Dans le monde entier, les femmes figurent parmi les premières victimes de la crise du capitalisme et de ses conséquences sociales dévastatrices.

En France, les hommes et les femmes sont formellement égaux devant la loi. Mais les femmes gagnent toujours, en moyenne, 15 % de moins que les hommes à temps de travail équivalent. La précarité de l’emploi frappe particulièrement les femmes, qui occupent 75 % des postes à temps partiel. Dans le foyer familial, 80 % des femmes font la cuisine ou le ménage au moins une heure chaque jour, contre 36 % des hommes. Chaque année, au moins 94 000 femmes sont victimes de viol. 70 % des plaintes pour violence sexuelle sont classées sans suite. A peine 1 % des plaintes pour viol ou agression sexuelle sont suivies d’un procès pénal aux assises. Ces quelques chiffres suffisent à montrer qu’en France comme ailleurs, l’égalité réelle entre hommes et femmes n’existe pas.

Ces dernières années, la lutte contre l’oppression des femmes a pris un caractère massif dans de nombreux pays. Cette année encore, le 8 mars, journée internationale des femmes – impulsée pour la première fois en 1910 par la révolutionnaire Clara Zetkin – sera l’occasion de manifestations de masse sur tous les continents.
L’oppression des femmes – et des personnes LGBT – révolte tout particulièrement la jeunesse. Cependant, pour lutter efficacement contre cette oppression, il faut d’abord comprendre pourquoi elle se perpétue.

Capitalisme et oppression des femmes

L’oppression des femmes n’est pas une fatalité. Les marxistes expliquent qu’elle est apparue en même temps que la division de la société en classes – et qu’elle disparaîtra avec cette même division.

Sous le capitalisme, la division fondamentale de la société oppose la bourgeoisie à la classe ouvrière (le salariat). La bourgeoisie, qui possède les moyens de production, exploite les femmes et les hommes de la classe ouvrière, qui ne possèdent que leur force de travail. Or cette exploitation se double, pour les femmes, d’une oppression spécifique qui est antérieure au système capitaliste – mais indispensable à son maintien.

Il y a quelque 10 000 ans, le développement des forces productives et l’émergence de la propriété privée ont introduit la nécessité, pour les hommes des classes dominantes, de s’assurer de la paternité de leurs enfants afin de leur transmettre leurs richesses. C’est à cette époque qu’est née la famille patriarcale dans laquelle la femme est soumise à l’homme, et réduite à son rôle de mère dans le cadre d’une stricte monogamie.

Comme système reposant sur la propriété privée, le capitalisme a reconduit ce modèle familial. Aujourd’hui encore, la classe dirigeante a tout intérêt à défendre ce modèle – en dépit de ses assouplissements juridiques – pour des raisons à la fois économiques et politiques.
La bourgeoisie tire profit, indirectement, de l’esclavage domestique des femmes de la classe ouvrière : en assumant les tâches du foyer familial (ménage, enfants, etc.), elles évitent aux capitalistes d’avoir à investir dans les infrastructures publiques correspondantes. Les apologies du « doux foyer familial » complètent la destruction des services publics, et notamment ceux de la petite enfance.

Dans les pays capitalistes avancés, le développement de l’économie et de la technologie a nettement réduit la charge de travail domestique des femmes, qui par ailleurs ont été massivement intégrées au marché du travail. Cette intégration des femmes dans la production sociale a constitué un énorme progrès. C’est sur cette base que les femmes ont conquis – souvent de haute lutte – des droits démocratiques et l’égalité formelle avec les hommes (devant la loi).

Cependant, comme nous l’avons rappelé, les écarts de salaire et une plus grande précarité de l’emploi maintiennent les femmes dans une position économique subalterne. En retour, cela favorise leur assignation à la sphère domestique et leur dépendance au sein du couple et de la famille. La bourgeoisie n’a aucun intérêt à éliminer ces discriminations, car elles lui permettent d’exercer une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de vie de l’ensemble de la classe ouvrière.

Le capitalisme perpétue également les formes d’exploitation les plus brutales des femmes à travers la réduction de leur corps au rang d’objet de plaisir à la disposition des hommes qui peuvent se le payer. En France, la pénalisation des clients n’a pas fait reculer la prostitution. Dans une société où tout s’achète et se vend, la prostitution est la conséquence inéluctable de la misère et du chômage qui frappent des millions de femmes de la classe ouvrière. Sous le capitalisme, aucune loi n’éliminera ce fléau social.

En outre, l’oppression des femmes est l’un des moyens, pour la bourgeoisie, de diviser la classe ouvrière. Le sexisme et les violences contre les femmes brisent la solidarité entre travailleurs et travailleuses. C’est pour cela qu’il y a un siècle, l’Internationale Communiste fixait à ses militants la tâche de « combattre les préjugés relatifs aux femmes dans les masses du prolétariat masculin, en renforçant dans l’esprit des ouvriers et des ouvrières l’idée de la solidarité des intérêts des prolétaires des deux sexes ».

L’impasse du féminisme

Aujourd’hui, beaucoup de femmes et d’hommes révoltés par toutes les formes de sexisme se déclarent spontanément « féministes ». Ils associent le féminisme à la lutte contre l’oppression des femmes et pour l’égalité. Comme communistes, nous participons pleinement à cette lutte, mais nous pensons que le féminisme, comme théorie et comme programme, n’est pas du tout à la hauteur de l’enjeu.

Pour les raisons évoquées plus haut, l’oppression des femmes est indissociable du capitalisme, de nos jours. Or justement, toutes les organisations féministes entretiennent – d’une façon ou d’une autre – l’illusion qu’il serait possible d’éradiquer cette oppression dans la cadre du capitalisme. Par exemple, au sujet de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la militante féministe Caroline De Haas affirme que le « président de la République a le pouvoir de changer les choses », et que le problème vient d’un « manque de volonté politique ». C’est typique du réformisme, qui consiste à espérer que les horreurs inhérentes au capitalisme pourront être éliminées – sans renverser le capitalisme – par des hommes et des femmes de bonne volonté.

Contrairement à ce qu’affirment de nombreuses féministes, la solution ne viendra pas davantage d’un changement graduel dans la conscience des hommes et des femmes. Vouloir « éduquer » les hommes pour leur apprendre à ne plus opprimer les femmes – sans renverser tout l’édifice pourri du capitalisme – est une illusion qui ne peut mener qu’au désespoir. Comme l’expliquait Marx, « les idées dominantes, dans la société, sont les idées de la classe dominante ». Et justement, les stéréotypes de genre et les préjugés à l’égard des femmes sont continuellement renforcés par la classe dominante à travers son idéologie, ses médias de masse, son système éducatif, etc.

Une autre erreur fondamentale du féminisme consiste à considérer la lutte pour l’émancipation des femmes comme un combat « transversal » aux classes sociales. Autrement dit, toutes les femmes auraient fondamentalement les mêmes intérêts, car toutes seraient victimes du « patriarcat ». Or dans le monde réel, les femmes de la bourgeoisie « luttent » pour l’égalité avec les hommes de leur classe, c’est-à-dire pour avoir les mêmes privilèges que ces derniers – et les mêmes possibilités de s’enrichir en exploitant les hommes et les femmes du salariat.

Au début du XXe siècle, le mouvement des suffragettes n’a pas survécu à la Première Guerre mondiale, les femmes bourgeoises s’étant rangées derrière les hommes de leur classe dans leur soutien à l’impérialisme britannique. Les femmes de la bourgeoisie subordonnent toujours leur « féminisme » à leurs intérêts de classe. Et lorsque la mobilisation révolutionnaire des travailleurs et des travailleuses menace l’ordre capitaliste, les femmes de la classe dirigeante exigent leur répression avec une énergie au moins égale à celle de leurs maris. Par exemple, la romancière féministe George Sand considérait la Commune de Paris, en 1871, comme « une émeute de fous et d’imbéciles mêlés de bandits », et appelait « l’armée à en finir avec cette orgie ».

Faute d’aborder la question du point de vue des intérêts de la classe ouvrière, le féminisme tombe souvent dans des positions complètement réactionnaires. Par exemple, lors des émeutes de l’été dernier, suite au meurtre de Nahel, l’historienne féministe Lucile Peytavin tweetait : « La violence des hommes. Encore ». En réduisant le soulèvement de la jeunesse opprimée à l’expression d’une « violence masculine », Lucile Peytavin faisait le jeu de la classe dirigeante et de sa propagande raciste.

La voie communiste

Encore une fois, les communistes sont en première ligne de toutes les luttes pour la défense et l’amélioration des droits et des conditions de vie des femmes. Nous devons lutter, notamment, pour le droit à l’avortement, pour l’égalité salariale et pour un meilleur accompagnement des femmes victimes de violences. Mais comme le soulignait l’Internationale Communiste, « l’égalité non formelle, mais réelle de la femme n’est possible que sous un régime où la femme de la classe ouvrière sera la maîtresse de ses instruments de production et de répartition, prenant part à leur administration ». Autrement dit, la lutte pour les droits des femmes et pour l’égalité est indissociable d’une lutte unifiant l’ensemble de la classe ouvrière pour le renversement du capitalisme et l’édification d’une société communiste.

Sur la base d’une économie planifiée et démocratiquement contrôlée par l’ensemble des travailleurs, toutes les formes d’oppression seront graduellement éliminées. Tout le monde aura droit à un travail bien rémunéré et utile à la société, à un bon logement et à des loisirs. La planification de l’économie ouvrira la voie à une baisse très nette du temps de travail, ce qui permettra aux hommes et aux femmes de s’impliquer dans le fonctionnement de la société.

Les contraintes économiques qui pourrissent les relations au sein du couple et de la famille seront éliminées. Libérées de toute dépendance matérielle vis-à-vis de leur partenaire, les femmes pourront plus facilement échapper à une relation abusive. Pour libérer les femmes (et les hommes) du fardeau des tâches domestiques, des investissements de grande ampleur seront réalisés dans le développement d’un vaste réseau de services publics de l’enfance, de laveries publiques, de restaurants publics bon marché et de qualité. La lutte pour l’élimination des violences et des préjugés à l’égard des femmes sera une priorité de la société, qui y consacrera tous les moyens requis. Enfin, le droit à l’avortement sera garanti par des services de santé très accessibles et par la suppression de toute entrave légale, comme la « clause de conscience ».

Sur de telles bases, la vieille psychologie barbare héritée de la société de classe disparaîtra et fera place à une psychologie entièrement nouvelle et à un nouveau type d’hommes et de femmes. Une fois débarrassés des contraintes humiliantes et aliénantes de la société capitaliste, les rapports entre les hommes et les femmes seront fondés sur le respect, la solidarité, et l’objectif commun d’élever le niveau culturel de toute l’humanité.

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