Des grèves ont éclaté dans plusieurs entrepôts d’Amazon, en France, pour exiger la fermeture du site et le payement intégral des salaires. Gregory Lavainne, militant et délégué UNSA sur le site ORY1 à Saran (près d’Orléans), nous explique la situation sur place.


Révolution : Comment la mobilisation a-t-elle commencé ?

Gregory Lavainne : Après la première intervention télévisée de Macron, le jeudi 12 mars, on a demandé à la direction du site ce qu’elle comptait faire pour garantir la sécurité des salariés. Elle nous a simplement répondu qu’elle allait appliquer les préconisations du gouvernement.

Concrètement, la direction a demandé aux salariés de respecter le mètre de distance. Mais dans les faits, c’est impossible à tenir sur la durée : on se croise tout le temps, dans notre travail, et très souvent à moins d’un mètre.

Ils ont aussi réorganisé les pauses, de façon à ce qu’on ne soit que 100 à prendre notre pause en même temps, au lieu de 200. Ils nous ont demandé de n’occuper qu’une chaise sur deux en salle de pause. Bref, c’est du bricolage.

Qu’avez-vous répondu et demandé ?

On a dit que cela n’allait pas assez loin. On a demandé qu’il y ait du gel hydroalcoolique à la disposition de tous les salariés. Ils en avaient mis, mais très vite il n’y en avait plus. Alors ils nous ont mis une sorte de « mousse anti-bactérienne », en nous expliquant que ça ferait l’affaire. On exigeait du gel, mais ils nous disaient ne pas en trouver. Or c’est leur problème, pas le nôtre, de trouver du gel ! Ils en ont retrouvé depuis, mais on redoute que ça ne dure pas et qu’ils nous refilent encore leur mousse.

On a aussi demandé qu’il y ait une prise de température de tous les salariés à l’entrée du site, au niveau des portiques. On sait bien que ça ne suffit pas, puisqu’il qu’on peut être contagieux sans avoir de fièvre. Mais au moins ceux qui ont de la fièvre ne rentreront pas dans le site.

Au lieu de ça, dès qu’un salarié est malade, la direction le renvoie simplement chez lui en décrétant que c’est un « état grippal ».

Enfin, on a demandé des gants et des masques FFP2 pour tous les salariés qui voudraient en porter.

On a demandé tout ça formellement, par mail. Mais on n’a eu aucune réponse. Silence total.

Par contre, on a appris que la direction et le service RH sont désormais en télétravail, pour la plupart. C’est toujours aux mêmes, au petit peuple, de prendre tous les risques.

Quand avez-vous demandé la fermeture du site ?

Après le deuxième discours de Macron, lundi soir. On a formé une intersyndicale et on a appelé les salariés à se mettre en grève, mercredi, pour exiger la fermeture du site et le payement intégral des salaires.

La grève a été bien suivie : 130 grévistes le matin, 150 l’après-midi. On a vu que la plupart des salariés étaient soulagés !

Du coup, la directrice nous a dit que la fermeture du site était impossible, qu’elle ne pouvait pas la décider, que ça se décide au niveau de la direction française d’Amazon, voire au siège de Seattle, aux Etats-Unis. Même en Espagne et en Italie, où il y a eu des cas d’infection avérés sur certains sites, ils ne les ont pas fermés. Et on nous livre toujours, en France, des palettes qui viennent d’Espagne ou d’Italie.

Comme on l’a écrit sur des affiches collées au mur du site, mercredi : « Quand Seattle compte ses dollars, l’Europe enterre ses morts ».

Habituellement, sur le site, l’encadrement ne cesse de nous répéter : « Safety first ! » (la sécurité d’abord !). Mais là on voit bien que c’est bidon ; en réalité, c’est « profits first ! »

La direction d’Amazon a d’ailleurs fait savoir qu’elle contesterait tout « droit de retrait » : il y aurait des pertes de salaire.

Et maintenant ?

On continue de demander la fermeture du site, avec payement intégral des salaires. Et dans l’immédiat, on saisit l’inspection du travail. On a déposé un DGI (Danger grave imminent). Une enquête a été ouverte. Et on exige la mise en œuvre des mesures que j’ai énumérées : masques FFP2, gel, gants, prise de température, et d’autres mesures : des bouteilles d’eau au lieu des fontaines à eau ; la réduction par deux des effectifs de chaque « shift » (équipe), avec des mesures de chômage partiel ; une désinfection systématique des endroits les plus sensibles. Ceci étant dit, la seule mesure vraiment efficace, ce serait la fermeture du site. Et on se battra pour l’obtenir.