Fin novembre, la Chine a été le théâtre de mobilisations inédites contre les mesures de confinement. Même si elles sont restées d’une ampleur limitée, en termes quantitatifs, leur potentiel a effrayé le régime et l’a obligé à renoncer à sa politique de « zéro Covid ». Ceci a immédiatement déclenché une vague de contaminations qui semble importante.

L’impasse du « zéro Covid »

La politique de « zéro Covid » impliquait des mesures draconiennes et souvent ubuesques. Lors de confinements locaux, des ouvriers étaient confinés non dans leurs logements, mais dans les usines, de façon à maintenir la production. Dans d’autres cas, les travailleurs étaient tout simplement licenciés.

Dans certaines circonstances, les tests PCR quotidiens étaient obligatoires, ce qui obligeait les habitants à faire la queue des heures durant, y compris pendant les tornades ! Pour les capitalistes qui produisent les tests, c’est une source d’énormes profits. Mais la gestion désastreuse des laboratoires privés a débouché sur d’innombrables « faux positifs », et donc sur autant de confinements individuels extrêmement sévères et totalement injustifiés.

Cette politique de « zéro Covid » était vouée à l’échec. Tant qu’elle restait limitée à un petit nombre de pays, pendant que le virus circulait dans le reste du monde, de nouveaux foyers ne pouvaient pas manquer d’apparaître en Chine. Si le régime chinois s’est accroché à cette politique très stricte et répressive, c’est essentiellement pour défendre son prestige face aux autres grandes puissances impérialistes. De ce point de vue, c’est un fiasco qui fragilise le régime aux yeux du peuple chinois.

Mobilisations

Fin novembre, des milliers de travailleurs de l’usine Foxconn, à Zhengzhou, se sont révoltés contre le non-paiement d’une prime qui leur avait été promise. Ils ont réussi à repousser les vigiles de l’entreprise, mais aussi la police. Cette mobilisation leur a permis d’arracher quelques concessions. Presque au même moment, une vague de colère faisait suite à l’annonce d’un incendie meurtrier, à Urumqi, au cours duquel les opérations de sauvetage semblent avoir été entravées par les mesures de confinement. Selon le gouvernement, il y aurait eu 10 victimes ; d’autres sources donnent des chiffres bien plus élevés (jusqu’à 44 morts). Ces deux événements ont sonné le signal d’un mouvement à l’échelle de tout le pays.

Des manifestations se sont déroulées dans près de 19 provinces, jusqu’au cœur de Shanghai et de Pékin. La jeunesse et les étudiants y ont joué un rôle central, avec des mobilisations dans quelque 80 universités. Certaines manifestations étaient dirigées à la fois contre le régime et contre le capitalisme. Des cortèges étudiants ont régulièrement chanté L’Internationale, au grand désarroi des journalistes occidentaux.

L’ampleur du mouvement a contraint le régime à reculer. Dans un premier temps, des administrations municipales ont annoncé qu’elles levaient certaines mesures de confinement, et en particulier les tests PCR quotidiens. Puis, le 7 décembre, le gouvernement central annonçait l’adoption de « 10 nouvelles mesures » signant l’abandon, de facto, du « zéro Covid ».

De Charybde en Scylla

Ce tournant de 180 degrés visait à calmer la colère des masses. Mais l’apaisement, dans les rues, ne peut être que provisoire. Si les tests PCR quotidiens ne sont plus obligatoires, ils restent exigés pour accéder à de nombreux services publics (entre autres). Or désormais, ces tests ne sont plus remboursés. Ceci alimentera la colère de travailleurs chinois déjà confrontés aux conséquences du ralentissement économique.

Surtout, le relâchement rapide des mesures de contrôle sanitaire a provoqué une explosion du nombre de nouveaux cas, très au-delà de ce que le système de santé chinois est capable d’absorber. Au plan national, la Chine compte quatre lits de soins intensifs pour 100 000 personnes. C’est très insuffisant pour supporter une puissante vague de contaminations. Au début de la pandémie, le régime pouvait mettre en scène la construction, en 13 jours, de deux hôpitaux à Wuhan. Il ne pourra pas réaliser le même tour de force à l’échelle de tout le pays. Quoi qu’il en soit, les soins de qualité, très coûteux, sont hors de portée de la majorité des travailleurs chinois.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la Chine semble confrontée à une vague de contaminations semblable à celles qui ont balayé les grandes puissances occidentales en 2020. Comme ce fut le cas dans ces pays, la vague va mettre à nu toutes les contradictions de classe, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins et la sécurité des conditions de travail.

Loin de renouer avec la stabilité, le capitalisme chinois se dirige vers une nouvelle période d’intenses troubles sociaux. La crise sanitaire aggrave l’exaspération provoquée par le ralentissement économique et le caractère dictatorial du régime. Au fur et à mesure que les problèmes s’accumulent, la défiance à l’égard du gouvernement grandit. Tôt ou tard, la jeunesse et les travailleurs chinois descendront à nouveau dans les rues, à une échelle encore plus vaste qu’en novembre et décembre derniers.

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