Dans les perspectives élaborées par La Riposte, nous avons constamment expliqué le changement fondamental qui s’est produit dans l’économie européenne. Nous avons dit que le capitalisme signifiait désormais la régression sociale permanente, et qu’aucun ordre social ne pouvait continuer sur cette pente sans préparer les bases d’une révolution. Les événements en Grèce, et maintenant en Espagne, confirment cette analyse. Ils démontrent que la crise économique en Europe commence à se transformer en une crise de régime.

Quand des centaines de milliers d’Espagnols sont descendus dans la rue pour accueillir les mineurs qui avaient marché sur la capitale à partir des Asturies, de Léon, d’Aragon et de Puertollano, le 10 juillet dernier, l’ampleur et l’élan de cette mobilisation ont transformé la psychologie de l’ensemble de la classe ouvrière. Les mineurs sont en lutte contre la mort de leur industrie minière (voir p. 11).

L’exemple des mineurs et leur détermination à faire reculer le gouvernement ont fait tache d’huile. C’est comme si les travailleurs des différents secteurs de l’économie et des services publics s’envoyaient des signaux  : « Nous sommes prêts ! Et vous ? » - « Oui, nous sommes prêts, nous aussi  !  » Le 19 juillet, 800 000 manifestants ont défilé à Madrid, et au moins 400 000 à Barcelone. Les employés des ministères et des administrations, les personnels des tribunaux, des écoles et des universités ou encore des hôpitaux, ont massivement participé. Des contingents de pompiers étaient dans les cortèges. La jeunesse était dans la rue, elle aussi. Comme nous l’expliquions à l’époque, le mouvement des indignados n’était qu’une anticipation de ce qui se passe désormais à une échelle beaucoup plus grande  !

Le gouvernement a envoyé la police contre les manifestants à de nombreuses reprises. Les policiers, qui comptent dans leur rang bon nombre de fascistes, ont fait preuve d’une extrême brutalité, faisant des centaines de blessés parmi les manifestants. En même temps – et c’est un fait de la plus haute importance – de nombreux policiers, des gardes civils et des militaires se sont joints aux manifestants. Sur leur pancartes et drapeaux, ils ont inscrit  : « Au service du peuple, pas des banques  !  »

Le gouvernement espagnol veut réduire de 65 milliards les dépenses publiques. Cette politique désastreuse, loin d’aider l’économie espagnole à sortir de la récession, l’enfoncera dans une récession encore plus profonde. Les «  plans de sauvetage  » successifs, concoctés par les instances européennes et par les gouvernements des pays membres, ne sauvent que les profits des capitalistes qui sont responsables de la crise, tout en aggravant le chômage et la casse industrielle et sociale. L’instabilité sociale et politique qui existe en Grèce et en Espagne va nécessairement s’étendre à d’autres pays – dont, immanquablement, la France – dans les mois et les années à venir.

Souvent, il est vrai, des périodes de grandes luttes tendent à s’estomper, cédant la place à un calme apparent. Il en sera sans doute ainsi en Espagne. En France, un phénomène similaire s’est produit dans la foulée de la lutte pour la défense des retraites, en 2010. De telles pauses sont inévitables. On ne peut pas maintenir les travailleurs dans un état d’ébullition permanente quand leurs adversaires refusent de céder. Clairement, l’acharnement des capitalistes est tel que des manifestations – aussi massives et impressionnantes soient-elles – et même des grèves de plus ou moins longue durée ne peuvent pas aboutir à des résultats tangibles. Même dans le cas où les capitalistes et les gouvernements consentent à quelques concessions, ce n’est jamais que pour revenir à l’offensive plus tard. La lutte est une école dure, mais les travailleurs y apprennent énormément. Leurs idées se radicalisent. On l’a vu et on l’a senti, en France, pendant la campagne présidentielle, avec les rassemblements de masse en soutien à Mélenchon et au Front de Gauche. En se heurtant à l’attitude implacable des capitalistes, et en se heurtant aussi, aux limites de leurs propres idées, organisations et méthodes de lutte, les travailleurs passeront de la lutte contre les conséquences du système à la lutte contre le système lui-même. Le socialisme est une nécessité incontournable pour en finir avec la régression sociale.

Cette grande perspective implique de grandes responsabilités. Tout en nous engageant à fond dans les luttes en cours, nous ne devons pas oublier la nécessité de mettre les programmes de nos propres organisations – de nos syndicats, du PCF et du Front de Gauche – en conformité avec les tâches révolutionnaires qui sont devant nous.

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