Début mai, la publication de La Meute, qui se veut une « enquête sur la France insoumise », a déclenché une vague d’enthousiasme chez les innombrables journalistes et politiciens qui sont hostiles à la FI, de longue date, et ne manquent jamais une occasion de l’exprimer. Après avoir dépensé des tonnes d’encre et de salive à accuser la FI d’être « antisémite » et « islamiste », ils trouvent dans La Meute une excellente occasion de développer leurs Variations sur un même thème.
Ce que tous ces gens reprochent à la FI n’a rien à voir avec les carences démocratiques de ce mouvement. Mieux encore : ceux qui accusent Mélenchon d’être un nouveau Goebbels [1] – et les militants de la FI un troupeau de moutons terrorisés – ne veulent pas que ce mouvement soit plus démocratique, en réalité. En effet, si ses militants en contrôlaient vraiment l’orientation politique, cela pourrait déporter la FI vers la gauche. Or le véritable grief des journalistes et politiciens réactionnaires qui se délectent de La Meute, c’est que la FI est déjà beaucoup trop à gauche à leurs yeux. C’est la raison fondamentale de l’attitude générale des éditorialistes bourgeois à l’égard de la FI et de Mélenchon.
Angoisses capitalistes
Depuis la crise mondiale de 2008, les politiques d’austérité et la régression sociale permanente ont provoqué une polarisation politique croissante – vers la droite (RN), mais aussi vers la gauche (FI). En avril 2022, il a manqué à peine plus de 400 000 voix à Mélenchon pour se qualifier au deuxième tour de la présidentielle. Et malgré toutes ses erreurs, il n’est pas exclu que Mélenchon, s’il est à nouveau candidat, accède au deuxième tour de la prochaine présidentielle.
La bourgeoisie française veut absolument éviter un tel scénario. Pourquoi ? Non parce que Mélenchon veut renverser le capitalisme français et engager la France sur la voie du socialisme. Il ne propose rien de tel et la bourgeoisie le sait très bien. Le programme officiel de la FI ne propose qu’un nombre très limité de nationalisations. C’est d’ailleurs ce que nous, PCR, reprochons à ce programme : il ne s’attaque pas à la racine de tous les problèmes, c’est-à-dire à la propriété privée des grands moyens de production.
Mais cela ne suffit pas à rassurer la bourgeoisie. Et pour cause : face au déclin du capitalisme français, qui ne cesse de reculer sur tous les marchés, la classe dirigeante a urgemment besoin d’une politique d’austérité et de contre-réformes drastiques. Il y va de la compétitivité du capitalisme français. Or ce n’est pas du tout ce que propose la FI. Son programme contient un grand nombre de mesures progressistes – augmentation des salaires, embauche massive de fonctionnaires, développement des services publics, baisse de l’âge du départ à la retraite, etc. – qui sont aux antipodes de ce dont la classe dirigeante a objectivement besoin.
Ce que redoute vraiment la bourgeoisie
Bien sûr, les bourgeoisies française et européennes exerceraient une pression maximale sur un gouvernement de la FI pour qu’il renonce à son programme de réformes progressistes. Par exemple, les taux d’intérêt de la dette publique augmenteraient nettement. Des grands patrons menaceraient de délocaliser leurs usines. Les médias bourgeois mèneraient une violente campagne contre le gouvernement. Et ainsi de suite. Seulement voilà : un telle situation ouvrirait la possibilité de mobilisations massives, dans les rues et les entreprises, pour défendre le gouvernement de la FI et, surtout, le pousser à résister aux pressions de la bourgeoisie et à s’attaquer à son pouvoir. Pour la classe dirigeante, ce serait le « scénario catastrophe ».
En d’autres termes, le patronat français ne redoute pas tant la direction de la FI que la masse des jeunes et des travailleurs qui se tiennent derrière ce mouvement. C’est un fait – et il souligne la colossale hypocrisie de tous les éditorialistes qui font mine de se scandaliser du régime interne de la FI.
Non moins hypocrite – en plus d’être scandaleuse – est l’attitude des dirigeants de l’aile droite du réformisme (PS, PCF, Verts, Ruffin, etc.), qui prennent leur place dans le « front républicain » contre la FI et, d’une façon ou d’une autre, approuvent les attaques permanentes de la bourgeoisie contre Mélenchon. Il est vrai que celle-ci le leur rend bien. Par exemple, nul doute que l’idée cocasse – avancée par François Ruffin – d’une « primaire geyser », ouverte à Philippe Poutou comme à François Hollande, sera soutenue par les « experts » de droite qui, naturellement, savent comment « la gauche » peut l’emporter !
En ce qui nous concerne, nous n’avons jamais caché nos profondes divergences avec la FI. Le PCR est une organisation marxiste, communiste, révolutionnaire ; la FI est un mouvement réformiste. Cependant, le PCR est toujours aux côtés des militants et sympathisants de la FI lorsqu’il s’agit de défendre ce mouvement face aux mensonges, aux calomnies et aux attaques réactionnaires dont il fait constamment l’objet.
[1] Dixit Alain Jakubowicz, président d’honneur de la LICRA.