La conférence fédérale du PCF de Paris s’est tenue les samedi 12 et dimanche 13 juin. Comme toujours, dans des réunions du parti, le débat était riche d’enseignements. Mais nous voulons ici évoquer la question spécifique de la démocratie interne, dans le parti, en prenant comme exemple la méthode qui a été adoptée au moment de discuter et d’amender la résolution présentée par la direction fédérale, en fin de conférence.

La question des procédures démocratiques – lors de congrès comme en d’autres occasions – n’est pas du tout secondaire. Elle conditionne le contrôle effectif des militants sur leur parti, ses décisions, son activité et ses prises de positions publiques. A cet égard, la façon dont a été organisée la discussion sur la résolution de la conférence fédérale n’était pas du tout satisfaisante.

Les choses étaient d’ailleurs assez mal engagées, sur le plan démocratique. En effet, le 9 juin, trois jours avant la conférence fédérale, des dirigeants des partis du Front de Gauche annonçaient un certain nombre de décisions concrètes et importantes concernant « l’avenir du Front ». Ces décisions, immédiatement relayées dans la presse, ont pris de court les militants du parti. Presque toutes les conférences de section du parti s’étaient déjà tenues, de même qu’un bon nombre de conférences fédérales. Lors de la conférence de Paris, plusieurs camarades ont sévèrement critiqué cette méthode, qui, selon les mots d’une militante, « donne l’impression qu’on ne sert à rien ». Des dirigeants fédéraux ont répondu que le débat sur les annonces du 9 juin « doit se poursuivre ». Mais on aurait préféré que le débat précède les annonces, et que celles-ci tiennent compte de l’avis des militants !

Le dimanche matin, une résolution de quatre pages a été distribuée aux délégués de la conférence fédérale. Selon le secrétaire fédéral, Patrice Bessac, cette résolution était censée refléter la « position majoritaire » qui se serait dégagée des discussions de la veille. Or, aucune « position majoritaire » n’a pu se dégager formellement, le samedi, puisque d’une part aucun vote n’a eu lieu – et que d’autre part de nombreux camarades n’ont pas pris la parole, parmi les 150 délégués présents. En réalité, la résolution reflétait la position de la direction fédérale, ou du moins de sa majorité. En soi, ce fait ne pose pas de problème. La direction fédérale avait parfaitement le droit – et même le devoir – de soumettre ses idées à la discussion et aux amendements des délégués. Mais ce qui, par contre, relève d’une maladresse, sinon d’une manœuvre, c’est de présenter ce texte comme la position majoritaire de la conférence. D’ailleurs, la possibilité de présenter des amendements – jusqu’à 12h30, deux heures après la distribution du texte ! – était une reconnaissance implicite du fait que cette résolution exprimait les idées de la direction fédérale. Car à quoi bon demander à la conférence d’amender sa propre « position majoritaire » ?

De nombreux amendements – plusieurs dizaines – sont parvenus à la tribune, malgré le délai très court et un débat qui se poursuivait, pendant ce temps, sur la politique municipale du parti (une camarade s’en est plaint : « on ne peut pas à la fois écouter le débat, lire la résolution et rédiger des amendements ! »).

Vers 13h, la « discussion sur les amendements » à la résolution a tout de même commencé. Nous mettons « discussion sur les amendements » entre guillemets, car il s’agissait en réalité d’autre chose. Dans un congrès digne de ce nom, les congressistes votent sur les amendements qui sont présentés. Quant à la direction, elle recommande aux congressistes de voter pour ou contre les amendements, en expliquant éventuellement pourquoi, de façon concise. Telle est la procédure démocratique. Or, dans le cas de notre congrès fédéral, nous étions appelés à voter, non sur les amendements, mais sur « l’avis de la commission ». Et « l’avis de la commission » consistait en une proposition de texte qui intégrait – ou non – les amendements qui avaient été présentés, et qui parfois amendait les amendements eux-mêmes ! Les camarades votaient là-dessus dans une certaine pagaille inévitable. Cette procédure, qui a trop souvent cours, dans le parti, donne à « la commission » la possibilité d’écarter ou de dénaturer arbitrairement des amendements, puisqu’ils ne sont pas directement soumis au vote.

Par exemple, plusieurs amendements avaient été déposés qui remettaient en cause l’annonce du 9 juin sur la création d’une association des « partisans du Front de Gauche ». Lors du rapide débat qui s’est engagé, sur cette question, une majorité d’intervenants a appuyé l’un de ces amendements. Mais lorsque Patrice Bessac a repris la parole, l’amendement a disparu de la formulation qu’il a soumise au vote. Certes, les congressistes qui tenaient à cet amendement pouvaient toujours voter contre la formulation proposée par Bessac. Cependant, même si le « contre » l’avait emporté, l’amendement n’aurait pas encore été adopté. Car suivant cette procédure, Bessac aurait pu proposer une nouvelle formulation, ou proposer de laisser le texte en l’état, ou proposer d’amender l’amendement – et ainsi de suite. Comme le dit l’expression : « pile je gagne, face tu perds ! »

Précisons que l’« avis de la commission », en l’occurrence, c’était l’opinion de Patrice Bessac, qui siégeait à la tribune et dirigeait la séance. En effet, aucune « commission » n’avait eu le temps de discuter sérieusement les amendements déposés deux heures plus tôt. Seul Patrice Bessac avait pu se faire une opinion de ce qu’en pensait « la commission » (c’est-à-dire Patrice Bessac). Et bien que « la commission » ait été renommée « le bureau », en cours de route, il s’agissait toujours de Patrice Bessac.

Cette façon de passer les amendements au filtre de « l’avis de la commission », plutôt que de les soumettre directement au vote, n’est pas démocratique. Elle a d’ailleurs fini par lasser de nombreux camarades, dont plusieurs ont renoncé à participer aux votes. Il faut que le parti en finisse une fois pour toutes avec cette méthode – et adopte, à sa place, la procédure qui permet aux camarades de soumettre directement leurs amendements au vote du congrès. Encore une fois, il y va du contrôle des militants sur le parti.

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