Le 30 mars dernier, sur ordre du Procureur de Mâcon (Saône-et-Loire), la gendarmerie, les douanes, les URSSAF et l’Inspection du travail de Saône-et-Loire, soit plus d’une cinquantaine d’agents, ont effectué un contrôle à bord du Princesse Provence, un navire de tourisme qui effectue des croisières sur la Saône et le Rhône. Ils ont constaté que parmi les quarante-six membres d’équipage, douze travailleurs étrangers n’avaient pas de papiers. Leur embauche n’avait donc pas été déclarée aux services de l’Etat. Cette situation permettait à leur employeur de les sous-payer (un demi SMIC horaire), de ne pas leur accorder de repos réglementaire et de leur faire subir les pires conditions de travail.

Or, bien que ces douze salariés aient été les principales victimes de cette situation, ils ont immédiatement été placés en garde-à-vue. Le lendemain, ils étaient en centre de rétention administrative, à Lyon. Puis un arrêté de reconduite à la frontière a été signé. Dans le même temps, les mêmes autorités ont laissé le navire et son capitaine libres de poursuivre leur croisière, avec une centaine de passagers à bord.

Si l’Etat capitaliste interdit à un travailleur étranger de travailler sans en avoir l’autorisation administrative, il interdit également à un employeur de faire travailler un salarié sans-papiers. Mais dans les faits, pour l’Etat, son administration, sa police et sa justice, travailler sans autorisation est un délit plus grave que celui de faire travailler un salarié qui n’en a pas l’autorisation. Et ce même lorsque les conditions de travail sont aussi inhumaines que celles des douze sans-papiers du Princesse Provence.

D’un côté, ces douze salariés sont traités comme des délinquants et partent menottes aux poignets en centre de rétention administrative, avant de faire l’objet d’une expulsion expéditive du territoire. De l’autre, le patron est libre de poursuivre son activité de commerce sans entrave. Il devra vraisemblablement répondre de ses actes, mais dans un délai incomparablement plus long et, surtout, avec une incomparable clémence. Du point de vue du gouvernement capitaliste, les salariés ne jouent pas dans la même catégorie que leur patron. C’est une question de classe sociale. Comme le disait le philosophe grec Anacharsis, au VIe siècle avant J.C, « les lois sont comme une toile d’araignée : les petits s’y font prendre et les grands la déchirent ».

Cette bienveillance de l’Etat capitaliste à l’endroit de la classe possédante se vérifie particulièrement dans le domaine du droit du travail. N’importe quel salarié a été témoin ou victime d’heures supplémentaires non payées, de conditions de travail qui mettent en danger sa santé et sa sécurité, de pressions et menaces contre l’installation du syndicat dans l’entreprise, de licenciements abusifs, etc. Quant aux procès-verbaux dressés par l’Inspection du travail, seuls 6% donnent lieu à condamnation de l’employeur (1).

La surexploitation des douze sans-papiers de Mâcon est une situation que connaissent des dizaines de milliers d’autres travailleurs, en France comme dans bien d’autres pays. Aujourd’hui, ils occupent les postes de travail parmi les plus pénibles. Et sans papiers, ils vivent sous la menace permanente d’une arrestation et d’une expulsion. Le sachant pertinemment, le patronat en profite pour ne pas même leur accorder le bénéfice des quelques protections du droit du travail. Ils les payent en deçà des minima salariaux. Ils les licencient sans motif et sans préavis. Ils ne leur reconnaissent évidemment pas le droit de s’organiser dans un syndicat – sauf à prendre le risque d’être licenciés sur-le-champ, voire dénoncés aux autorités en vue de leur arrestation. Pour ces raisons, la condition des travailleurs sans-papiers est la pire que connaisse la classe ouvrière, aujourd’hui. Ils n’ont rien à attendre de l’Etat capitaliste et de son administration. Le traitement réservé aux douze salariés de Mâcon l’illustre, comme il illustre le fait qu’il n’existe aucune commune mesure entre un patron et un salarié, au regard de la loi.

La lutte des travailleurs sans-papiers exige la solidarité et l’action collective de l’ensemble du mouvement ouvrier. Au « diviser pour mieux régner » des capitalistes, nous devons opposer l’unité de tous les salariés, avec et sans papiers, français et étrangers, dans la lutte contre ces esclavagistes modernes et le gouvernement qui défend leurs intérêts.

(1) Rapport d’activité de l’Inspection du travail en 2006

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