« Pendant trois heures et demie,

Ce bavard, natif de Tournai,

M’a dégoisé toute sa vie ;

J’en ai le cerveau consterné ».

Charles Baudelaire – Les Fleurs du Mal.

 

La longue, l’interminable prestation télévisée du chef de l’Etat sur TF1, hier soir, était une pathétique expression de la crise de régime du capitalisme français.

Emmanuel Macron est irréversiblement impopulaire : 26 % d’opinions favorables, selon un récent sondage. François Bayrou végète à 23 % d’opinions favorables, et pourrait tomber encore plus bas. Privé de majorité solide à l’Assemblée nationale, le gouvernement est suspendu au bon vouloir des dirigeants du PS et du RN, c’est-à-dire aux soubresauts de leurs misérables petits calculs.

Dans ce contexte, Macron a déclaré, hier, que « ce n’est pas le président de la République (…) qui règle tous les sujets ». Mais le même a abordé, trois heures durant, « tous les sujets » – depuis la guerre en Ukraine jusqu’au port du voile dans les compétitions sportives, en passant par les pouvoirs de la police municipale, la santé mentale de la jeunesse, le système des retraites, le commerce mondial, la fin de vie, ArcelorMittal, la saturation des prisons françaises, Notre-Dame-de-Bétharram, la taxation des héritages, le mariage des étrangers en « situation irrégulière », etc., etc., etc. Il ne manquait plus que son pronostic sur la finale de la Ligue des champions.

Macron « veut » ceci, « pense » cela, dit « oui », dit « non », dit « peut-être », ment comme un arracheur de dents, distribue les bons et les mauvais points, se réserve la plupart des bons, nous informe des idées plus ou moins vagues (mais toujours réactionnaires ou, au mieux, hypocrites) qui circulent entre ses deux oreilles – bref, a saoulé la plupart des téléspectateurs qui ont fait l’effort d’essayer de suivre cette émission. Beaucoup ont sans doute lâché prise en cours de route. C’est humain.

Ces derniers jours, les éditorialistes spéculaient sur de possibles annonces de Macron concernant un possible référendum. Bilan des courses : fort de ses 26 % d’opinions favorables, Macron-Jupiter nous a informé qu’il nous informera de ce qu’il mijote et sur quels thèmes il pourrait « saisir nos compatriotes » par voie référendaire. Peut-être la fin de vie, mais peut-être pas. Peut-être l’usage des écrans par les enfants. Et ainsi de suite. Une chose est sûre : il n’y aura pas de référendum sur la réforme des retraites, car la défaite de Macron serait alors garantie. Pour le reste, chacun est prié d’attendre la décision du chef de l’Etat, son fiat lux. Ainsi va la démocratie bourgeoise française en temps de profonde crise de régime.

Nous pensons que Sophie Binet (CGT) n’aurait pas dû participer à cette mascarade télévisuelle. Comme il fallait s’y attendre, les revendications de la Secrétaire Générale de la CGT ont été balayées d’un revers de main présidentiel. Après ce stérile face-à-face de 15 minutes avec Macron, Sophie Binet doit se tourner vers la classe ouvrière et lui proposer un plan d’action, un plan de mobilisation massive pour en finir avec ce « gouvernement des riches » et le remplacer par un gouvernement des travailleurs.

De manière générale, après le florilège réactionnaire d’hier soir, il est grand temps que l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier mettent à l’ordre du jour une campagne d’agitation massive pour préparer un puissant mouvement de grèves reconductibles, sur la base d’un programme de rupture avec toutes les politiques d’austérité.

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