a plus de 30 ans : la répartition de leurs 39 heures de travail hebdomadaire sur 4,5 jours. « C’est l’attaque de trop, la goutte d’eau qui fait déborder le vase », nous confie l’un des menuisiers en grève.

Des années de recul 

En 2013, Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, réformait la gestion des musées parisiens et créait « Paris Musées », un établissement public à caractère administratif. Censée améliorer la gestion des bâtiments et des œuvres d’art, l’autonomisation du budget prévue par cette réforme n’a pas échappé aux politiques d’austérité.

Depuis, les effectifs ont été pratiquement divisés par deux dans les ateliers d’Ivry. « Avant, il y avait 14 menuisiers, nous ne sommes plus que 7. Il n’y avait que des titulaires. Quand je suis arrivé, en 2013, j’étais le premier contractuel. Aujourd’hui, la majorité des nouveaux ouvriers sont contractuels ».

La direction est aussi gravement négligente en matière de sécurité : « Les machines ne sont pas entretenues, notamment les aspirations, ce qui risque de provoquer des cancers. En plus, les visites médicales ne sont pas faites depuis 5 ans »

De manière générale, la crise du capitalisme menace la culture – jusque dans les infrastructures permettant de la mettre en valeur. La dégradation des conditions de travail des ouvriers de « Paris Musées » se répercute sur leurs missions : « Les délais sont raccourcis et on manque de personnel sur les chantiers. Avant, les menuisiers intervenaient, avaient le temps de bien faire leur travail, puis les peintres arrivaient. Suite à ça les œuvres étaient exposées et un peintre venait faire les finitions. Ce temps a été réduit. On se retrouve tous au même endroit et on doit travailler dans l’urgence. Cela se ressent sur le résultat. Pourtant nous aimons notre travail et nous avons une forte cohésion d’équipe, malgré les difficultés »

Tous en grève !

Avant 1982, l'atelier était situé dans le Bois de Boulogne. L’organisation du temps de travail sur 4,5 jours a été obtenue en 1990 car le nouveau site d’Ivry était loin des transports en commun – ce qui n’a pas changé, depuis. Suite à la grève du 9 avril, une réunion a eu lieu avec la direction. Face aux demandes légitimes des ouvriers, celle-ci a répondu par le mépris.

« Personnellement », nous explique le menuisier, « je pensais que la direction nous écouterait, qu’on pourrait au moins garder notre vendredi après-midi. J’étais naïf. On est tombé face à un mur. Et un mur qui parlait, qui répétait "non" de manière intransigeante et nous souriait de façon méprisante. Ça ne passe pas. Nous sommes ouvriers, oui, et fiers de l’être ! Nous ne sommes pas juste des numéros de matricule. On était tous sur le piquet de grève. Même les contractuels se sont mobilisés. C’était unanime, ce qui créé un engouement pour continuer le combat. Pour beaucoup, dont moi-même, c’était notre première grève. Si la direction continue de nous mépriser, on fera de nouveau grève. Mais au lieu d’aller devant la direction, on ira dans les musées : on ne va pas lâcher le morceau ! ».

Quand la Cour des comptes s’en mêle

En 2021, la Cour des comptes passait au crible la gestion de « Paris Musées ». L’étude concluait qu’il fallait rallonger les plages d’ouverture des musées et affirmait que « Paris Musées » dépendait trop des subventions de la ville. Il faudrait que cet établissement public dégage des fonds propres, par exemple en mettant fin à tout élément de gratuité dans la totalité des musées. 

La Cour des comptes ajoute un rappel au « droit » : il faut mettre en conformité la durée de travail des agents ! En réponse, la direction des ateliers fait preuve de servilité et applique les consignes : une badgeuse et 5 jours de travail complets.

L’accès à l’art et à la culture devrait être gratuit pour tous. Dans le même temps, il faut défendre les conditions de vie et de travail de ceux qui permettent aux musées d’ouvrir leurs portes et d’accueillir du public dans de bonnes conditions. Où trouver les financements ? Le menuisier gréviste a des éléments de réponse : « ils disent qu’il n’y a plus d’argent, mais il y en a. Il ne se trouve simplement pas au bon endroit. Le gouvernement attaque les petites gens. On est en plein dans le capitalisme ». Précisément ! 

 

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