En mars dernier, l’intersyndicale CGT-FSU du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône (CD13) a organisé trois journées de mobilisation pour défendre l’emploi et les conditions de travail du secteur médico-social. Les revendications principales portaient sur le remplacement de 300 postes vacants, la transformation des contrats précaires en postes statutaires, ainsi que la titularisation immédiate des lauréats du concours de la fonction publique. Cette mobilisation n’a été que très peu suivie et seulement quelques dizaines de postes ont finalement été ouverts. Il est essentiel de tirer les leçons de cette défaite afin de préparer les luttes à venir.
L’impact des coupes budgétaires
Le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône emploie environ 1200 travailleurs médico-sociaux : éducatrices, assistantes sociales, auxiliaires de puériculture, médecins, psychologues, sage-femmes, ou encore infirmières. Au même titre que les services publics de la Santé et de l'Education, le secteur médico-social est frappé par les politiques d’austérité du gouvernement, qui a acté 50 milliards d’euros d’économies en 2025, et prévoit encore 40 milliards d’euros pour 2026. Les marges de manœuvre du Conseil départemental pour absorber ces coupes sont quasi-nulles : la collectivité doit déjà rembourser plus de 2 milliards d’euros de dettes, sans même compter les intérêts.
Sous le coup de ces politiques d'austérité, le Conseil départemental a décidé de geler le remplacement de 300 postes vacants depuis janvier et ainsi réaliser des millions d’euros d’économies sur le budget de l’Aide sociale à l’Enfance, de la Protection maternelle et infantile (PMI), ou encore des services de Prévention sociale.
Prenons l’exemple de la PMI, qui a pour mission de promouvoir la santé des enfants et des femmes en âge de procréer. Son budget a été réduit de plus de 5% cette année (soit 1 million d’euros), alors même que les besoins de la population augmentent. De plus, à cause de l’inflation, le service de PMI doit se procurer du matériel médical et de puériculture à des prix de plus en plus élevés. Ce service fonctionne à flux tendu, d’une crise à l’autre, et répond de moins en moins aux besoins. Alors qu’ils ont souvent choisi ces métiers par vocation, les agents souffrent de conditions de travail déplorables : les turn over et les burn out se multiplient.
Le « Forum de l’emploi »
Face à la colère et à l’épuisement des salariés, les directions du secteur médico-social et des ressources humaines du département ont tenté de désamorcer la tension par une série de réunions avec les syndicats. Elles ont même organisé, le 25 mars, un « forum de l’emploi » intitulé : « Le CD13 recrute dans les métiers du social et médico-social ».
Mais sous le joug de l’austérité, ce « forum de l’emploi » ne pouvait que mettre en concurrence les demandeurs d’emploi, au détriment de la qualité de leurs contrats. Seule une poignée d’embauches en contrats précaires en est sortie, dont un certain nombre de CDD d’un an et de « vacataires ». Ces contrats précaires se multiplient dans le médico-social, en lieu et place de l’embauche de fonctionnaires.
Il y a deux ans, le gouvernement Macron a même lancé une expérimentation : des « Contrats de projets », co-financés par l’Etat. Pour l’instant, ils constituent qu’une cinquantaine de postes au Conseil départemental, mais le gouvernement veut les généraliser.
Ce sont des contrats « à la tâche » : les missions sont encadrées par des objectifs chiffrés, de courte durée, totalement éloignés de la nature réelle des besoins. Par exemple, les éducateurs et les infirmières sont engagés seulement trois ans pour réaliser, respectivement, un maximum d'aides éducatives à domicile et de dépistages auditifs en maternelle. Toutes les autres considérations, comme la qualité du travail et un suivi à plus long terme avec le même professionnel, sont balayées d'un revers de la main.
Les conditions de la victoire
Les travailleurs médico-sociaux du Conseil départemental ont bien compris la situation : le gouvernement réduit drastiquement les moyens qui leur sont alloués – et ce ne sont pas les initiatives du type « Forum de l’emploi » qui vont les aider. Les revendications portées par les syndicats sont largement partagées chez les agents. Pourtant, moins de 10 % d’entre eux ont participé aux trois « mardis de la colère » organisés en mars par l’intersyndicale CGT-FSU. Pourquoi un tel écart entre le niveau de colère et la participation à cette mobilisation ?
Beaucoup de travailleurs savent que le Conseil départemental n’est pas le vrai décideur et ne fait que gérer un budget d’austérité décidé par le gouvernement. Ils en déduisent, à raison, que ce n’est pas en organisant trois journées de mobilisation à Marseille qu’il est possible de faire reculer Macron et Bayrou. Ce sentiment est renforcé par l’expérience des dernières grandes défaites, notamment celle de la lutte contre la réforme des retraites, suite à laquelle de nombreux travailleurs ont tiré la conclusion que les journées d’action ponctuelles – même massives – ne suffisent pas à inverser le rapport de forces.
La bourgeoisie française mène une offensive globale contre la classe ouvrière : les politiques d'austérité et les licenciements touchent de nombreux secteurs. Il est urgent que le mouvement ouvrier organise une riposte à la hauteur des attaques. Il est du devoir des dirigeants syndicaux – à commencer par la direction confédérale de la CGT – de mettre à l’ordre du jour une vaste campagne d’agitation en faveur d’un large mouvement de grèves reconductibles, à l’échelle nationale. Il faut patiemment expliquer la nécessité d’un tel mouvement et le préparer sérieusement, car c’est la seule façon de l’emporter.
Cette campagne d’agitation doit s’appuyer sur un programme offensif : il ne s’agit pas seulement de s’opposer aux attaques du gouvernement, mais aussi de revendiquer des augmentations de salaires, leur indexation sur l’inflation, et l’amélioration des conditions de travail. Un tel programme devra, bien évidemment, porter les revendications du médico-social – à commencer par des embauches et titularisations massives de fonctionnaires dans ce secteur vital pour la société.
C’est cette perspective que devraient défendre les camarades de la CGT et de la FSU du Conseil départemental, en s’adressant non seulement aux médico-sociaux, mais aussi aux autres services publics et organisations syndicales du département. Ce faisant, ils indiqueront la voie à suivre à de nombreux travailleurs confrontés aux conséquences désastreuses des politiques d’austérité !