A l’heure où nous bouclons ce numéro de Révolution, le Parti socialiste menace de censurer le gouvernement qu’il a lui-même sauvé, mi-octobre.

Dans leurs négociations avec les macronistes, les dirigeants du PS n’hésitent pas à monter sur de très grands chevaux. Le 26 octobre, Philippe Brun déclarait : « S’il n’y a pas d’accord avec nous cette semaine, tout va s’effondrer. Le gouvernement va s’effondrer, cette Assemblée va s’effondrer, et le pays va s’effondrer. » Le député « socialiste » est trop modeste : d’après nos calculs, c’est le système solaire qui pourrait s’effondrer si, par malheur, Olivier Faure et Sébastien Lecornu ne tombaient pas d’accord.

Ceci dit, une très nette majorité du peuple n’écoute plus Philippe Brun et consorts. Les masses ne s’intéressent pas beaucoup aux postures et manœuvres qui remplissent le Palais Bourbon de leur fracas dérisoire. Beaucoup de travailleurs ont compris l’essentiel : 1) les riches et les puissants veulent nous imposer un budget violemment austéritaire ; 2) cette Assemblée nationale n’accouchera de rien d’autre ; 3) comme toujours, les « socialistes » se moquent du monde.

Le PS va-t-il censurer le gouvernement à court terme ? Nous l’ignorons, et il est possible que les dirigeants de ce parti ne le sachent pas encore eux-mêmes. En effet, ils font face au dilemme suivant : s’ils permettent au gouvernement d’adopter son budget austéritaire, le PS trouvera très peu d’électeurs parmi les exploités et les opprimés ; mais même s’ils précipitent des élections législatives anticipées, le PS s’expose à une bérézina électorale. Deux voies, un même résultat. Au fondement de ce dilemme, il y a la colossale disproportion entre le rôle du PS à l’Assemblée nationale et son rang dans le cœur des masses. Quoi qu’il fasse, le PS risque gros – c’est-à-dire un retour brutal à la réalité de son poids politique, dont Anne Hidalgo a donné la mesure en avril 2022 : 1,7 % des voix.

C’est la FI – via la Nupes, puis le NFP – qui a sauvé le PS après son naufrage électoral d’avril 2022. Mélenchon porte donc une part de responsabilité dans la situation actuelle. De nombreux sympathisants de son mouvement le comprennent et demandent une rupture de la FI avec le PS. Dans ce numéro de Révolution, nous expliquons en détail pourquoi la FI doit rompre aussi avec les Verts et le PCF – qui sont étroitement liés au PS, lequel magouille avec les macronistes et ex-macronistes, qui eux-mêmes magouillent avec Les Républicains. La FI doit s’extraire de cet échafaudage pourri des complicités et des alliances concoctées sur le dos du peuple travailleur. A défaut, c’est le RN – fort de sa démagogie « anti-système » – qui en bénéficiera. Toute tentative de reconstituer le NFP, sous quelque forme que ce soit, serait un cadeau au parti de Marine Le Pen. Ne pas le comprendre, c’est passer totalement à côté de la dynamique politique actuelle.

Le rôle de l’intersyndicale

Les directions des grandes confédérations syndicales – CGT comprise – occupent une place centrale dans l’échafaudage pourri que nous venons d’évoquer. Elles ont tout fait pour canaliser et, au final, étouffer le mouvement du 10 septembre. Elles ont publiquement réclamé la « stabilité politique », c’est-à-dire la survie du gouvernement des riches. Elles n’organisent pas la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie ; elles jouent le rôle d’agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier. C’est un fait dont un nombre croissant de jeunes et de salariés prennent conscience.

Bien sûr, pour ne pas perdre toute autorité aux yeux des salariés, les directions confédérales des syndicats sont obligées de faire semblant de lutter, ou au moins de réclamer des mesures progressistes. Par exemple, dans un communiqué publié le 20 octobre dernier, juste après le soutien du PS au gouvernement Lecornu, l’intersyndicale « demandait » à l’ensemble des députés de « supprimer les mesures d’austérité annoncées et d’élaborer un budget de justice sociale et fiscale garantissant un haut niveau de protection sociale, des services publics renforcés et des investissements vers une transition écologique et industrielle juste et de haut niveau. »

Sophie Binet (CGT), Marylise Léon (CFDT) et les autres signataires de ce communiqué imaginent-ils vraiment que les députés de l’actuelle Assemblée nationale, qui est dominée par divers partis bourgeois, vont augmenter le financement des services publics et de la « protection sociale » ? Non, bien sûr : ces dirigeants syndicaux savent bien que c’est absolument impossible. S’ils font semblant de croire que c’est possible, c’est uniquement pour tromper le peuple, le nourrir d’illusions et, ainsi, se défausser de leur responsabilité officielle : l’organisation de la lutte des salariés contre le patronat et son gouvernement.

La chose est si flagrante que Jean-Luc Mélenchon, d’habitude si prudent et diplomatique à l’égard des directions syndicales, est obligé de le souligner et de le dénoncer. C’est bien, mais c’est très insuffisant. La direction de la FI doit prendre l’initiative d’impulser la lutte dans les rues, les entreprises, les lycées, les facs – et appeler l’ensemble des militants syndicaux à s’y impliquer, quoi qu’en pensent Sophie Binet, Marylise Léon et compagnie.   

« La flamme de la révolution »

C’est le mouvement du 10 septembre qui a fait chuter le gouvernement Bayrou. Le moyen le plus sûr de faire chuter Lecornu et, surtout, d’ouvrir la perspective d’une rupture avec toutes les politiques d’austérité, c’est la construction d’un puissant mouvement de masse pour « tout bloquer ».

Les mobilisations des 10 et 18 septembre ont montré qu’il y a d’énormes réserves de combativité dans la jeunesse et le salariat. Le problème n’est pas là. Le problème se situe au sommet des grandes organisations de la classe ouvrière, et en particulier des organisations syndicales.

Ceci dit, ce n’est là qu’un obstacle relatif au développement d’une nouvelle vague de grandes luttes. Pour le comprendre, il suffit d’observer ce qui se passe aux quatre coins du monde – au Népal, en Indonésie, aux Philippines, au Timor oriental, au Cachemire, à Madagascar, au Maroc, en Equateur, au Pérou, en Italie… Dans tous ces pays, les souffrances que le capitalisme inflige au peuple, depuis tant d’années, ont fini par déclencher de puissantes explosions sociales.

Partout, c’est la jeunesse (la « Génération Z ») qui est à l’avant-garde des mobilisations. En France aussi la jeunesse était la colonne vertébrale des manifestations du mois de septembre. Rien d’étonnant à cela. Le dirigeant communiste allemand Karl Liebknecht (1871-1919) disait que « la jeunesse est la flamme de la révolution ». Dans son Programme de transition (1938), Léon Trotsky développait la même idée : « Seuls l’enthousiasme frais et l’esprit offensif de la jeunesse peuvent assurer les premiers succès dans la lutte ; seuls ces succès peuvent faire revenir dans la voie de la révolution les meilleurs éléments de la vieille génération. Il en fut toujours ainsi, il en sera ainsi. »

N’en doutons pas : la jeunesse jouera un rôle décisif dans le développement de la lutte des classes en France. Lorsqu’elle entrera en grand nombre dans les organisations syndicales, elle en modifiera le rapport de forces interne au détriment des dirigeants carriéristes et conservateurs. D’ores et déjà, les éléments les plus conscients et les plus combatifs de la jeunesse rejettent avec mépris la perspective illusoire d’une lente, paisible et graduelle « réforme » du système capitaliste au profit du peuple. Ils comprennent qu’il faudra renverser ce système et l’envoyer dans les poubelles de l’histoire.

C’est à ces éléments de la jeunesse que le Parti communiste révolutionnaire tend la main et ouvre ses rangs. Notre parti, section française de l’Internationale communiste révolutionnaire, a une confiance absolue dans la capacité des travailleurs à prendre le pouvoir et transformer la société de fond en comble. Mais nous avons plus que cela : nous avons aussi les idées et le programme du marxisme, dont Lénine disait qu’« il est tout-puissant parce qu’il est juste ». Armée de ces idées et de ce programme, la jeunesse révolutionnaire balayera tous les obstacles, déjouera tous les pièges, démasquera tous les traitres et, ce faisant, ouvrira le chemin d’une société débarrassée de toutes les formes d’exploitation et d’oppression.


Sommaire

« La jeunesse est la flamme de la révolution » - Edito du n°95
Nos écoles révolutionnaires
« Les communistes arrivent ! » : un film documentaire sur la fondation de l’ICR
Brèves
Bilan d’une rentrée scolaire austéritaire
Crèches privées : quand la petite enfance devient un marché
Interview d’Edward, travailleur en ESAT
Budget 2026 : le gouvernement veut faire payer les pauvres
La FI et le fiasco de « l’unité de la gauche »
Révolution à Madagascar
Rivalité impérialiste en Amérique latine
Que signifie l’accord de « cessez-le-feu » à Gaza ?
Zohran Mamdani : un maire socialiste pour la « capitale du Capital » ?
Rivalités impérialistes dans la Baltique
Chostakovitch : la conscience musicale de la révolution russe
La grande grève de l’automne 1995
Socialisme et « égalitarisme »

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