Aux premières heures du vendredi 13 juin, Israël a lancé une attaque aérienne massive contre l’Iran. Plusieurs généraux et cadres du programme nucléaire iranien ont été tués, ainsi que de nombreux civils, et des installations militaires et des infrastructures nucléaires ont été bombardées. Plus tard dans la journée, une nouvelle vague de frappes israéliennes s’est abattue sur Téhéran, Karaj, Qom, et sur le site d’enrichissement nucléaire de Natanz, déjà bombardé le matin.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou dispose d’une capacité de survie remarquable, en tout cas sur le plan politique. Il vient juste de survivre à une nouvelle motion de censure et à une crise gouvernementale provoquée par le débat sur l’extension du service militaire aux Juifs orthodoxes.

Comme il l’a déjà fait plusieurs fois auparavant, Netanyahou a démontré qu’il faisait passer ses propres intérêts avant tout, et qu'il n'hésite jamais à les imposer à ses alliés comme à ses ennemis. Cette fois-ci, il a saisi l’opportunité qu’ouvrait le ralentissement des négociations sur le nucléaire entre Washington et Téhéran pour lancer une vague de bombardements contre l’Iran. Cette attaque menace de plonger l’ensemble du Moyen-Orient dans une guerre généralisée.

Quelle est la position de l’impérialisme américain ?

Le gouvernement américain était évidemment au courant des plans de Netanyahou et savait très probablement quand les attaques auraient lieu. Israël n’aurait pas pu agir sans le feu vert de Washington. Le président américain Trump a d’ailleurs reconnu à plusieurs reprises que Netanyahou préparait une attaque depuis un certain temps.

Mais le mépris affiché par Netanyahou face aux appels de Trump à ne pas passer à l'action montre que le dirigeant israélien ne laissera personne, pas même le président américain, le gêner dans ses plans. Il semble convaincu qu’il peut obtenir toujours davantage de Washington, et qu’il sera toujours soutenu quoi qu’il fasse.

C’était déjà le cas avec le cessez-le-feu à Gaza, que Netanyahou avait été contraint de signer, mais qu’il était fermement décidé à saboter dès le premier jour. Quand le premier ministre israélien a décidé unilatéralement d’y mettre fin, Trump a immédiatement renoncé à ses exigences d’un cessez-le-feu. Depuis, le président américain a laissé Israël continuer sa guerre génocidaire contre les Palestiniens, affamer Gaza, s’emparer de nouveaux territoires dans le Golan syrien et annoncer une nouvelle vague de colonisation en Cisjordanie. Trump et l’impérialisme américain n’ont absolument aucun intérêt à protéger les Palestiniens, qui ne sont traités que comme des pions dans le jeu régional des grandes puissances.

Mais, pour sauver sa carrière politique et se maintenir au pouvoir, Netanyahou a besoin de plus que d’une guerre génocidaire à Gaza. Car, dès que la guerre cessera de peser sur la société israélienne, la profonde crise sociale et politique qui mine le pays reviendra au premier plan et mettra son pouvoir en péril. C’est pourquoi il fait tout ce qu'il peut pour prolonger la guerre et l'élargir à tout le Moyen-Orient, notamment en tentant d’entraîner les Etats-Unis dans une guerre contre l’Iran. C’est le sens de l’attaque déclenchée vendredi.

Mais quels sont les intérêts de l’impérialisme américain ? Le secrétaire d’Etat Marco Rubio a formellement pris ses distances avec Netanyahou, déclarant qu’« Israël a agi de façon unilatérale » contre l’Iran. « Les Etats-Unis ne sont pas impliqués », a-t-il ajouté. « Soyons clairs, l’Iran ne doit pas prendre pour cibles les intérêts ou le personnel des États-Unis » Cette déclaration vise à protéger les bases américaines dans la région, mais pourrait aussi être interprétée comme une menace contre l’Iran.

Quant à Trump, il a insisté sur le fait que l’Iran devait immédiatement accepter l’accord qu’il lui propose, affirmant que cela dissuaderait Israël de mener des attaques « encore plus brutales ». Mais il menace aussi explicitement l’Iran, et l’accuse d’être responsable des attaques israéliennes, parce que ses négociateurs auraient refusé les accords que Washington leur proposait. Elément particulièrement significatif, Trump a promis d’augmenter l’aide militaire américaine à Israël.

Qu’est-ce que cela signifie ? Trump semble apporter son soutien, au moins temporaire, à la décision de Netanyahou. Il tente d'utiliser Israël comme une arme braquée sur le régime iranien pour tenter de le forcer à signer un accord plus favorable à l’impérialisme américain. Trump semble toujours décidé à obtenir un accord avec l’Iran. Mais, de son côté, Netanyahou cherche à étendre la guerre. Leur pas de deux est très dangereux et pourrait déboucher sur une guerre généralisée au Moyen-Orient.

Pendant ce temps, Macron s’est exprimé au nom des dirigeants européens – qui ont rangé leurs timides critiques des « excès » d’Israël à Gaza – pour appeler les deux camps à la « désescalade » (ce qui implique que l’Iran deviendrait l’agresseur si il décidait de riposter à l’attaque israélienne), tout en soutenant le « droit d’Israël à se défendre ». Ceci, après qu'Israël ait menée une attaque délibérée contre l'Iran ! Le ministère allemand des Affaires étrangères a été encore plus loin, en « condamnant fermement les attaques aveugles de l’Iran en territoire israélien »… avant même que l'Iran n'ait riposté ! Difficile d'imaginer une hypocrisie plus répugnante.

Qu’a accompli Israël ?

L’attaque israélienne a mobilisé plus de 200 avions de combat, qui sont retournés indemnes à leurs bases. Les frappes israéliennes ont pénétré les systèmes de défense antiaérienne de conception russe dont dispose l’Iran, ce qui sera sans doute une source d'embarras pour Moscou. Israël se vante d’avoir réussi à désactiver la défense aérienne iranienne grâce à des drones introduits préalablement dans le pays.

Les services secrets israéliens ont prouvé une fois encore – après avoir assassiné le dirigeant du Hamas Ismaïl Haniyeh en juillet 2024 alors qu’il était hébergé par les Gardiens de la révolution à Téhéran – qu’ils ont accès à des informations hautement très confidentielles concernant le régime iranien. Les meurtres de généraux iraniens de haut rang – les major-généraux Mohammed Bagheri, Hossein Salami et Gholam Ali Rashid – et de scientifiques à la tête du programme nucléaire en sont une autre confirmation.

Mais ce n’est pas la première fois qu’Israël assassine des dirigeants et des scientifiques iraniens. Aucune de ces attaques n’a véritablement ralenti ou entravé le programme nucléaire iranien. A la différence des attaques précédentes, cette attaque a tout l’air d’une provocation, plutôt que d’une tentative de réellement enrayer les capacités nucléaires de l’Iran.

La riposte iranienne

Contrairement à ce qui s’était passé lors des précédentes provocations israéliennes (l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh et le bombardement de l’ambassade iranienne en Syrie), la riposte iranienne a été presque immédiate. Le soir même du 13 juin, une salve de missiles balistiques et de drones a été tirée depuis l’Iran vers Israël.

Une partie significative des projectiles iraniens ont percé les défenses israéliennes. Le « Dôme de fer » tant vanté par les israéliens n’a pas empêché des dizaines de missiles de frapper des installations militaires et des bâtiments officiels. D’après certains rapports, même le centre atomique de Dimona – un des points névralgiques du programme nucléaire militaire d’Israël – aurait été touché.

Les vidéos de missiles iraniens explosant en plein cœur de Tel-Aviv sont une humiliation pour le régime sioniste, qui a fait de sa puissance militaire un élément central de sa propagande. Elles montrent non seulement que les capacités militaires iraniennes sont sorties relativement intactes des attaques menées par Israël, mais qu’elles peuvent déjouer les capacités défensives de l’armée israélienne.

Comme lors des précédentes ripostes iraniennes à des provocations israéliennes, les impérialistes occidentaux et les régimes réactionnaires arabes de la région ont apporté leur appui direct à l’Etat israélien. La Jordanie a ouvert son espace aérien pour permettre à l’aviation israélienne d’y intervenir. Des avions américains ont abattu des drones et des missiles iraniens. Macron a affirmé que les forces armées françaises le feraient elles aussi si c’était nécessaire. Tout cela au nom du « droit d’Israël à se défendre », c’est-à-dire en réalité le droit du régime sioniste à agresser les pays voisins et à massacrer les Palestiniens. En aidant Israël à se « défendre » contre la riposte iranienne, Macron, Trump, et leurs semblables se rendent complices de la tentative de Netanyahou d'entraîner le Moyen-Orient vers l'abîme.

La menace d’une guerre généralisée

Depuis samedi, les bombardements se poursuivent, à un rythme moins soutenu. Cette attaque aura sans doute des conséquences profondes et durables. Il est très probable que l’Iran intensifie son programme nucléaire, qui n’a sans doute pas été enrayé, ni même ralenti par les frappes israéliennes.

Il est en effet évident que cette attaque n’aurait jamais eu lieu si l’Iran avait réellement disposé d’armes nucléaires. Pour le régime iranien, il s’agit donc d’une incitation à s'en doter au plus vite. L’Iran a d’ailleurs annoncé qu’il suspendait sa participation aux négociations avec les Etats-Unis car il les juge complice de l’attaque israélienne.

En menant ces attaques et en sabotant les négociations, Netanyahou est donc en train d’obtenir le contraire des objectifs qu’il prétend rechercher. C’est une preuve supplémentaire que sa véritable intention n’est pas d'empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire mais bien de déclencher une guerre régionale.

Cette crise va aussi intensifier la pression qui s’exerce sur les régimes réactionnaires de la région, comme la Jordanie ou l’Egypte. Le gouvernement jordanien, en particulier, est déjà critiqué par une bonne partie de sa population car il s’est rendu de facto complice de l’oppression des Palestiniens de Cisjordanie et du génocide des Gazaouis. En aidant Israël à se défendre contre la riposte iranienne, il ne fait que se rendre encore plus impopulaire.

L’Iran peut aussi mobiliser ses multiples alliés et relais dans la région. Les Houthis du Yémen sont sortis victorieux et largement intacts de la confrontation qui les a opposés aux Etats-Unis, ils pourraient frapper à nouveau le trafic maritime ou les navires américains qui croisent en Mer rouge. Le Hezbollah libanais dispose lui aussi toujours de capacités militaires significatives et pourrait bombarder le nord d’Israël. Quant aux milices pro-iraniennes en Irak, elles sont à peu près intactes et pourraient mener des attaques de représailles contre Israël et les bases américaines de la région. Si cela devait se produire, il est probable que les Américains seraient contraints d’intervenir directement dans le conflit, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir.

Par ailleurs, cette nouvelle provocation israélienne pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’économie mondiale. Les bombardements israéliens sur les infrastructures pétrolières iraniennes vont sans doute avoir un impact sur les cours du pétrole, mais aussi sur les voies commerciales internationales, alors que l’économie mondiale est déjà au bord d’une profonde récession. Si l’Iran décidait de fermer le détroit d’Ormuz, qui voit passer 20 % du pétrole mondial, l’impact serait encore plus grand.

Avec son attaque contre l’Iran, Netanyahou vient d’aggraver encore un peu plus la crise au Moyen-Orient. Cette provocation aura de profondes conséquences pour la stabilité de la région et pour l’économie mondiale.

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