La croissance mondiale est engagée dans une phase de ralentissement durable. Une récession est possible dès 2025. « Cela dépendra de ce que va faire Donald Trump », expliquent les économistes d’un air désabusé.
Il est vrai que les décisions du Président des Etats-Unis sont désormais un élément central de l’équation. A elle seule, une flambée protectionniste peut précipiter une nouvelle crise majeure. Mais n’oublions pas que le protectionnisme est lui-même une conséquence de la crise générale du capitalisme et de l’exacerbation des rivalités impérialistes sur fond de saturation des marchés, c’est-à-dire de surproduction chronique.
Ce sont les contradictions fondamentales du capitalisme qui menacent de plonger l’économie mondiale dans une nouvelle récession – et non la seule politique de Donald Trump, qui peut jouer tout au plus un rôle de catalyseur.
Comme toujours, ce sont les pauvres et les travailleurs qui en subiront les conséquences. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) vient de revoir à la baisse ses prévisions de création d’emplois à l’échelle globale. Les fermetures d’entreprises et les plans sociaux vont se multiplier. De manière générale, toutes les formes de misère vont s’aggraver, et aucun pays ne sera épargné.
« Tous les Français » (ou presque)
L’économie française s’enfonce lentement – mais sûrement – dans le marasme. Après une série de révisions à la baisse, la Commission européenne estime que la croissance hexagonale sera de 0,6 % (tout au plus) en 2025. Une telle « performance » provoquera fatalement une hausse du chômage et de la pauvreté.
Aux effets mécaniques de ce ralentissement s’ajouteront les conséquences de la politique d’austérité du gouvernement. Le Premier ministre a annoncé qu’il présenterait, début juillet, un « plan de retour à l’équilibre des finances publiques sur trois ou quatre années ». Un « effort » sera demandé à « tous les Français », a-t-il précisé. Traduction : la masse des jeunes, des travailleurs et des retraités seront frappés – au profit de la grande bourgeoisie.
Par exemple, François Bayrou s’est déclaré favorable à une « TVA sociale » : l’augmentation des prix de toutes les marchandises financerait une baisse des cotisations patronales. Inflation d’un côté, hausse des profits de l’autre : « tous les Français » feraient un « effort » – sauf les patrons (surtout les grands), qui en recueilleraient les fruits.
Le Medef applaudit et prétend que cela finira par profiter à toute la population, car la baisse des « charges » stimulera l’investissement, donc la croissance et l’emploi, donc de nouveaux investissements, et ainsi de suite en un cercle vertueux indéfini. C’est la bonne vieille théorie selon laquelle les travailleurs doivent souffrir davantage aujourd’hui afin d’être comblés dans un certain nombre d’années (indéterminé).
Si c’était vrai, les 150 milliards d’euros de subventions publiques aux entreprises, chaque année, auraient dû transformer le pays en un paradis terrestre, à force d’investissements. Or ce n’est pas du tout le cas. Le Monde du 22 mai relevait que l’investissement productif, en France, a reculé de 1,5 % en 2024. Il est « orienté à la baisse » en 2025. Les subventions publiques partent directement dans la spéculation et les dividendes. Et pour cause : ce qui retient les capitalistes d’investir dans la production, ce n’est pas le manque d’argent ; c’est la saturation des marchés. Ces gens n’investissent que s’ils en escomptent des profits en retour, et non pour confirmer les théories fumeuses des économistes bourgeois.
Le déclin ininterrompu du capitalisme français, depuis des décennies, a placé la grande bourgeoisie dans une situation très délicate. Son pillage des finances publiques et la stagnation économique ont porté la dette de l’Etat à des niveaux insoutenables. La charge de la dette publique, c’est-à-dire le payement des seuls intérêts, s’élevait à 31 milliards d’euros en 2021, puis à 39 milliards en 2023. Elle devrait atteindre 55 milliards en 2025 et – « si tout va bien » ! – près de 80 milliards en 2027. Ainsi, les 40 milliards d’euros de coupes supplémentaires que Bayrou veut nous infliger, en 2026, ne représenteraient que la moitié des dépenses prévues, en 2027, au titre des seuls intérêts sur la dette publique.
Ces chiffres soulignent le caractère parasitaire du capitalisme français. Mais ils annoncent aussi des coupes encore plus drastiques à l’avenir. La bourgeoisie française n’a pas d’alternative à la politique du sang et des larmes pour « tous les Français » – ou presque.
Les problèmes de la bourgeoisie
Cependant, la classe dirigeante fait face à plusieurs problèmes. Le plus évident, c’est l’absence d’une majorité parlementaire assez solide pour mettre en œuvre la saignée austéritaire que le Medef réclame. Les députés du PS et du RN veulent bien soutenir à nouveau un budget réactionnaire, mais pas au point d’y sacrifier toutes leurs ambitions. Lorsque Bayrou a avancé l’idée d’une « TVA sociale », Le Pen et Faure ont immédiatement agité la menace d’une censure. Leur mot d’ordre est : « l’austérité, oui, mais pas n’importe laquelle ». Bayrou devra donc négocier la dose et la forme de sa politique anti-sociale avec les chefs du RN et du PS, qui à tout moment peuvent cesser de soutenir le gouvernement.
Le deuxième problème, pour la bourgeoisie, c’est le caractère socialement explosif de la politique qu’elle veut mettre en œuvre. La jeunesse et la classe ouvrière françaises ne se laisseront pas dépouiller sans réagir. Les stratèges du grand capital le savent et le redoutent.
Pour tenter de désamorcer le développement de la lutte des classes, les politiciens et journalistes bourgeois ont une arme fétiche : la diversion massive. Les travailleurs musulmans en sont les victimes permanentes. L’islamophobie officielle, alimentée au plus haut niveau de l’Etat, franchit sans cesse de nouveaux seuils dans le grotesque et l’infâme. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, n’hésite pas à prétendre que, sans son action résolue, la France pourrait basculer dans un régime dictatorial de type islamiste.
On ne sait plus, parfois, s’il faut en rire ou en pleurer. En un sens, c’est un aveu de faiblesse de la bourgeoisie, qui en est réduite à raconter n’importe quoi. Reste que la gauche et le mouvement syndical doivent s’opposer beaucoup plus fermement à ce torrent continu de propagande islamophobe. Il y va de la clairvoyance et de l’unité de notre classe dans sa lutte contre les exploiteurs.
Lutte des classes
Le meilleur moyen de combattre le racisme d’Etat, c’est la lutte des classes elle-même. C’est l’action commune de tous les travailleurs – quelles que soient leur origine et leur religion – qui balayera les préjugés racistes.
Au lieu de s’adresser sans cesse à Macron pour lui demander de mener une politique sociale, Sophie Binet (CGT) doit se tourner vers la classe ouvrière et la préparer à de grandes mobilisations. La gauche et le mouvement syndical – à commencer par la CGT et la FI – devraient engager une vaste campagne d’agitation, aux quatre coins du pays, pour populariser un plan d’action contre le gouvernement et le patronat.
Il n’y a rien de bon à attendre de l’Assemblée nationale, ni a fortiori des « cellules de crise » et autres « conclaves » dans lesquels se compromettent les dirigeants syndicaux. Seule une puissante mobilisation extra-parlementaire, dans les rues et les entreprises, peut faire obstacle aux nouvelles coupes budgétaires et contre-réformes que préparent Bayrou et sa clique. Plus précisément : seul le développement d’une puissante grève reconductible, dans un nombre croissant de secteurs, ouvrira la perspective de renverser le « gouvernement des riches » et de le remplacer par un gouvernement des travailleurs.
Un mouvement social d’une telle envergure ne pourra pas se développer sur la base de revendications strictement défensives. Il faut un programme conquérant et radical. La lutte pour la nationalisation d’ArcelorMittal (entre autres), sous le contrôle démocratique des salariés, doit prendre place dans une offensive générale contre la grande propriété capitaliste. Il faut arracher l’appareil productif des mains de la bourgeoisie parasitaire, spéculatrice, et le placer entre les mains des travailleurs, c’est-à-dire de tous ceux qui l’ont construit, le font tourner chaque jour et sauront le soumettre à la satisfaction des besoins du plus grand nombre. Cette idée fondamentale, que les dirigeants réformistes ont abandonnée, doit revenir au centre des discussions et du programme du mouvement ouvrier.
Sommaire
La crise, l’austérité et la riposte du mouvement ouvrier
Brèves
Pakistan : appel à solidarité pour nos camarades emprisonnés
STMicroelectronics : le capitalisme détruit la planète et les travailleurs
Circulaire Retailleau : une nouvelle attaque contre les immigrés
« La seule solution, c’est un véritable service public du taxi » - Interview de Karim Asnoun, secrétaire de la CGT-Taxis
Eaux contaminées, nappes pillées : l’Etat au secours de Nestlé
Pourquoi tant de haine (bourgeoise) contre la FI ?
Gaza : des bombes, la famine… et l’hypocrisie des impérialistes
Ukraine : les occidentaux n’ont plus de cartes en main
L’Estonie prive la minorité russe du droit de vote. Non à la division nationale !
Le capitalisme et l’oppression des LGBT
Le rap et la cause palestinienne
Le protectionnisme et la crise du capitalisme mondial
Le rôle du journal politique