Le gouvernement Hollande a beau allumer des contre-feux sécuritaires et « identitaires », la priorité de sa politique reste claire. De nouvelles réductions d’impôt sont annoncées pour les capitalistes (cette fois-ci des PME). Les attaques contre les services publics continuent. La loi Travail a été adoptée, couronnant quatre ans d’efforts incessants pour satisfaire les besoins immédiats de la classe dirigeante française.

Le bilan de ce gouvernement « socialiste » est donc indéfendable – du moins du point de vue de l’électorat populaire qui l’a porté au pouvoir. Ce faisant, il entraîne dans sa chute le PS, qui enchaîne les défaites électorales depuis 2012 et connaît une hémorragie militante. Le fait même qu’une nouvelle candidature de François Hollande soit en débat reflète la peur du vide régnant au sommet de l’appareil.

La droite du PS sait bien que son candidat – qu’il s’agisse de Hollande ou d’un autre – a peu de chances de l’emporter en 2017. Mais elle a décidé de boire le calice jusqu’à la lie, de défendre jusqu’au bout les intérêts de la bourgeoisie. En dernière analyse, cela reflète l’impasse du réformisme, dont la crise du capitalisme a détruit les bases matérielles. En 30 ans, le PS est passé d’un réformisme timide à une politique de contre-réformes. Hollande et Valls assument parfaitement le rôle historique des dirigeants sociaux-démocrates : trahir les aspirations des travailleurs et, ainsi, préparer le retour de la droite au pouvoir.

Emmanuel Macron n’est que le trait d’union de cette possible « alternance ». Il pourrait très bien participer à un gouvernement Juppé ou Sarkozy. En déclarant « ne pas être socialiste », il dit tout haut ce que les dirigeants du PS pensent d’eux-mêmes, tout bas. C’est aussi pour cela que Macron les agace.

Le programme de Montebourg

L’aile gauche du PS s’oppose officiellement à cette capitulation. Quatre de leurs représentants – Montebourg, Hamon, Filoche et Lienemann – pourraient se présenter aux primaires organisées par la direction du PS. Mais cette opposition ne manque pas d’ambiguïté. Les deux personnalités les plus en vue, Montebourg et Hamon, ont participé pendant deux ans au gouvernement Hollande et cautionné, à l’époque, sa politique pro-patronale. Pendant ce temps, les députés « frondeurs » votaient les coupes budgétaires – ou, au mieux, s’abstenaient.

Montebourg partage avec Hamon une timidité programmatique qui ferait passer le Mitterrand de 1981 pour un dangereux bolchevik. Là où Mitterrand avait nationalisé quasiment toutes les banques, Montebourg évoque la possible nationalisation « partielle » ou « temporaire » d’une seule grande banque, qu’il se garde bien de nommer. Pas de quoi effrayer la haute finance !

Montebourg ne propose pas d’abroger la loi Travail, mais de la « renégocier ». Or le patronat ne voudra rien renégocier. Au fond, tout le programme de Montebourg repose sur l’idée fausse d’une possible conciliation des intérêts des travailleurs et des grands capitalistes. Il en est ainsi lorsqu’il propose de « sauver l’Union Européenne » (capitaliste) « contre elle-même », c’est-à-dire de convaincre les capitalistes européens de soutenir une politique contraire à leurs intérêts. Pour cacher cette confusion programmatique, Montebourg avance toute une série de réformes institutionnelles qui, faute de s’en prendre au pouvoir des capitalistes, ne changeraient rien à la situation matérielle des masses.

Quelle rupture ?

Il n’est pas exclu que Montebourg ou Hamon parviennent à occuper l’espace laissé vacant par la dérive droitière de la direction du PS. Mais du fait de leurs ambiguïtés idéologiques et programmatiques, ils sont encore loin d’un Corbyn qui, en Grande-Bretagne, a réussi à faire émerger un mouvement de masse dans la gauche du Parti Travailliste, lequel traversait le même type de crise que le PS. Malgré ses propres limites réformistes, Corbyn a réussi à incarner une véritable rupture, aux yeux des masses, grâce à la fermeté de ses discours contre l’austérité.

Les leçons de la Grande-Bretagne, comme celles de Podemos en Espagne, doivent être tirées par tous les militants de gauche qui s’opposent au gouvernement PS, à commencer par ceux de la France insoumise de Mélenchon. Un retour en force d’une gauche digne de ce nom ne pourra se réaliser que par l’adoption d’un programme de rupture radicale avec le système, ses institutions et ses représentants.