Le 23 octobre 2008, la direction de Molex a annoncé aux 300 salariés de l’usine, à Villemur-sur-Tarn (31), qu’elle avait l’intention de la délocaliser en Slovaquie. Les dirigeants de Molex ont convoqué les syndicats pour les informer de la cessation d’activité de l’usine d’ici l’été 2009. Pour dissuader les salariés de se révolter, face à cette terrible annonce, la gendarmerie et l’huissier étaient postés devant l’usine.

L’usine de Villemur est spécialisée dans la fabrication de connectique automobile. Le groupe américain Molex avait racheté cette usine en 2004 à la Snecma, ancienne entreprise publique dont le gouvernement Jospin avait ouvert le capital.

Comme la plupart des entreprises en voie d’être délocalisées, l’usine Molex rapporte de très gros bénéfices à son propriétaire. En 2007, l’entreprise a rapporté 500 000 euros, et 1,2 million d’euros en 2008. Pour le seul 1er trimestre de cette année, 500 000 euros de bénéfices sont attendus. Mais la direction de Molex utilise sans complexe l’argument de la crise économique qui frappe l’industrie automobile – et qui, selon elle, doit être « anticipée ».

Si Molex devait être délocalisée, ce serait une catastrophe pour l’économie locale, particulièrement pour une petite ville comme Villemur, qui compte environ 5000 habitants. Cette catastrophe serait encore plus grande si, une fois la brèche ouverte avec la fermeture de Molex, les salariés de Labinal, du groupe Safran (connectique aéronautique), devaient connaître le même sort que leurs collègues de Molex. Ils travaillent sur le même site industriel, à Villemur.

Conscients de la gravité des évènements, tous les salariés de Villemur se sont mis en grève et ont défilé, le 6 novembre, lors d’une opération « ville-morte » organisée par la municipalité. Plus de 3000 personnes ont participé à la manifestation, qui s’est terminée devant les portes de l’usine. Dans la région, Molex est devenu un symbole très fort de résistance pour les salariés d’horizons professionnels très différents. C’est aussi un symbole de solidarité. Ce jour-là, même le gendarme en service a prêté main-forte pour s’occuper des grillades, qui avaient été achetées à prix coûtant auprès des commerçants, solidaires, eux aussi.

Depuis, les salariés de Molex multiplient les actions pour faire entendre leur cause. Ainsi, pendant les 15 jours des vacances de Noël, les salariés ont choisi de se mobiliser et d’occuper jour et nuit l’entrée de l’usine. Ils veulent ainsi éviter que la direction de Molex profite de sa fermeture, pendant les vacances, pour déménager en catimini l’outil industriel et le stock très important qui a été constitué au cours de l’année passée. Par équipes de 6 salariés, ils se relayent sans interruption, à l’entrée de l’usine. Un petit préfabriqué a été installé pour contrôler les entrées et sorties de l’usine.

« C’est notre poumon ! »

La question du contrôle des salariés sur l’outil de travail est très importante, pour les salariés de Molex. Peu après l’annonce de la délocalisation, pour éviter qu’une machine très performante soit déménagée, ils ont décidé collectivement de s’approprier les pièces maîtresses de cette machine, pour qu’elle ne puisse pas servir. C’est un réflexe défensif très sain. Mais en plus de se défendre, les salariés de Molex ont aussi des idées pour diversifier l’activité, si besoin est. Comme le disait un salarié, à la télévision : « C’est notre usine, c’est notre poumon, on veut la garder ! »

Pour la CGT, la revendication est simple : arrêt des délocalisations. Mais en plus de cette revendication, la CGT Molex demande la prise en compte de leurs projets de développement, les investissements nécessaires à leur réalisation, la restitution des 650 000 dollars qui ont été détournés par le groupe Molex, et enfin l’embauche en CDI des salariés précaires.

Quelle alternative ?

Cependant, une question se pose. Dans le cas de Molex comme dans bien d’autres, comment peut-on s’opposer à la volonté des capitalistes de délocaliser ? Les apôtres du capitalisme, comme de nombreux chroniqueurs des médias, nous expliquent qu’on ne peut pas s’y opposer, et nous avertissent que si on s’obstine, « les autres patrons n’iront pas investir en France, car ils ne pourraient plus délocaliser, s’ils le souhaitent. Et puis de toute façon, il n’y a pas de loi pour empêcher les délocalisations. C’est comme ça, c’est le capitalisme, surtout ne luttez pas, car de toute façon, ça ne sert à rien. Et puis attention, c’est un groupe mondial, et on ne peut pas agir à ce niveau. En plus, en s’opposant aux délocalisations, on risque de tuer les pays émergents, etc. »

On n’en attendait pas moins de la droite et des profiteurs du système capitaliste. Mais le problème qui se pose maintenant à tous les salariés menacés de délocalisation ou de licenciement, ce sont les propositions des dirigeants syndicaux et politiques. Or, que proposent-ils ? A vrai dire, c’est un peu confus. Le Parti Socialiste, qui dirige la région Midi-Pyrénées et le département de la Haute-Garonne, propose un moratoire sur les licenciements, c’est-à-dire une suspension provisoire. Le 6 novembre, un représentant de la région proposait d’être le médiateur après du patron américain de Molex, pour lui demander de revoir sa position. Naïf ou escroc ? Certains, comme le maire de Villemur, prétendent qu’on doit pouvoir trouver un compromis entre les intérêts des travailleurs et les intérêts des capitalistes de Molex. Même s’ils affichent une solidarité tout à fait louable, la plupart de ces élus ont déjà en tête la gestion du reclassement des salariés.

Et en ce qui concerne les dirigeants syndicaux, ils s’opposent évidemment tous à la délocalisation. Mais Bernard Thibault, le 30 octobre, a jugé utile de demander à Sarkozy « une action politique concrète pour empêcher cette fermeture pour cause de délocalisation. On ne peut pas avoir un discours généreux sur la refonte du capitalisme et accepter en même temps ce type de situation. » Or, personne ne devrait se faire d’illusions – et Thibault moins que quiconque – sur la politique de Sarkozy vis-à-vis des délocalisations. La classe capitaliste est aux abois pour assurer ses marges de profit, et Sarkozy est entièrement au service de cette classe.

Si on s’arrête aux déclarations des dirigeants syndicaux, il n’y aurait plus qu’à s’incliner devant l’inéluctable réalité du capitalisme – et attendre qu’un jour, peut-être, reviennent des temps meilleurs, comme lors des trente glorieuses. Seulement, ce temps est révolu, et on ne doit pas semer des illusions dans l’esprit des salariés en agitant la carotte d’une imminente « sécurité de l’emploi ».

Nationalisation

Comme le disait un délégué syndical de Molex, l’usine, avant d’être vendue à Molex, était une entreprise publique. Pourquoi ne pas revenir sur la privatisation ? Le PCF parle d’un « pôle public de la connectique ». Cette formule est confuse. La seule solution viable, c’est la nationalisation de l’entreprise. En ce qui concerne la gestion de l’usine, les salariés ont des projets, savent vers quoi prioriser les investissements, et sont capables de gérer démocratiquement leurs conditions de travail. La vérité, qui devra se faire entendre dans les syndicats et dans les partis de gauche, c’est qu’à notre époque, il n’y a pas d’autre alternative que l’expropriation et la nationalisation – sous le contrôle démocratique des salariés eux-mêmes – des entreprises qui licencient.

Beaucoup de salariés suivent avec attention la lutte que mènent les salariés de Molex, et pas seulement dans la région Midi-Pyrénées, comme le montre la pétition qu’ils ont lancée sur leur blog www.molex-villemur.com. Cette lutte ne fait que commencer. La lutte des Molex est aussi la lutte de tous les salariés, dont aucun n’est à l’abri des licenciements. Apportez votre soutien et faites connaître cette lutte, pour que les Molex ne soient pas seuls, et que d’autres travailleurs s’inspirent de leur mobilisation !

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