Commençons par la première objection qu’on oppose aux marxistes.
Marx est mort en 1883 – il y a près d’un demi-siècle, donc.
Comment ses idées peuvent-elles toujours être d’actualité ?
Argument très courant : « C’est dépassé ! On veut du neuf ! »
On entend cet argument à droite, bien sûr – mais aussi à gauche (réformistes)
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Ici, il y a un problème de méthode.
Il ne faut pas juger la valeur d’une théorie au nombre d’années qui se sont écoulées depuis sa formulation. Sinon, le dernier venu aurait toujours raison.
La valeur d’une théorie se juge à sa capacité à décrire le monde réel – et, surtout, à anticiper sur les événements.
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De ce point de vue, il existe une façon très simple de juger de la valeur des idées du marxisme : il suffit de lire le Manifeste du Parti Communiste (rédigé en 1847 par Marx et Engels).
Ecrit il y a plus de 170 ans, mais ce qui est frappant : ce livre décrit le monde actuel – beaucoup plus que le monde de 1847.
Il s’agit d’une brillante anticipation de la façon dont le système capitaliste s’est développé, depuis.
Pourquoi ? Parce que Marx a mis à jour les lois du développement du capitalisme.
Je prendrai plusieurs exemples extraits du Manifeste :
1) Marx expliquait que le « libre marché », la concurrence, menait à son contraire : la concentration du capital – et la domination de l’économie par une poignée d’entreprises géantes / monopoles.
Pourquoi ? Parce que le processus d’accumulation du capital s’accompagne, par le jeu de la concurrence, d’une élimination de la petite propriété.
Il faut bien comprendre qu’en 1847, c’était à peine le début de ce processus. Mais il était un peu plus avancé en Grande-Bretagne qu’ailleurs, et c’est pourquoi Marx a étudié à fond le capitalisme britannique.
Aujourd’hui, l’économie est effectivement dominée par d’immenses multinationales – Carrefour, Vivendi, Unilever, Arcelor Mittal, Microsoft, Amazon, Alstom, les grandes banques, etc.
Vous ne passez pas une journée sans consommer des marchandises produites ou distribuées par les travailleurs de ces mastodontes.
En France, Carrefour et Leclerc contrôlent plus de 40 % des parts de marché de la grande distribution.
Aux Etats-Unis, en 2019 : 500 entreprises concentraient 75 % du PIB du pays. Ces mêmes 500 entreprises réalisaient plus de 800 milliards de dollars de profits. Depuis 2019, ce phénomène s’est encore accentué, sans aucun doute.
Bien sûr : cela ne signifie pas que les petites entreprises ont totalement disparu – ou disparaîtront sous le capitalisme.
Il se crée chaque jour de petites entreprises, en France. En 2019, année record : plus de 800 000 petites entreprises ont été créées.
Mais, d’une part, 95 % sont des « micro-entreprises » / auto-entrepreneurs : une seule personne. D’autre part, ces entreprises sont entièrement dépendantes des grandes banques et des grands monopoles.
Exemple le plus extrême : les « auto-entrepreneurs » qui travaillent pour Uber.
Uber, au plan mondial, c’est plus de 25 milliards de dollars de chiffres d’affaires (en 2023).
Non seulement le grand Capital domine l’économie, mais en conséquence il domine aussi la vie politique.
De fait, ce sont ces grandes entreprises qui décident des destinées du monde, influencent les gouvernements, financent des dictatures, pillent les budgets des Etats, fomentent des guerres impérialistes… et ainsi de suite.
Les véritables centres du pouvoir, ce ne sont pas les Parlements, les gouvernements, les Palais présidentiels – mais les conseils d’administration des grandes banques et multinationales.
2) Deuxième exemple, directement lié au premier : Marx expliquait que la concentration du capital s’accompagne d’une croissance du poids social de la classe ouvrière, dans la population active.
Ici, on entend fréquemment : « Objection ! Il n’y a plus d’ouvriers! ». Sociologues, professeurs et journalistes clament en cœur : « la classe ouvrière a disparu ! »
C’est absurde. De quoi on parle ? D’un point de vue marxiste : ouvriers, prolétaires, travailleurs, salariés, c’est la même catégorie « sociologique ». Cela désigne cette classe sociale composée d’individus dont la principale source de revenus (en général, la seule) est la vente de leur force de travail contre un salaire.
Marx expliquait : cette partie de la population active se développe au détriment des petits propriétaires : petits paysans, artisans, etc. (petite bourgeoisie)
En particulier : élimination graduelle de la petite paysannerie, forcée de se salarier, donc de vendre sa force de travail contre un salaire.
Et c’est exactement ce qui s’est passé ! A l’époque du Manifeste, la paysannerie, en France : grande majorité de la population active. Aujourd’hui : 3 %. Et encore : une nette majorité de ces 3 % sont des salariés agricoles.
Aujourd’hui : plus de 90 % de la population active est salariée.
Les implications politiques de cette réalité sont colossales. Jamais leur poids social du salariat n’a été aussi grand, et donc jamais son pouvoir potentiel n’a été aussi grand.
Cependant, la majorité des travailleurs n’ont pas conscience de ce pouvoir, la plupart du temps. Elle n’en prend conscience que dans les luttes massives.
Une révolution, c’est précisément le moment de la plus haute conscience de soi – comme puissance sociale – de la classe ouvrière.
3) Troisième observation de Marx – liée aux deux précédentes (tout se tient).
La concentration du capital et le développement de la classe ouvrière s’accompagnent d’une augmentation incessante des inégalités : richesses à un pôle de la société / pauvreté à l’autre pôle.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Les 400 familles américaines les plus riches possèdent davantage que les 50 % des Américains les plus pauvres.
La fortune de certains individus dépasse le PIB de nombreux pays.
Au toutes dernières nouvelles (octobre 2023) : Elon Musk (n°1) : 232 milliards de dollars. C’est un peu plus que au PIB de la Grèce, plus de trois fois celui de la Birmanie, six fois celui de la Côte d’Ivoire.
Vient ensuite Bernard Arnaud (LVMH), avec 175 milliards de dollars. Equivaut à près de 6 % du PIB de la France. Ainsi, quand on vous dit : « 1 % de croissance en France cette année », signifie : croissance de seulement 1/6e de la fortune personnelle de Bernard Arnaud.
En ainsi de suite. Il y a aura bientôt des « billionnaires » : des individus qui possèdent plus de 1000 milliards de dollars.
Une minuscule minorité de la population mondiale accumule des fortunes indécentes – pendant que plus d’1 milliard de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour.
Chaque année, des millions meurent de faim ou de maladies que l’on sait très bien soigner.
3 à 4 milliards d’individus consomment de l’eau considérée comme non-potable, insuffisamment traitée et potentiellement dangereuse
4) Quatrième exemple :
Marx, dans le Manifeste, souligne que le capitalisme ses développe comme un système mondial, avec un marché mondial qui domine toutes les économies nationales.
Ce processus – la « mondialisation », comme on dit aujourd’hui – était déjà engagé à l’époque de Marx. Mais Marx en a analysé la dynamique et le caractère irréversible.
Aujourd’hui : marché mondial est le facteur décisif. Aucune nation n’y échappe – même pas la plus puissante, même pas les Etats-Unis.
La division internationale du travail atteint des degrés inouïs. La production d’une seule marchandise repose sur la main-d’œuvre des 4 coins du globe.
Pour dire les choses autrement : le développement des forces productives a dépassé les cadres nationaux. Toutes les grandes puissances ont besoin d’exporter – des marchandises, mais aussi des capitaux.
C’est la base de ce qu’on appelle l’impérialisme. Une poignée de grandes puissances luttent pour des marchés, des zones d’influence et des sources de matières premières.
Exemples actuels :
Guerre en Ukraine : affrontement entre l’impérialisme russe, d’un côté, et les impérialismes occidentaux (Etats-Unis en tête), de l’autre.
Et non ce que dit la propagande occidentale (« les méchants Russes contre les Démocraties occidentales », « lutte pour la souveraineté de l’Ukraine », etc.)
Les impérialistes occidentaux : guerres en Syrie, Irak, Afghanistan, Libye, Sahel. Soutien des Occidentaux aux crimes de l’impérialisme israélien, etc.
Guerre : « Continuation de la politique par d’autres moyens » (Carl von Clausewitz).
Donc, pour en finir avec les guerres impérialistes, il faudra en finir avec le capitalisme lui-même.
5) Enfin, cinquième et dernier exemple : théorie des crises du capitalisme.
Marx expliquait que les contradictions internes du système capitaliste le vouaient à traverser des crises économiques toujours plus graves.
Le fait est que le capitalisme a toujours évolué par « phases » cycliques : croissance, récession, croissance, récession...
Mais dans les années 90 et 2000, les économistes bourgeois disaient : « les crises, c’est fini ; on a réussi à résoudre les contradictions du système ».
Mais en 2008, patatras : crise la plus grave depuis les années 30.
Certains économistes bourgeois reconnaissent leurs erreurs. Paul Krugman, prix Nobel d’économie en 2008 : « Ces 30 dernières années, la théorie macro-économique [bourgeoise] a été, au mieux, spectaculairement inutile – au pire, positivement nuisible ». Bien dit !
Les marxistes, eux, avaient prévu la crise de 2008. Et aussi sa nature : crise de surproduction – économistes bourgeois parlent de « surcapacité », mais c’est la même chose.
Cela signifie qu’il y a trop de moyens de produire des richesses par rapport à la demande. Non par rapport aux besoins, mais par rapport à la demande solvable.
Les capitalistes ne produisent pas pour satisfaire des besoins, mais pour faire des profits.
Exemple : industrie automobile, en 2011 : 30 % de « surcapacité ». Signifiait : la totalité des usines pouvaient produire 30 % de voiture en plus que le marché ne pouvait en absorber.
« Solution » capitaliste ? Détruire des forces productives. Fermetures d’usines, licenciements… Par exemple, entre 2000 et 2018, en France, le nombre de salariés du secteur automobile a chuté de 36 %.
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Cette crise – qui a commencé en 2008 – n’est pas une récession « normale ». Encore une fois, le capitalisme a toujours évolué à travers le cycle croissance/récession. C’est la respiration de ce système, pour ainsi dire.
Mais la crise actuelle est crise une organique du capitalisme. Elle exprime l’impasse fondamentale du système capitaliste, qui a complètement épuisé son potentiel historique. Il s’est transformé en un obstacle monstrueux sur la voie du progrès social.
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Est-ce à dire que le capitalisme ne s’en relèvera pas ?
Non. Ce système se sortira toujours de la pire des crises – jusqu’à ce qu’il soit renversé par une action consciente et collective de la jeunesse et des travailleurs. Autrement dit, par une révolution socialiste.
Le premier acte de la révolution socialiste sera la nationalisation – sous le contrôle démocratique des salariés – des grands moyens de production : banques, grande industrie, transports, grande distribution, etc.
Au pouvoir, les travailleurs remplaceront le chaos du marché par une planification démocratique de l’économie : produire pour le bien de tous – et non pour le profit de quelques-uns.
Permettra aussi d’en finir avec la crise climatique et environnementale : gestion rationnelle, planifiée, des ressources naturelles.
Mais surtout, Marx expliquait : travailler moins. Baisse indéfinie du temps de travail grâce au développement de la science et de la technologie, qui permettra d’accroître indéfiniment la productivité du travail humain.
Philosophie, sciences, arts, etc. : pour la première fois, ne seront plus le privilège des classes dirigeantes, mais pleinement à la portée de tous.
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Tel est l’objectif des marxistes révolutionnaires, ce pour quoi ils luttent.
Or, encore une fois, cela suppose le renversement du capitalisme par une révolution socialiste.
Et le succès de cette révolution suppose l’existence d’un puissant parti révolutionnaire – et même d’une puissante Internationale révolutionnaire
Ce parti et cette Internationale, il faut les construire.
Et donc, si vous êtes d’accord avec ces idées, je vous appelle à rejoindre le Parti Communiste Révolutionnaire et l’Internationale Communiste Révolutionnaire, pour participer à la lutte pour en finir avec toutes le formes d’exploitation et d’oppression.