Depuis son entrée en fonction en janvier dernier, le président américain a multiplié les attaques contre la recherche scientifique. En mars, il s’en est pris aux musées via le décret « Rétablir la vérité et la raison dans l’histoire américaine », qui affirme notamment que les musées rattachés à la Smithsonian Institution véhiculeraient une idéologie de « honte nationale », à travers « des récits qui dépeignent l’Amérique et les valeurs occidentales comme intrinsèquement nocives et oppressives », mais aussi que le National Museum of African American History (musée national d’histoire afro-américaine) serait dirigé contre la « culture blanche ».
Austérité et lutte contre la science
Le même mois, il a aussi été annoncé que le National Institute of Health (Institut national de la santé), l’agence américaine de recherche médicale, perdait 250 millions de dollars de crédits. La nouvelle est finalement tombée en mai que son financement public devrait etre quasiment divisé par deux dans la prochaine période.
La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) est chargée d’étudier les océans, les écosystèmes marins et l’atmosphère et joue un rôle important dans l’étude et le suivi du réchauffement climatique, mais aussi dans la surveillance des tsunamis. Elle devrait perdre plus d’un milliard de dollars de financements.
Même la NASA est touchée : en 2025, son financement devrait ainsi être amputé d’un quart… Ces dernières années, le poids des entreprises privées a explosé dans le secteur de la recherche spatiale – à l’image de SpaceX de l’ex-trumpiste Elon Musk. Les centres de recherche publics se tournent donc de plus en plus vers elles pour mener leurs projets à terme.
L’USDA (le Département de l’agriculture américain) s’est aussi vu interdire de mener des recherches sur le changement climatique. Et des centaines de chercheurs rattachés à ces structures publiques ont été licenciés.
Les médias bourgeois et les commentateurs politiques libéraux n’ont pas de difficultés à expliquer cette offensive contre les sciences : puisque Trump est un démagogue d’extrême droite, raciste et climato-sceptique (entre autres choses), il mènerait dans tous les domaines une politique conforme à son idéologie rétrograde.
Cette attaque contre les agences publiques sert effectivement un rôle politique, dans le sens où elle permet à Trump de semer la confusion en accusant les « woke », les chercheurs, etc. d’être responsables des maux de la société, au même titre que les immigrés. Mais elle joue aussi un rôle économique: en baissant les budgets de la recherche et en licenciant des milliers de fonctionnaires, Trump cherche à faire faire des économies à l’Etat américain, massivement endetté.
L’hypocrisie de Macron
Surfant sur les inquiétudes des scientifiques, Emmanuel Macron a entamé au printemps une grande campagne pour tenter d’attirer les chercheurs américains dans les universités françaises : le 5 mai dernier, aux côtés d’Ursula von der Leyen, il a lancé depuis la Sorbonne son initiative « Choose Europe for science » (« choisissez l’Europe pour la science »), qui représente 600 millions d’euros de subventions – venues surtout de l’Union Européenne.
Cette initiative permettait au président français de tenter de redorer son image « progressiste », mais elle visait aussi à servir les intérêts du capitalisme français. Mise en ligne en avril dernier, la plateforme gouvernementale « Choose France for science » identifie certains domaines de recherche prioritaires pour l’accueil des scientifiques : la santé, le climat, mais aussi l’aérospatial et l’intelligence artificielle. Bienvenue, donc, aux chercheurs américains… utiles à l’économie française !
La manœuvre est d’autant plus hypocrite que Macron et son gouvernement attaquent sans vergogne l’enseignement supérieur et la recherche scientifique : pour l’année 2025, la loi de finances adoptée en février dernier prévoit 1,5 milliard d’euros de coupes budgétaires pour les universités françaises ! Selon le syndicat étudiant Union Etudiante, ces coupes équivaudraient à fermer sept universités. En réalité, le gouvernement « progressiste » de Macron mène essentiellement les mêmes politiques d’austérité que son homologue américain, faites de coupes budgetaires et de précarisation de la recherche.
Cela explique que dans les laboratoires, le « coup de comm’ » de Macron n’ait pas fait recette. Les chercheurs ont parfaitement conscience du recul de leurs conditions de travail, alors que leur budget est chaque année raboté de plusieurs millions d’euros : Olivier Berné, astrophysicien au CNRS, déclarait ainsi « tout le monde a le sentiment qu’on se moque du monde. On est tous dans des conditions de plus en plus difficiles, on n’est même pas capables de payer nos propres vacataires, et on essaie de faire croire qu’on va accueillir dans de bonnes conditions des chercheurs américains ? »
En réalité, que ce soit en France ou aux Etats-Unis ; que l’on considère les politiques de financement des universités et des laboratoires, ou l’intensification de la sélection à l’université ; qu’il s’agisse du manque criant de personnel et de leur précarité croissante, ou bien des entraves récurrentes à la liberté académique ; qu’il s’agisse de la course aux brevets et de la stimulation d’une concurrence tout à fait irrationnelle entre laboratoires, ou encore de la pression que les revues scientifiques exercent sur les chercheurs, le fait est là : la science est malade du capitalisme.
Seules les méthodes de la lutte des classes permettront de défendre la recherche scientifique et l’enseignement supérieur contre les attaques qu’ils subissent aujourd’hui – et celles qu’ils subiront demain.