Entretien avec Adam (CGT Cheminots à Marseille)


Révolution : Quelle place occupe le mouvement gréviste des cheminots dans la mobilisation actuelle contre le gouvernement Macron ?

Adam : On est en première ligne contre la volonté de Macron de redorer le blason du capitalisme français, à nos dépens. Si les cheminots échouent à faire reculer le gouvernement sur la casse de la SNCF, il se sentira en position de force pour accélérer la casse de tous les services publics. Et il attaquera tout le monde encore plus fort : salariés, chômeurs, étudiants et retraités... C’est donc une lutte 100 % politique.

On se bat à la fois pour le statut des cheminots (qui est une garantie d’emploi et de conditions de travail), pour le maintien et l’amélioration du service public ferroviaire – et pour défendre l’ensemble du salariat dans ses luttes à venir.

Révolution : Que penses-tu de la réponse du gouvernement à votre mouvement ?

Adam : Les organisations syndicales de cheminots ont avancé de nombreuses revendications. Elles ne vont pas dans le sens de l’ouverture à la concurrence – bien au contraire ! Mais lors des soi-disant « concertations » avec le gouvernement, il répète que l’ouverture à la concurrence « n’est pas négociable », tout comme la fin du statut des cheminots, d’ailleurs : ça va avec. Il y a donc un désaccord fondamental. Deux orientations – défense du service public ou privatisation – s’opposent frontalement.

Au final, on doit se mobiliser pour une alternative aux logiques capitalistes. C’est le fond du problème. A mon avis, les directions syndicales sont beaucoup trop frileuses sur ce thème, sous prétexte de ne « pas faire de politique ». Par ailleurs, elles se concentrent sur l’organisation des « journées d’action » et sur les initiatives à mettre en place pendant les séries de deux jours de grève, dans le cadre du calendrier de la grève perlée. Par exemple, une rencontre a été organisée, à Marseille, entre des cheminots grévistes et le directeur régional de la SNCF. Très bien, mais on connaît d’avance son discours et ce qu’il va faire ! Il défend Macron : un point c’est tout. Le conflit se joue au niveau national, avec le gouvernement.

Révolution : Comment se déroule la grève des cheminots, sur le terrain ? Et quelles sont vos perspectives ?

Adam : La grève est suivie – ou soutenue – par beaucoup de cheminots. Il y a une volonté de se battre et une colère contre les mensonges du gouvernement. Mais la grève perlée me laisse perplexe, surtout si elle reste isolée. Il est vrai qu’elle a un impact économique : elle entrave la circulation des marchandises et des personnes. Mais pour être en position de force et avoir une chance de l’emporter, cela risque de ne pas suffire. Il faut que d’autres secteurs du salariat entrent massivement dans la lutte gréviste. Et cela, ce n’est pas dit par les directions syndicales qui, du coup, ne font rien dans ce sens. Pendant ce temps, les cheminots grévistes perdent des jours de salaires. Je pense que si la grève ne s’étend pas, et s’il n’y a pas une réelle convergence des luttes, on tiendra peut-être jusqu’au mois de juin, mais sans perspective positive, et en se mettant de plus en plus en difficulté pour vivre au quotidien… Pour ne pas se laisser démoraliser, il faudrait profiter de l’ambiance générale « anti-Macron » – et passer à l’offensive.

Révolution : C’est-à-dire ?

Adam : Je pense qu’on doit organiser des discussions politiques au sein d’AG inter-luttes, et décider tous ensemble des perspectives à donner au mouvement social. Il faut pousser nos directions syndicales respectives à rencontrer les autres fédérations et coordonner à l’échelle nationale un maximum de secteurs dans une grève reconductible, pour faire barrage à Macron et son monde.

Les capitalistes et leur gouvernement sont bien incapables de mettre en place un service public performant, d’assurer de meilleures conditions de travail, une éducation et des études de qualité accessibles à tous les jeunes. Ils sont bien incapables d’assurer à chacun un emploi correctement rémunéré, un logement décent, l’accès aux droits fondamentaux... Ils nous entraînent dans un monde en crise profonde au sein duquel les inégalités sont de plus en plus marquées.

A Marseille, la préparation de la manifestation « Stop Macron » du 14 avril dernier a permis de réunir – entre autres – les directions de la CGT locale et de la France insoumise. C’est la voie à suivre au niveau national, avec pour objectif la démission de Macron et des élections législatives anticipées. Il nous faut un gouvernement des travailleurs qui nationalise les banques et les grandes entreprises. Sans cela, on ne pourra utiliser les énormes richesses créées par le travail collectif du salariat. Car on ne contrôle pas ce qu’on ne possède pas ! Cette question doit revenir au centre du mouvement syndical.