Depuis plusieurs semaines, un certain nombre de luttes salariales éclatent dans les entreprises : Sanofi-Aventis, Société Générale, HSBC, Ikéa, Danone, YSL Beauté, Thalès, etc. En 2010, les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) ont été sensiblement plus revendicatives qu’en 2009.

En 2008 et 2009, les travailleurs ont subi de plein fouet les effets de la récession économique. Les centaines de milliers de destructions d’emplois et la brusque montée du chômage ont été autant de freins aux luttes revendicatives pour l’amélioration des conditions de travail et des salaires. Mais alors qu’il est demandé aux salariés de consentir chaque jour à un peu plus de sacrifices, la publication des résultats des principales entreprises cotées en bourse lève le voile sur les bénéfices engrangés par les capitalistes, en dépit de la récession. En 2009, les quarante entreprises les plus riches de France ont dégagé un profit de l’ordre de 47 milliards d’euros. Selon le quotidien Les Echos, elles verseront 35,5 milliards d’euros à leurs actionnaires, cette année, soit à peu près autant que l’an passé. Voilà qui prouve sans ambiguïté que la facture de la crise économique est payée par les salariés, et non par les capitalistes.

Dans ce contexte, la peur du chômage commence à céder la place à la colère et à la combativité. La CGT de Sanofi, par exemple, a engagé le combat contre le plan d’austérité de la direction, qui entend réaliser 2 milliards d’économie, d’ici 2013, en gelant les salaires et en supprimant 3000 emplois. Or, le résultat net du groupe Sanofi, en 2009, est de 8,5 milliards d’euros. Par ailleurs, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 9%, cette année. Idem chez Total, qui affiche un peu plus de 8 milliards d’euros de bénéfice, en 2009, et verse des dividendes records à ses actionnaires – tout en annonçant la fermeture de la raffinerie de Dunkerque. Chez Danone, un mouvement de grève pour des augmentations de salaire a touché plusieurs usines du groupe agro-alimentaire, depuis le début du mois de mars. En 2009, l’entreprise a augmenté son chiffre d’affaire de plus de 3%. Chez Ikéa, les syndicats CFDT, CGT et FO ont revendiqué des hausses collectives de salaire face à une direction cynique qui estimait que ce qui avait été précédemment acquis suffisait. La direction a proposé des augmentations individuelles « au mérite ». Mais en réalité, même les acquis sont remis en cause. Les critères d’attribution des primes annuelles sont redéfinis, pour être toujours moins atteignables ; les salariés qui partent ne sont plus remplacés, etc. Comme partout, la baisse du chiffre d’affaires est compensée par une dégradation des salaires et des conditions de travail. Du coup, Ikéa a dégagé un bénéfice de 52 millions d’euros, en 2009. Son fondateur, Ingvar Kamprad, est l’homme le plus riche d’Europe, et vit en Suisse pour de mystérieuses raisons fiscales.

Cette multiplication de grèves salariales est un symptôme des changements qui sont en train de s’opérer, dans la psychologie des travailleurs. Les bénéfices des grands groupes capitalistes et les dividendes versés à leurs actionnaires contrastent singulièrement avec le sort qui est réservé aux salariés. De même, les attaques systématiques contre les acquis obtenus au cours de la dernière période ne font qu’aggraver la rancœur. Il est normal que les premiers signes de ce changement d’humeur s’expriment à l’occasion des NAO au sein des plus grandes entreprises. Elles concentrent un grand nombre de salariés. Ceux-ci bénéficient généralement de sections syndicales solides qui peuvent s’appuyer sur les chiffres d’affaires et les dividendes colossaux pour mobiliser les travailleurs. Ces luttes sont un encouragement pour l’ensemble des salariés, dans la période qui s’ouvre.

Après avoir été surpris et intimidés par la violence de la crise économique, les salariés seront de plus en plus nombreux à sortir de la paralysie provoquée par la brusque montée du chômage. Ils voudront reprendre ce qui a été perdu et sortir de la rigueur salariale. Pour que ces luttes s’étendent aux salariés des petites et moyennes entreprises, ainsi que des sous-traitants des grands groupes cotés au CAC 40, il faut qu’une campagne nationale de revendications soit portée par les principaux syndicats et partis de gauche.

Du côté de la CGT, la direction confédérale a bien évidemment apporté son soutien à ces luttes salariales. Mais ce soutien se résume trop souvent à des communiqués de presse. Elle devrait davantage travailler à la coordination des luttes, porter ces mots d’ordre au niveau national et mettre l’ensemble de ses organisations – fédérations, unions départementales et unions locales – en ordre de marche pour soutenir dans les faits l’ensemble des syndicats d’entreprise, les encourager à mener cette bataille. Le pays s’oriente vers une intensification de la lutte des classes. Les organisations du mouvement ouvrier – syndicales, comme politiques – doivent s’y préparer en travaillant à un programme et une stratégie à la hauteur des attaques subies.

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