Le 16 octobre dernier, une grève éclatait chez Areas, une grosse entreprise gestionnaire de points de vente (Monoprix, etc.) à la gare Saint-Charles de Marseille. Le 24 octobre, les grévistes obtenaient satisfaction sur toutes leurs revendications, dont la réintégration des salariés mis à pied et le départ du superviseur. Mais le 6 novembre, les salariés ont appris le licenciement d’un collègue mis à pied. Le mouvement de grève pourrait donc reprendre.

Le 21 octobre, pendant la grève, Révolution interviewait Faiza, salariée d’Areas et déléguée CGT du personnel. Nous publions l’interview telle quelle, ci-dessous.


Révolution : Pourquoi êtes-vous en grève aujourd’hui ?

Faiza : La quasi-totalité des employés sont en grève depuis le lundi 16 octobre, d’abord à cause de nos conditions de travail. On travaille au milieu des rats, des souris et des cafards. Les toilettes et les vestiaires sont sales. Il n’y a même pas de lieu pour manger. De nombreuses caisses enregistreuses sont en panne. Beaucoup d’employés sont très polyvalents, du fait des différents points de vente, ce qui est épuisant. Nous avons beaucoup d’étudiants qui doivent accepter de faire des heures supplémentaires, qui ne sont pas toujours payées. Ils sont d’ailleurs les premiers à avoir poussé à la grève. De manière générale, on est tout le temps sous pression.

A cela s’ajoute le management agressif et les licenciements abusifs : depuis le mois de juillet, on a perdu quatre collègues qui étaient en CDI. Ils avaient entre deux et quatre ans de boîte. C’est d’ailleurs à cause d’une énième mise à pied immédiate, complètement scandaleuse et irrecevable, que la grève a été déclenchée.

Quel est le motif déclaré de ces licenciements abusifs ?

Ils sont basés sur ce qu’on appelle les « annulations » : lorsqu’un client se ravise sur sa commande, on doit annuler le ticket pour éviter d’avoir un écart de caisse. Problème : il y a un certain quota d’annulations par employé. Dépasser ce quota, c’est s’exposer à des sanctions et l’envoi de convocations qui, d’ailleurs, sont souvent caduques. Par exemple, notre collègue l’a reçue par mail, parce qu’ils se sont trompés d’adresse postale. Ils n’ont pas le droit, c’est irrecevable. Mais surtout, c’est injuste parce que cet été on a travaillé avec des effectifs réduits. Et donc, mécaniquement, il y avait beaucoup plus d’annulations par employé.

C’est ça qui entraîne des mises à pied, sans salaire, avec un mois de marge pour rendre une décision. Elles sont justifiées par un « danger pour le chiffre d’affaires » ! C’est délirant quand on sait dans quelles conditions on doit exercer. Ils n’ont que le profit en tête !

Areas aurait donc des problèmes de rentabilité ?

Pas du tout : on a même largement dépassé le chiffre d’affaires prévu pour l’année 2022-2023, notamment grâce à la Coupe du monde de rugby. Mais en septembre ils ont préféré embaucher trois nouveaux directeurs d’exploitation, sortes de « super-managers » qui surveillent nos moindres faits et gestes, dont nos « annulations ». Ils touchent 2500 euros net minimum, c’est-à-dire un salaire beaucoup plus élevé que le nôtre (qui oscille entre 1530 euros et 1745 euros brut, sachant qu’on ne touche aucune prime). Et il n’y a aucune augmentation de l’effectif sur le terrain. Les travailleurs mis à pied sont remplacés par des intérimaires. La direction exacerbe ainsi la concurrence entre les travailleurs : c’est « diviser pour mieux régner ».

Ces problèmes ne sont pourtant pas nouveaux ?

Effectivement, il y a déjà eu une grève en 2017. En fait, depuis 2015, on change de directeur tous les ans et c’est toujours la surprise. Or le nouveau en 2017, M. Olivier Monnory, était raciste. Il disait qu’il y avait trop d’étrangers ici, et encore je pèse mes mots. Il a employé des managers très agressifs. Certains collègues sont partis en dépression. Moi-même j’avais le manager qui venait me parler dans l’oreille, pour me pousser à bout.

Qu’en est-il de la solidarité entre les travailleurs de la gare ?

Justement, si on a pu obtenir gain de cause en 2017, c’est grâce aux cheminots qui ont fait grève pour nous soutenir. Même les dockers nous avaient soutenus en allant voir eux-mêmes notre patron ! D’ailleurs, cette fois-ci, les cheminots ont proposé de nous rejoindre si la grève se prolonge.

De manière générale, on s’entend bien avec tous les secteurs de la gare. Lorsqu’il y a eu la grève à Laser Propreté, en août dernier, on les a soutenus et ils ont fait de même avec nous cette semaine. C’est pareil pour les agents de sécurité, malgré le fait que les uns soient à Solidaire et les autres à FO.

Au final, on tient à remercier tous les camarades qui nous soutiennent, car la victoire passera aussi par cette solidarité !

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