Nicolas Sarkozy est en campagne électorale et tous les coups sont permis. « Frauder, que dis-je, voler la sécurité sociale, c’est trahir la confiance de tous les Français et c’est porter un coup terrible à la belle idée nécessaire de solidarité nationale », affirmait le président de la République lors d’un meeting qui s’est tenu en novembre à Bordeaux sur le thème de la lutte contre les fraudes sociales.

Comme il sait si bien y faire, l’UMP joue une stratégie de stigmatisation, distillant la suspicion et les appels à la délation, pour remobiliser son électorat et détourner l’attention des vrais sujets, bien plus brûlants. Marine Le Pen s’inscrit dans la même démarche, en dénonçant dans la foulée une « explosion de la fraude sociale liée à une explosion de l’immigration  ».

Pour justifier cette propagande démagogique, Sarkozy s’appuie sur un rapport remis en juin dernier par le député UMP Dominique Tian, membre de la Droite populaire. Tian soutient l’idée qu’il y aurait 20 milliards d’euros de fraudes sociales en France. Et comme en 2007, l’UMP martèle sur ce thème, laissant entendre que ce sont les chômeurs et les malades qui sont à l’origine de la fraude et en partie responsables de la dette de l’Etat.

Xavier Bertrand (photo), ministre du Travail, s’est lancé dans la chasse aux fraudeurs. Il propose d’ajouter un quatrième jour de carence pour les arrêts maladie. Il prétend par ce biais faire économiser 200 millions d’euros à la Sécurité sociale, et ainsi « responsabiliser les assurés pour garantir un recours justifié aux arrêts de travail », laissant entendre que les travailleurs profiteraient des arrêts de travail. « Par souci d’équité », Bertrand annonce « l’institution d’un jour de carence dans les trois fonctions publiques ».

Mais tous ces chiffres avancés par le gouvernement tronquent sciemment la réalité. Selon la Cour des comptes, la fraude totale se situerait entre 10 et 15 milliards par an. De plus, l’administration n’aurait détecté que 458 millions d’euros de fraude en 2010. Mais surtout, ce que la droite se garde bien de dire, c’est que la vraie fraude se situe au niveau des employeurs, pour un montant variant de 8 à 15 milliards d’euros, selon les sources.

Selon la CFDT, les indemnités journalières pour arrêts maladie ne représentent que 2,5 % du budget de la Sécurité sociale. Et la majorité des arrêts maladie ne concernent que des travailleurs de plus de 50 ans qui souffrent de la pénibilité de leur travail. Parlons plutôt de tous ces travailleurs qui renoncent à des arrêts maladie, par peur d’éventuelles représailles, ou tout simplement parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de perdre trois jours de salaire – les fameux jours de carence.

Sur la totalité des travailleurs, il existe bien sûr des fraudeurs, mais il faut relativiser le problème, surtout quand la droite se sert de chiffres fantaisistes. Selon la Caisse nationale des allocations familiales, l’escroquerie se monterait à 90 millions d’euros en 2010, soit 0,15% des 60 milliards d’euros de prestations versées aux allocataires.

La vérité, dont tout le monde se doute aujourd’hui, c’est que les fraudeurs sont le chiffon rouge agité pour justifier un nouveau coup porté à la protection sociale. Sarkozy est beaucoup moins volontariste pour lutter contre la fraude fiscale ou les affaires financières qui font subir d’importantes pertes à l’Etat. Mais sans doute que le président, dont ses amis sont mouillés dans les affaires, préfère épargner ces derniers pour qu’ils continuent à financer l’UMP et sa campagne présidentielle.

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