Les politiciens et journalistes bourgeois le clament chaque jour : face au dérapage des déficits publics, il faut des coupes drastiques dans les dépenses. Ce qui est visé, bien sûr, ce sont les dépenses sociales : assurance chômage, assurance maladie, retraites, éducation, Fonction publique en général, etc. Pas touche au budget de la Défense, c’est-à-dire du militarisme impérialiste ! Macron parle même de le multiplier par deux. Pas touche, non plus, aux 211 milliards d’euros d’« aides publiques aux entreprises », dont une bonne partie tombe directement dans les poches des gros actionnaires.

Les dirigeants du PS ne sont pas tout à fait d’accord : ils demandent que « l’effort » de réduction des déficits soit « mieux partagé » entre les riches et les pauvres. Autrement dit, les travailleurs doivent encore se serrer la ceinture, mais à condition qu’on enlève un dessert de la table des capitalistes, de temps en temps. Pour rappel, lors de son dernier passage au pouvoir, entre 2012 et 2017, le PS a renoncé à la deuxième partie de ce programme. Il a même distribué des dizaines de milliards d’euros de nouvelles « aides » aux capitalistes (CICE, etc.).

La France insoumise, elle, rejette toutes les politiques d’austérité et exige une nette augmentation des budgets sociaux, à juste titre. Son programme officiel prévoit autour de 100 milliards d’euros de nouvelles dépenses sociales, chaque année. Ces dépenses seraient financées par la taxation du grand capital et par la dette publique.

Bien sûr, la droite y dénonce le summum de la folie furieuse. Sur la question de la dette publique, elle s’étrangle : « après Mélenchon, le FMI ! ». Elle ne cherche pas à éclairer la question, mais à effrayer les électeurs. Cependant, la façon dont les dirigeants de la FI répondent à la droite, sur cette question, est complètement erronée. Expliquons pourquoi.

Crise et dette 

Le 5 septembre dernier, Mélenchon écrivait : « Tout se passe comme si le numéro de catastrophisme de Bayrou et de ses répondeurs automatiques n’a pas pour but d’épargner un désastre, mais de le provoquer. De fait, quand des discours de cette nature émanent du gouvernement lui-même, il va de soi que les marchés peuvent en effet s’inquiéter, et les taux d’intérêt augmenter comme effet de leur panique. Le but du soi-disant diagnostic de Bayrou est donc de créer une pression de panique dans l’opinion pour lui faire accepter de nouvelles confiscations de ses acquis sociaux. »

Ce raisonnement est absurde. Ni Bayrou, ni aucun politicien bourgeois ne cherche à provoquer artificiellement une crise en vue de susciter une « panique » dans l’opinion publique. Ils cherchent à convaincre l’opinion publique – sans grand succès – qu’elle doit se saigner pour éteindre une crise bien réelle. Ce n’est pas la même chose.

Allons au cœur du problème : avant d’être agitée par la droite pour justifier des coupes dans les dépenses sociales, la trajectoire de la dette publique est un élément et une expression de la dynamique globale du capitalisme français. Or non seulement cette dynamique est déclinante, depuis plusieurs décennies, mais ce déclin s’est accéléré au cours des dernières années. Le dérapage des déficits publics est indissociable de la stagnation chronique de l’économie française, de ses déficits commerciaux massifs et systématiques, de l’atonie de ses investissements productifs – et d’autres facteurs de cet ordre.

La croissance de l’économie française s’élèvera aux alentours de 0,6 % en 2025, après 1,2 % en 2024. Faute d’investissements, la productivité horaire du travail a reculé de 2,4 % par rapport à son niveau de 2019. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, la France est tombée en queue de peloton des pays développés. Voilà ce que regardent les gros spéculateurs qui prêtent de l’argent à l’Etat français. Ils n’ont pas besoin du « numéro de catastrophisme » de François Bayrou et consorts pour se faire une idée de la dynamique globale de l’économie française. Ils constatent aussi que la profonde crise de régime complique sérieusement la capacité de la bourgeoisie à mettre en œuvre l’austérité drastique dont elle a besoin pour tenter d’enrayer le déclin du capitalisme français, et donc de maîtriser ses déficits publics.

Sur le marché mondial des obligations d’Etat, c’est l’ensemble de ces facteurs qui font monter les taux d’intérêt que la France doit payer à ses créanciers. La « charge » de la dette (le payement des seuls intérêts) s’élèvera à plus de 66 milliards d’euros en 2025, puis à plus de 75 milliards d’euros en 2026. A titre de comparaison, le budget global de l’Education nationale, en 2025, s’élève à 64,5 milliards d’euros.

Mélenchon affirme que « l’Etat ne paie jamais sa dette et ne la paiera jamais. Il la fait “rouler”. C’est-à-dire qu’il emprunte pour pouvoir rembourser à échéance la part due aux prêteurs. Rien de plus ! ». C’est jouer sur les mots pour masquer la réalité. En fait, l’Etat paye bien sa dette – mais par tranches successives, d’échéance en échéance. Et pour cause : s’il cessait de payer les échéances, les investisseurs privés ne lui prêteraient plus un centime. La dette publique ne pourrait plus « rouler », car l’Etat ne trouverait plus de quoi l’alimenter, sur les marchés.

Ce que reflète l’augmentation des taux d’intérêt que doit consentir la France auprès de ses créanciers, c’est précisément l’incertitude croissante qui pèse sur les capacités de l’Etat « à rembourser à échéance » les emprunts contractés. Or le cercle vicieux, dans ce domaine, est bien connu : l’augmentation des taux d’intérêt aggrave la situation financière de l’Etat, mine sa « crédibilité financière » (ses capacités de remboursement), ce qui a pour effet d’accentuer la hausse des taux d’intérêt – et ainsi de suite.

Encore une fois, ce cercle vicieux ne se développe pas en vase clos : il est nourri par la dynamique globale de l’économie française, qui est engagée dans un déclin dont rien n’annonce la fin. Au contraire : l’agressivité protectionniste des Etats-Unis et la compétitivité croissante du géant chinois – pour ne mentionner que ces deux facteurs – placent le capitalisme français dans une situation de plus en plus désespérée. C’est l’impasse générale de l’économie française qui mine ses finances publiques ; en retour, la crise de la dette publique plombe la situation économique. Telle est la dialectique élémentaire de ce processus.

Illusions réformistes 

Si l’on acceptait le raisonnement de Jean-Luc Mélenchon, il faudrait en conclure que les créanciers de l’Etat français seraient rassurés par un gouvernement de la FI, qui leur expliquerait que « tout roule », à commencer par la dette publique.

En réalité, ce serait exactement le contraire, bien sûr. Les marchés financiers réagiraient très négativement à un gouvernement de la FI. De manière générale, les bourgeoisies – en France et ailleurs – exerceraient d’énormes pressions sur un gouvernement de la FI pour qu’il renonce à son programme de réformes sociales, à l’embauche de fonctionnaires, à la hausse de tous les salaires, aux investissements massifs dans les services publics et, last but not least, à la très nette augmentation des prélèvements fiscaux sur le capital. Une hausse des taux d’intérêt sur la dette publique française serait l’un des éléments de cette pression.

Dans un tel contexte, un gouvernement de la FI n’aurait que deux options : soit reculer et renoncer à son programme progressiste, comme l’a fait le gouvernement de Tsipras en Grèce, en 2015 ; soit passer à l’offensive, c’est-à-dire exproprier les banques, la grande industrie et la grande distribution, placer ces leviers de l’économie sous le contrôle démocratique des travailleurs, appeler les classes ouvrières du monde entier à suivre cet exemple – bref, mettre la révolution socialiste à l’ordre du jour.

Malheureusement, ce n’est absolument pas dans ces termes que les dirigeants de la FI envisagent la situation à laquelle ils feront face, s’ils arrivent au pouvoir. Ils rejettent l’alternative que nous venons d’énoncer et formulent une troisième voie : celle des illusions réformistes.

Dans la partie du programme de la FI intitulée « Refuser le chantage : annuler la dette publique », la « mesure clé » prévoit d’« exiger de l’Union européenne que la Banque centrale européenne (BCE) transforme la part de dette des Etats qu’elle possède en dettes perpétuelles à taux nul ». Ce n’est pas tout. Le gouvernement de la FI « exigera » aussi que soit « mis en place une autorisation de découvert des Etats auprès de la BCE, afin de sortir le financement de l’Etat de la main des marchés financiers ».

Tout ceci relève du conte de fées, la poésie en moins. Il est ridicule d’imaginer que les bonzes réactionnaires de la BCE – qui défendent les intérêts des multinationales européennes – répondraient favorablement aux « exigences » d’un gouvernement de la FI. Ils auraient la même attitude, implacablement hostile, que vis-à-vis du gouvernement Tsipras, en Grèce.

A cela, Mélenchon répond parfois : « Mais la France n’est pas la Grèce. C’est le deuxième PIB de l’UE. On saura se faire respecter ! ». Il est possible, en effet, que le poids économique de la France oblige les bourgeoisies européennes à s’y prendre d’une autre manière qu’avec la Grèce. Mais cela ne changerait rien à leur hostilité radicale, irréductible, à l’égard d’un gouvernement de la FI. Elles seraient fermement déterminées à le faire plier, parce qu’elles ne pourraient pas tolérer l’exemple d’un gouvernement de gauche qui, au cœur de l’UE, mène une vaste politique de réformes sociales progressistes. Aucune illusion n’est permise dans ce domaine.

Mais le propre du réformisme, c’est précisément de nourrir de telles illusions, au lieu de préparer les travailleurs à une lutte décisive pour la conquête du pouvoir et la transformation socialiste de la société. La « théorie » fumeuse de Mélenchon sur la dette qui ne « sera pas payée », etc., a pour effet – sinon pour objectif – de renforcer l’idée qu’il serait possible d’en finir avec les crises, les fermetures d’entreprises, le chômage, la précarité et toutes les formes de misère sans en finir avec le système capitaliste lui-même.

Les événements titanesques de ces prochaines années se chargeront de détruire ces illusions dans la conscience des travailleurs. Ce processus est déjà engagé, en particulier dans la jeunesse, dont une fraction croissante cherche des idées et un programme révolutionnaires. Tout en défendant la FI face aux attaques de la droite, du RN et de l’aile droite du réformisme (PS, Verts et PCF), la jeunesse la plus consciente et la plus militante doit s’engager sans tarder dans la construction d’une force politique qui lutte résolument pour le renversement du capitalisme.

Telle est la tâche que s’est fixée le Parti communiste révolutionnaire, qui ne fonde pas son action sur les illusions fatales du réformisme, mais sur une analyse scientifique du monde, une confiance inébranlable dans la classe ouvrière et une détermination sans faille à en finir avec l’exploitation de l’homme par l’homme.

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