Le 18 septembre dernier, le PCR a participé à un rassemblement organisé par la Fédération nationale des industries chimiques de la CGT (FNIC CGT), devant le site de production de Sanofi à Maisons-Alfort, dans le Val-de-Marne. Nous y avons interviewé Nassim, délégué syndical CGT du site.
Sanofi figure parmi les plus grands groupes pharmaceutiques au monde. La multinationale concentre ses activités autour de trois pôles principaux : les médicaments de prescription, les vaccins et la santé grand public. Pour maximiser ses profits, la direction se désengage aujourd’hui de cette dernière activité afin de se focaliser sur les produits les plus rentables. Dans ce cadre, elle sous-traite parfois la production tout en continuant à vendre la marque, ou suspend complètement la vente, comme cela a été le cas récemment pour le Doliprane, désormais vendu à CD & R, un fonds d’investissement américain.
Est-ce que tu peux revenir sur la politique de la direction de Sanofi ces dernières années ?
La politique de Sanofi est à l’image des grandes entreprises françaises, qui profitent des subventions publiques sans aucune contrepartie pour les salariés comme pour les consommateurs : ces dix dernières années, l’entreprise a reçu 1,5 milliards d’euros d’aides publiques et de crédits d’impôt en tout genre. Et pour quel résultat ? Sanofi a supprimé 12 000 emplois en CDI et s’est séparée de 27 sites industriels depuis 2008 ! Maintenant, c’est au tour de notre site, celui de Maisons-Alfort, d’être cédé à un sous-traitant.
Pourtant, Sanofi produit et distribue des médicaments essentiels contre le diabète et les infections respiratoires, ainsi que des vaccins. Sanofi a clairement fait le choix de l’argent à court terme : tout en profitant des caisses de la Sécurité sociale et d’exonérations de cotisations sociales, elle détruit ses centres de recherche, de production chimique et de distribution.
Dans quelle logique Sanofi cède-t-il ses sites industriels en France ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que la stratégie de la direction de Sanofi est totalement déconnectée des besoins du plus grand nombre. Leur volonté est de se concentrer seulement sur la production des médicaments les plus rentables, souvent pour les maladies rares, et d’arrêter la production des médicaments « grand public » disponibles sans ordonnance, comme le Doliprane, le Mucosolvan ou le Phytoxil.
Sur les 300 marques que Sanofi fabriquait, la direction a décidé de se séparer de la production des deux tiers. Ce sont des médicaments encore utilisés, mais qui ne représentent plus l’avenir aux yeux de la direction, car leurs taux de rentabilité sont jugés insuffisants. La conséquence de cette politique, c’est l’abandon de toute une série de sites industriels que l’entreprise revend.
Quelles sont les conséquences pour les salariés des sites qui sont vendus ? Pour les salariés du site de Maisons-Alfort ?
Alors, en termes d’emploi, à l’instant de la cession, il ne se passe rien, parce que le repreneur s’engage à conserver les emplois. Dans toutes les cessions qui ont été réalisées, Sanofi signe un accord de transition, qui permet de maintenir le système social pendant 3 ans. Donc on va dire que pendant 3 ans, il ne se passe pas grand-chose.
Mais après, toutes les cartes sont rebattues. Et le problème d’un sous-traitant, c’est que pour être compétitif au niveau des prix, ils sont obligés de taper dans la masse salariale et dans les acquis sociaux des salariés. Dans un grand nombre de cas, le sous-traitant procède aussi à des licenciements.
Comment les travailleurs du site réagissent-ils par rapport à cette cession ? Quelle est la position de ton syndicat sur la lutte à mener ?
Il y a forcément un peu de résignation, car les salariés ont vu toute une série de sites se faire vendre, sans qu’on puisse faire reculer la direction. Beaucoup d’entre eux savent qu’il sera très difficile de faire revenir la direction sur sa décision, car elle veut aller très vite dans la vente du site (l’opération est prévue au 1er trimestre 2026).
Mais les salariés sont tout de même conscients que le site devrait continuer à faire partie du groupe Sanofi : on est vendu à un sous-traitant qui va continuer à travailler pour Sanofi ! D’un point de vue organisationnel, cela n’a simplement pas de sens de ne plus faire partie du groupe. La seule justification est d’augmenter la rentabilité sur le dos des salariés.
Dans notre syndicat CGT, on est clairement conscients que, face à la politique menée par les grands groupes – et le patronat en général – il est absolument nécessaire de partir sur des luttes « dures ». Mais les grèves reconductibles ne se décrètent pas : il faut convaincre les travailleurs de cette stratégie et donner le bon plan de bataille.