A Fabas, en Ariège, plus de la moitié des salariés de l’EHPAD La Croix du Sud sont en grève depuis le 25 janvier. En cause : une prime de 11 000 euros accordée en secret à cinq salariés. Après une semaine de mobilisation à tour de rôle, le mouvement est entré en grève totale le 1er février. Une lutte qui ne faiblit pas, malgré l’obstination de la direction.

Des primes secrètes

L’EHPAD de Fabas compte 45 salariés et appartient au groupe Médicharme, qui possède une trentaine d’EHPAD dans toute la France. Celui qui porte le nom de La Croix du Sud a traversé l’année 2020 avec une capacité d’accueil diminuée, suite à une série de manquements relevés par l’Agence Régionale de Santé (ARS), fin 2019. En revanche, l’EHPAD a bien affronté la pandémie : aucune contamination parmi les résidents, qui ont bénéficié tout du long d’un accueil personnalisé de qualité, sans prise de risque. En termes de matériel pour le personnel, aucun manque important n’était à signaler. Pourtant, tout n’allait pas pour le mieux à Fabas.

Le 4 janvier 2021, un infirmier qui devait s’occuper de procédures liées au Covid a reçu, accidentellement, un tableau Excel lui indiquant des primes attribuées à certains salariés : au total, 11 000 euros avaient été partagés entre cinq salariés, auxquels on demandait un secret total – au point que chaque personne primée pensait être la seule ! Sur quels critères objectifs la direction de l’EHPAD se basait-elle pour attribuer des primes allant de 2000 à 3000 euros ? Aucun critère n’a été fourni : chaque convocation était justifiée par des motifs individualisés, sans cohérence entre eux. Contactée par Révolution, Rose-Marie Mole, représentante CGT du personnel, nous explique : « il y avait dans notre EHPAD un sentiment général d’injustice, car nous avions essuyé la pandémie, et en plus de ça, la pression des 44 manquements notifiés par l’ARS en 2020. […] De manière générale, nous considérions que ce montant aurait pu être mieux utilisé. »

Intimidation des grévistes

A ce jour (26 février), 60 % du personnel est en grève, soit 24 salariés. Les grévistes ont commencé par faire grève une heure par jour, pour assurer la continuité des soins et ne pas trop impacter la vie quotidienne des résidents, ce qui a également soulagé la direction, normalement chargée de trouver des remplaçants elle-même. Malgré cela, aucun pas n’a été fait pour entendre les grévistes. Au contraire, ces derniers ont subi de fortes pressions, particulièrement Rose-Marie Mole, qui témoigne : « La directrice adjointe du réseau Médicharme a exercé une forte pression sur les grévistes, et particulièrement sur moi : selon elle, je lui aurais manqué de respect, traité de menteuse. [...] Des menaces de sanction ont pesé sur les grévistes, et des sanctions ont été retenues contre l’infirmier coordinateur, un AES et moi. »

De leur côté, les grévistes ne laissent pas tomber : partant du principe que la prime maximale était de 3 000 euros, ils réclament une prime équivalente pour chaque salarié. Ils exigent davantage de matériel et l’embauche de salariés diplômés. En effet, « aujourd’hui, les salariés s’auto-remplacent : dans les cas de remplacement, on mobilise pour une heure ou deux ceux qui sont normalement en repos », nous explique Rose-Marie Mole. Les grévistes de Fabas revendiquent également la hausse de la prime pour le travail du dimanche, la hausse de la prime de nuit et l’attribution d’une prime d’assiduité.

Enfin, ils dénoncent un manquement grave : courant février, les horaires des plannings ont été modifiés unilatéralement, sans convoquer les délégués du personnel ; certains salariés se retrouvent avec des emplois du temps d’une amplitude de 12h30 ! Pour l’Inspection du travail, c’est un délit d’entrave au comité social et économique (CSE) de l’EHPAD, passible d’une amende de 7500 euros. Les grévistes exigent la modification des plannings en CSE.

Ne rien lâcher !

La direction ne souhaite rencontrer que deux salariés, non-syndiqués. Rose-Marie Mole indique que la directrice a été mise à pied, récemment, et que des directeurs venus d’autres sites de Médicharme se succèdent, sans pour autant proposer de sortie de crise.

Depuis un mois, le mouvement ne faiblit pas. Les grévistes ont été reçus par plusieurs instances, et enfin à l’ARS le 22 février. A partir de cette date, la situation a bien évolué, car la Préfète de l’Ariège a ordonné une médiation administrative, que le groupe Médicharme ne peut refuser. La CGT a reçu le nom du médiateur et – à l’heure où nous écrivons cet article – attend qu’on lui communique une date et une heure. La mobilisation déterminée des grévistes porte ses fruits, et a reçu un soutien important : plus de 400 personnes ont signé la pétition de solidarité, et la France insoumise est intervenue dans la mobilisation.

Les grévistes ne lâchent rien sur leurs revendications. Pour les soutenir, donnez à la caisse de grève !

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