Depuis le 23 octobre 2008, les 300 salariés de l’usine Molex, à Villemur-sur-Tarn, sont en lutte pour sauver leurs emplois et leur usine, que les propriétaires veulent fermer. La direction de Molex voulait d’abord délocaliser cette usine vers la Slovaquie, mais a finalement décidé de déplacer l’activité et les brevets vers la Chine et les Etats-Unis. Ils ont annoncé la fermeture définitive du site pour le 31 octobre 2009.

Cette usine est pourtant économiquement viable, comme l’expertise l’a démontré. Et elle a rapporté de très gros bénéfices à ses propriétaires : 1,2 million d’euros, en 2008.

Depuis 10 mois, les salariés sont engagés dans un bras de fer avec une direction sans foi ni loi qui, malgré diverses condamnations pour non-respect des procédures légales, a refusé de donner les informations au cabinet d’expert désigné par le Comité d’Entreprise. Les dirigeants de Molex ont également trompé les salariés depuis des années, en cachant leur volonté de délocaliser l’usine et en dupliquant l’outil de travail aux Etats-Unis, dans le plus grand secret.

La direction de Molex a cherché à gagner du temps en occupant les élus du CE avec des réunions inutiles. Elle a refusé d’appliquer la décision de justice qui a suspendu le PSE (« Plan de Sauvegarde de l’Emploi » – comprenez : le plan social). Elle n’a apporté aucun élément justifiant la fermeture de l’entreprise. En réponse, les salariés ont décidé de durcir le ton. Réunis en assemblée générale, le 7 juillet dernier, ils ont voté la grève reconductible, qui a été massivement reconduite à chaque assemblée générale.

Craignant que la direction de Molex ne profite de la période d’été pour déménager l’outil de production et les stocks produits à Villemur, les salariés ont bloqué les accès au magasin (les stocks), à l’intérieur de l’usine. Fin juillet et début août, la direction de Molex et le ministre de l’industrie, Christian Estrosi, ont évoqué la perspective d’un repreneur. La direction a donc demandé le déblocage du magasin, dans la perspective d’une reprise du travail et pour des raisons de sécurité.

Le lundi 3 août, les salariés ont accepté le déblocage. Mais le lendemain, ils se sont aperçus que l’informatique ne fonctionnait plus et que les accès au magasin étaient bloqués. Les clés avaient disparu et les serrures avaient été changées.

En demandant des comptes à la direction, les syndicats ont appris qu’il n’y avait pas de repreneur en vue. Il s’agissait d’une manœuvre de la direction, d’un mirage, pour forcer les travailleurs au déblocage. Les syndicats ont également appris que la prochaine réunion de négociation était annulée et qu’une vingtaine de vigiles fraichement embauchés allait désormais bloquer l’accès à l’usine.

Le soir même, devant une telle provocation, les salariés en colère ont jeté des œufs sur un des dirigeants de Molex – qui a prétendu avoir reçu des coups. Le lendemain, 5 août, quatre représentants syndicaux et élus au CE ont été assignés au Tribunal de Grande Instance de Toulouse.

Prenant prétexte de ces « incidents » qu’elle a elle-même provoqués, la direction a fait tout un tapage médiatique autour de la « dérive violente » du conflit, et s’en est servi pour justifier, auprès du grand public, la fermeture de l’usine.

Le 6 août, les salariés ont voté la reprise du travail. Mais aucun salarié n’a été autorisé à pénétrer dans l’entreprise. Même l’inspection du travail, qui a constaté l’entrave, n’a pas pu rentrer sur le site, dans un premier temps. Il a fallu, pour cela, qu’elle se fasse accompagner par la gendarmerie, qui a été accusée d’outrepasser ses droits par l’ambassade des Etats-Unis. Lors de la visite de l’inspection du travail, une partie des vigiles se sont enfuis comme des lapins. Peut-être que nombre d’entre eux étaient employés illégalement, tels des mercenaires parés à une opération coup de poing.

Le 11 août, le juge des référés demandait la fin du blocage. Mais la direction de Molex avait décidé de maintenir le lock-out coûte que coûte. Le 13 aout, le ministre Estrosi a nommé Francis Latarche comme médiateur pour trouver une « solution » au conflit. Mais comme le dit bien l’Union Départementale CGT de Haute-Garonne, « le gouvernement et son Ministre de l’Industrie, malgré leurs déclarations dans les médias, ne sont même pas en capacité de faire respecter le droit français que la direction de Molex bafoue continuellement ». Comment peut-on croire, dans ces conditions, que le gouvernement a l’intention de faire quoi que ce soit pour sauvegarder l’usine de Villemur et l’emploi des salariés ?

Pourtant, l’Etat a une large part de responsabilité, dans cette affaire. Certes, les propriétaires de Molex sont évidemment les premiers responsables de cette situation gravissime. Mais il ne faudrait pas oublier qu’avant d’appartenir à Molex, l’usine de Villemur faisait partie du groupe semi-public Snecma, en  2004, et que le gouvernement de l’époque a donné sa bénédiction à la vente de l’usine à Molex.

Aujourd’hui, les médias focalisent l’attention sur le fait que les propriétaires de Molex sont américains. Mais il faut garder en mémoire que Molex est un sous-traitant majeur de l’industrie automobile française. En dernière analyse, c’est essentiellement le groupe PSA (Peugeot Citroën), principal client de l’usine de Villemur, qui donne les ordres et commande le matériel. C’est d’ailleurs la même situation pour les autres sous-traitants de la filière automobile qui ferment ou délocalisent les uns après les autres.

Ce sont les grands donneurs d’ordres de l’industrie automobile qui, après avoir progressivement externalisé leurs activités, imposent des contraintes de coûts à ses entreprises de sous-traitance. On ne peut donc pas résoudre la question des Molex sans s’attaquer à l’ensemble de la politique de l’industrie automobile, qui est dominée par les géants PSA et Renault. Des savoir-faire sont en train d’être liquidés. Plus grave encore, des milliers de salariés sont sacrifiés sur l’autel de la rentabilité capitaliste.

Dans un article précédent, nous avons souligné la nécessité de nationaliser Molex, qui doit être soumis au contrôle et à la gestion démocratique des salariés eux-mêmes, en collaboration avec la population du bassin d’emploi de Villemur – qui, soit dit en passant, fait preuve d’une grande solidarité, dans cette lutte. Et il faudrait bien sûr étendre la nationalisation à l’ensemble du secteur automobile.

Le problème, aujourd’hui, c’est que cette revendication n’est pas portée par les instances dirigeantes des organisations syndicales et des partis de gauche. Quand on pose la question aux politiques, ils renvoient la balle aux syndicats – et vice-versa.

Les salariés de Molex ont tout intérêt à exiger haut et fort la nationalisation de Molex, sous le contrôle des salariés. Le PCF, au niveau national, devrait prendre clairement position en ce sens, et s’engager pour la nationalisation de l’entreprise et, par extension, de l’ensemble du secteur de production des transports. Cela aurait un effet positif sur la lutte des Molex, mais aussi sur l’ensemble des salariés du secteur.

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