Lors des récentes Négociations Annuelles Obligatoires (NAO), la direction de Tisséo – le service de transport collectif de Toulouse – a annoncé la suppression de la « clause de sauvegarde ». Conquise lors d’un précédent mouvement de grève, en 2015, elle garantit l’indexation des salaires sur l’inflation officielle.

Tant que l’inflation était faible, cette clause ne posait pas de problème à la direction de Tisséo. Mais en 2022, cette clause a garanti 5,9 % d’augmentation des salaires. Pour 2023, la direction a donc décidé de passer à l’offensive et, brisant l’accord de 2015, de proposer une augmentation des salaires de 2,8 % au 1er juillet 2023, suivie d’une nouvelle hausse de 1 % si l’inflation dépasse toujours les 5 %.

Un salarié de Tisséo, militant à la CGT, commente cette proposition : « Ce n’est pas négligeable, mais ce n’est pas ça qui va nous faire vivre et sauvegarder notre pouvoir d’achat ». Et pour cause : l’inflation est à 7 % en avril. Ce que les patrons de Tisséo cherchent à imposer, c’est donc une baisse de plus de 3 % du salaire réel des travailleurs de l’entreprise.

Les journées de grève

Face à cette attaque, les salariés de Tisséo se sont puissamment mobilisés. Le 11 avril dernier, pour la première fois de son histoire, le métro toulousain était complètement à l’arrêt. 80 % des agents étaient en grève. Depuis, il y a eu deux autres journées de mobilisation – très suivies, elles aussi. Le 18 avril, l’intersyndicale annonçait 60 % de grévistes. Le 11 mai, un militant CGT témoignait : « sur mon dépôt, 200 des 300 conducteurs étaient en grève ». Face au refus de la direction de satisfaire les revendications des grévistes, l’intersyndicale a annoncé quatre journées de grève consécutives, du 30 mai au 2 juin.

Si la question de la clause de sauvegarde constitue le motif central de la mobilisation, la colère des salariés de Tisséo s’alimente à d’autres sources, comme l’explique le même militant de la CGT : « Pour faire des économies budgétaires, les départs en retraite ne sont pas toujours remplacés, ce qui fait que les conditions de travail se détériorent. Pour compenser la réduction des effectifs, on fait conduire plus longtemps les conducteurs de bus et les temps de parcours sont réduits, ce qui est dangereux. Par exemple, sur l’une de mes courses, pour conduire en toute sécurité, il nous faut à peu près 45 à 50 minutes, mais la direction demandait de faire ce trajet en 36 minutes. C’était impossible sans prendre de risques. Il a fallu qu’on fasse grève pour que la direction modifie la durée de parcours ».

Le mépris de la direction

Pour justifier son refus de satisfaire les revendications des grévistes, la direction de Tisséo martèle que le maintien de la clause de sauvegarde mettrait l’entreprise en danger. Cet argument est d’autant plus mal reçu par les travailleurs qu’une troisième ligne de métro est en cours de construction, pour un coût de plusieurs milliards d’euros, dont une partie significative finira dans les poches des actionnaires des grands groupes privés chargés des travaux.

Le 9 mai dernier, la direction de Tisséo a cru bon d’envoyer un courrier méprisant et provocateur à l’ensemble des salariés. Elle y explique qu’ils bénéficient de « généreuses conditions de travail » et dénonce une « course infernale aux salaires », moyennant quoi la clause de sauvegarde « ne peut pas » être « un avantage acquis dont [les salariés] pourraient se prévaloir pour contraindre l’employeur à en poursuivre l’application ». Les grévistes, précisément, s’efforcent de prouver le contraire !

La direction de Tisséo a aussi annoncé une augmentation des prix des abonnements, de 1 à 3,3 % selon les offres. Pour gagner le soutien des usagers, les grévistes ont tout intérêt à inclure le refus de cette hausse dans leurs revendications.

Argument fallacieux

Il n’y a rien de très original dans les arguments avancés par la direction de Tisséo. Alors que les grèves pour des augmentations de salaire se multiplient, dans tout le pays, les travailleurs font systématiquement face aux mêmes arguments du patronat : il ne serait pas possible d’augmenter les salaires de façon significative, sous peine de mettre en péril la santé financière des entreprises… En conséquence, les salariés doivent se montrer raisonnables. Il en irait même de leur propre intérêt, dans la mesure où les difficultés financières pourraient entraîner des faillites, et donc des licenciements.

En réalité, en exigeant des hausses de salaire conformes à l’inflation, les travailleurs ne font qu’exiger la restauration de leur pouvoir d’achat antérieur. Face aux arguments du patronat, les travailleurs doivent exiger l’accès aux livres de compte de l’entreprise. Et si vraiment une grande entreprise n’est pas capable d’assumer des hausses de salaire, les travailleurs doivent en revendiquer la nationalisation. Dans le cas des entreprises publiques, c’est à l’Etat et aux collectivités de trouver l’argent pour financer les hausses de salaire, en ponctionnant les profits des grandes entreprises.

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