Le 22 mars dernier, la direction du bureau de poste de Chavant, dans le centre de Grenoble, annonçait le non-renouvellement d’une factrice employée en intérim depuis un an et demi. En réaction à cette annonce, 15 des 18 postiers que compte l’équipe de distribution ont entamé une grève reconductible pour exiger – entre autres – la réintégration de leur collègue et son embauche en CDI.

Pseudo-CDI

Pour tenter de désamorcer la mobilisation, la direction a rapidement proposé de réembaucher la salariée licenciée par le biais d’un CDI-GEL, l’acronyme « GEL » signifiant « Groupement d’employeurs logistique ». Les grévistes ont rejeté cette proposition, car en dépit de son nom, le CDI-GEL n’est pas un véritable CDI.

Le salarié en CDI-GEL n’est pas embauché par La Poste, mais par le fameux « Groupement d’employeurs logistique », c’est-à-dire par une association regroupant plusieurs entreprises. En fonction de leurs besoins, le salarié peut être amené à changer de lieu de travail et même d’employeur, et ce dans un rayon de 50 kilomètres. Par ailleurs, il ne bénéficie d’aucun des avantages de La Poste et touche un salaire inférieur à celui de ses collègues. Cette situation a d’ailleurs été dénoncée par l’Inspection du travail en 2019. Elle estimait qu’il s’agissait d’un « prêt illicite de main-d’œuvre ».

Reste que ce type de contrat est toujours très largement utilisé par la direction de La Poste. Le groupe a annoncé 9000 recrutements en CDI pour 2023, mais la plupart sont des CDI-GEL. Or, comme le rappelle le syndicat Sud-PTT, 10 298 postes ont été supprimés en 2022. Les annonces d’embauches dissimulent donc une précarisation croissante de la main-d’œuvre. De source syndicale, il y aurait à Grenoble 98 intérimaires sur 288 agents (hors cadres).

Sur un piquet de grève à Grenoble, François, militant Sud-PTT, souligne l’absurdité des arguments de la direction, qui se contredit elle-même. Elle justifie la vague récente d’embauche en intérim et en CDI-GEL par un « accroissement temporaire de l’activité », alors que dans le même temps elle invoque à longueur de journée « la baisse du trafic courriers » pour justifier les suppressions de postes en CDI. L’activité serait donc en hausse quand il s’agit d’embaucher sur des contrats précaires, mais en baisse quand il s’agit de supprimer de véritables CDI. Comme l’explique Romain, du collectif « Poste Chavant », la stratégie de la direction est simple : elle cherche à « réduire les coûts au maximum et à surcharger les employés pour dégager un maximum de bénéfices ».

Les grévistes réclament notamment la réintégration et l’embauche en CDI de tous les précaires qui le souhaitent et l’amélioration des conditions de travail, en particulier lors des tournées de distribution du courrier. A ce sujet, Romain précise : « sur l’organisation du travail, il faut que ce soit les facteurs qui décident eux-mêmes, qui conçoivent leur tournée, pour savoir si elle peut être terminée dans les temps. La meilleure organisation, c’est l’ancienne, quand le facteur était maître de sa tournée, et ce de la préparation à la distribution dans les boîtes aux lettres ».

Une mobilisation exemplaire

Ce qui rend cette grève particulièrement remarquable, c’est la forte proportion de postiers précaires parmi les grévistes, qu’il s’agisse de salariés en CDD, en CDI-GEL ou d’intérimaires. Ces salariés sont très exposés à la répression patronale, même si en l’occurrence ils sont soutenus par leurs collègues en CDI et les syndicats (CGT et SUD). Leur forte participation à la grève illustre la profonde détermination des grévistes.

En réaction à cette grève solide et très majoritaire, la direction de la Poste a sorti le gourdin. Après plusieurs débrayages d’une heure dans différents bureaux, 15 grévistes ont été convoqués à des entretiens disciplinaires. Par ailleurs, depuis le début de la grève, les contrats de trois intérimaires grévistes de Chavant n’ont pas été renouvelés. Selon Romain, les « sous-entendus [de la direction] ne laissaient aucune place au doute » : ces renvois sont directement liés à la grève.

Cette répression n’a pas entamé la détermination des grévistes. Au contraire. Plusieurs militants syndicaux rencontrés sur le piquet de grève de Chavant ont signalé un fait significatif : ce mouvement s’est accompagné d’une vague d’adhésion aux syndicats, localement. Parmi les nouveaux syndiqués figurent beaucoup de jeunes travailleurs, et notamment des intérimaires.

Alors que les contrats précaires se multiplient dans tous les secteurs, l’exemple des postiers de Grenoble montre qu’il est possible de mobiliser les précaires aux côtés des salariés en CDI dans une lutte commune.

A l’heure où nous publions cet article, la grève des postiers de Grenoble se poursuit. Le syndicat Sud PTT de l’Isère-Savoie a lancé une caisse de grève que vous trouverez ici.

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