Je travaille comme assistant médico-technique chez LVL Médical, un prestataire de services de santé et d’hospitalisation à domicile. Il existe 60 à 70 prestataires de santé à domicile en France. Certains sont très localisés (une ville et ses alentours) et d’autres – comme LVL – de dimension nationale, voire internationale, avec des agences disséminées sur le territoire et en Europe. LVL compte 750 employés en France : des chargés de communication, des informaticiens, des comptables, des responsables de zone et d’équipe, des infirmiers, des diététiciens et des assistants médico-techniques. Ces derniers constituent la moitié des effectifs de l’entreprise.

Si au départ LVL employait d’anciens pompiers professionnels et militaires qui voulaient compléter leur retraite, la majorité des techniciens viennent aujourd’hui de tout secteur : anciens routiers, intermittents du spectacle, agents de sécurité... A l’embauche, une formation sommaire est prodiguée au siège social de Lyon – où nous sommes conviés, voyage en avion payé, pour une semaine en chambre d’hôtel – dans les luxueux locaux de la cité internationale qui se veut un lieu d’échange sophistiqué et dédié au culte du libéralisme. La formation se limite à une présentation rapide et visuelle du matériel médical que nous serons amenés à installer chez des particuliers, nos amis, nos grands-parents, nos voisins, nos enfants... Il s’agit de ventilations, de dispositifs délivrant de l’oxygène, des aspirateurs de mucosités pour les personnes trachéotomisées, etc.

Puis vous vous retrouvez au volant d’une camionnette avec 150 patients sous votre responsabilité, sur un département, voire deux, à faire des révisions d’appareils, à livrer des cuves d’oxygène liquide après les avoirs remplies et contrôlées, à effectuer des gestes dont certains seront vitaux pour ces gens qui sont pour la grande majorité très sympathiques et vous font confiance. Toutes les quatre semaines on est d’astreinte : tout en travaillant la journée, on peut être appelé toutes les nuits et le week-end pour se déplacer sur quatre départements. On fait 2 à 300 kilomètres par jour au volant d’un camion chargé d’oxygène liquide et d’obus gazeux, dont plusieurs ont déjà explosé après un accident de la route.

Jean-Claude Lavorel a créé cette société il y a 23 ans. Elle réalise aujourd’hui environ 170 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Commercial chez le géant Sanofi-Synthélabo à son début de carrière, il est désormais dans le top des 400 plus grandes fortunes de France (86 millions d’euros). Il possède même sa propre concession de voitures de luxe Porsche. Or, toutes les prestations de LVL sont couvertes par la Sécurité Sociale.

A force de révisions oubliées ou de matériel non distribué aux patients, des profits substantiels ont été accumulés, tout comme les voitures de collection au parking du siège social. L’autre jour, il a envoyé son fils nous annoncer que la prime annuelle, équivalente à un salaire, allait être diminuée de moitié, avant de repartir... dans le jet privé familial.

C’est un très beau métier, vous apportez du confort aux patients qui sont mieux chez eux. Vous amenez un début de solution aux maladies nosocomiales. Mais en faisant cinquante heures de camion par semaine, plus des astreintes, avec les risques et les responsabilités, vous gagnez moins de mille trois cents euros net par mois (astreintes comprises).

Un salarié de LVL Médical

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