L’AFPA (Association pour la formation professionnelle des adultes) est née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Son objectif était de former ceux qui allaient contribuer à reconstruire un pays exsangue. Paritaire, l’AFPA était alors administrée par des représentants de l’Etat, du patronat et des salariés. Elle se donnait pour tâche de former des adultes sans qualification – ou qui voulaient changer de métier ou progresser dans leur branche d’activité. Le tout dans d’assez bonnes conditions : formation alternant théorie et pratique, formateurs eux-mêmes bien formés et se maintenant au niveau de leurs métiers, hébergement et restauration correcte à bas coût, etc. L’AFPA faisait du « bien-être » du stagiaire le socle de tout apprentissage.

Cette vision hors temps, quasiment hors système économique, laissait croire aux stagiaires et aux salariés que l’AFPA était une sorte d’Utopia de la formation et de la reconversion professionnelle. Les salariés et leurs représentants s’accoutumaient à la cogestion, à la co-élaboration, à la coresponsabilité – bref, à la collaboration entre patrons et salariés.

Casse du service public

Or de nos jours, la crise du capitalisme ne permet plus de maintenir cette fiction d’une gestion « juste » et « équitable ». L’AFPA est lourdement attaquée, sur tous les fronts. Elle est victime de la lame de fond qui, au nom de la « libre concurrence », frappe tous les services publics, auxquels on substitue les « services AU public ». Le stagiaire de l’AFPA devient un « client » et le formateur un « producteur ». Ce « plan stratégique » est incarné par le nouveau directeur général de l’AFPA, Philippe Caïla, qui jusqu’en 2009 gagnait sa vie comme directeur adjoint du cabinet d’Eric Woerth... Nous voilà prévenus !

Pour casser l’AFPA, sa direction utilise des méthodes qui ont fait leurs preuves chez France Télécom et La Poste. Elle crée des « branches » différentes au sein de l’AFPA : une pour la « production » (la formation pure), une autre pour la commercialisation des « produits », une dernière pour l’entretien des locaux, l’hébergement et la restauration.

Rentabilité

Comme l’a rappelé la grève des personnels de la restauration à Toulouse, en avril dernier, la branche « hébergement et restauration » est sûrement la première qui va être « coupée », car elle ne génère aucun bénéfice. Suite au désengagement de l’Etat, les coûts d’entretien sont très importants. En conséquence, l’idée est de se décharger sur les grands groupes privés du secteur de l’entretien et de la restauration : Sodexho, Bouygues immobilier, etc. S’il y a des profits à réaliser, ne doutons pas qu’ils répondront « présents »  !

Les autres branches devront dégager du chiffre d’affaires. Et la pression sera donc énorme sur les salariés. Les assistantes techniques sont déjà dans le doute quant à leurs nouvelles attributions. On risque de les faire postuler à leur propre poste, comme cela s’est passé chez France Télécom, avec le stress et la démotivation que cela génère. Mais la direction de l’AFPA a tout prévu  : dans sa grande mansuétude, elle permettra à ces salariées pressurisées d’être « écoutées » au sein d’un « collectif sur les risques psychosociaux ». Fin du fin, elles pourront même se voir proposer une formation AFPA pour se reconvertir !

Bref, on va vers la casse de l’AFPA et de tous les outils nécessaires à un grand service public de l’emploi. Les formations ne serviront qu’à sortir des statistiques un nombre conséquent de chômeurs et à dégager des bénéfices en pressurant les salariés de la formation professionnelle.

« Cogestion » ?

Face à de telles attaques, comment réagissent les syndicats des personnels de l’AFPA ? Il faut reconnaître que des années de « cogestion » ont émoussé la combativité des directions syndicales. Intégrées de longue date à la gestion de l’AFPA, elles peinent parfois à concevoir que sa casse rentre dans un processus global de destruction systématique de tous les services publics. Par exemple, les responsables CGT et CFDT ont accepté le passage d’une gestion tripartite à une gestion quadripartite, c’est-à-dire l’entrée de représentants des Conseils régionaux au sein du conseil d’administration. Or dans les faits, cela réduit d’autant la place des représentants des salariés – sans rien apporter de plus.

Il faut que l’intersyndicale prenne toute la mesure du danger de la restructuration en cours. Il faut durcir le ton et ne plus attendre les coups, mais les prévenir. Les luttes qui s’intensifient aux quatre coins de l’hexagone doivent converger dans une seule direction et s’unifier au niveau national avec des revendications claires. La CGT de l’AFPA doit réclamer l’arrêt du « plan stratégique », le retour à une gestion tripartite avec des représentants du personnel ayant le droit de vote au sein du Conseil d’administration. Enfin, il faut revendiquer la création d’un grand service public de l’emploi regroupant Pôle emploi et l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle, le tout géré démocratiquement par les salariés et les usagers !

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