Cette semaine marque les trente ans du génocide de Srebrenica, pendant la guerre qui s’est déroulée en Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1995, alors que la Yougoslavie était démantelée et que le capitalisme était restauré dans toute la région. Considéré comme le pire crime contre l’humanité commis sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale, ce massacre a été perpétré sous le regard passif de l’impérialisme occidental et de l’ONU. Alors qu’un autre génocide est aujourd’hui perpétré à Gaza, il est utile de revenir sur les événements de Srebrenica, qui sont riches de leçons sur ce qu’il faut - et surtout ce qu’il ne faut pas – faire pour mettre fin aux guerres et aux génocides impérialistes.

La destruction de la Yougoslavie par l’impérialisme

Avant son indépendance en 1992, la Bosnie-Herzégovine était une des composantes de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, un Etat ouvrier déformé né en 1945 et essentiellement semblable aux régimes qui existaient dans les Etats staliniens du bloc soviétique. Confrontée à une crise économique croissante dans les années 1980 (en 1990 l’inflation atteignait 2665 % et le taux de chômage était de 25 %), la Yougoslavie a été contrainte par le Fonds monétaire international (FMI) de mettre en œuvre des mesures d’austérité drastique.

Au début des années 1990, les impérialistes occidentaux se sont tournés vers la Yougoslavie, pour tenter de profiter de l’effondrement de l’URSS et placer les Balkans sous leur influence.

Parallèlement, le nationalisme était aussi attisé dans toutes les républiques de la Yougoslavie par les différentes bureaucraties locales, qui l’utilisaient pour affermir leur propre pouvoir alors que le pays sombrait dans une crise profonde. Les différentes puissances impérialistes ont alors soutenu les mouvements nationalistes qui apparaissaient dans chaque république. Leurs dirigeants cherchaient à s’émanciper du gouvernement yougoslave pour que le rétablissement du capitalisme se fasse à leur profit et à celui de leurs protecteurs impérialistes.

En 1991, la Slovénie, puis la Croatie proclament leur indépendance, rapidement reconnues par l’Allemagne et le Vatican, sans condition. Si l’indépendance de la Slovénie se passe presque sans combats, en Croatie débute une longue et sanglante guerre entre le gouvernement nationaliste croate de Franjo Tudjman et la minorité serbe, lourdement soutenue par le gouvernement yougoslave dirigé par le nationaliste serbe Slobodan Milosevic.

L’année suivante, la Bosnie proclame son indépendance et plonge à son tour dans une guerre sanglante entre ses trois principaux groupes « ethniques » : les Croates, les Serbes et les Bosniaques[1]. Ces trois groupes vivent ensemble sur ce territoire depuis des siècles, partageant langue, culture et histoire. Leur division repose surtout sur un critère religieux, même si beaucoup de Bosniens ne sont pas pratiquants : les Croates sont catholiques), les Serbes orthodoxes et les Bosniaques musulmans.

Les puissances impérialistes sont alors intervenues à travers une force d’« interposition » et de « maintien de la paix », les « Casques bleus » de la FORPRONU placée sous l’égide des Nations unies. Cette force de 38 000 hommes avait officiellement pour tâche de « créer les conditions de paix et de sécurité nécessaires pour parvenir à une solution globale de la crise yougoslave ».

Massacres de masse

C’est dans le cadre de cette sanglante guerre qu’eut lieu le massacre de Srebrenica, du 11 au 16 juillet 1995. La guerre avait alors déjà fait plus de 200 000 morts civils, 2,7 millions de réfugiés (sur une population de 5 millions) avaient été chassées de chez eux et la capitale, Sarajevo, avait été soumise à un siège long et meurtrier.

Située à l’est de la Bosnie, la ville de Srebrenica était une enclave bosniaque encerclée par les forces serbes depuis avril 1992. Avant la guerre, la ville comptait 9000 habitants, mais plusieurs dizaines de milliers de personnes y avaient trouvé refuge pour fuir les massacres et en 1995 l’enclave comptait près de 60 000 habitants.

Srebrenica était officiellement placée sous la « protection » des Nations Unies depuis 1993. Elle avait alors été désignée comme « zone de sécurité » qui devait être protégée par la FORPRONU contre toute attaque. Une base de l’ONU était stationnée dans le village de Potocari à 5 kilomètres de Srebrenica. 450 Casques bleus y étaient stationnés.

Malgré cette « protection », les forces serbes dirigées par le général Ratko Mladić partent à l’assaut de la ville le 7 juillet 1995. Le 11 juillet, elles pénètrent dans Srebrenica, désormais désertée par ses habitants. Près de 30 000 personnes ont notamment fui vers la base de Potocari où elles espèrent bénéficier d’une la protection de la FORPRONU. Mais quand les forces serbes arrivent sur place, les Casques bleus participent au contraire activement au tri des fuyards : 23 000 femmes, enfants et personnes âgées sont déportés hors de l’enclave, tandis que 8000 hommes et garçons (de 12 à 77 ans) sont remis aux forces serbes – après avoir parfois été désarmés par les Casques bleus eux-mêmes – et sont ensuite massacrés et enterrés dans des fosses communes. Des exécutions sommaires et des viols se sont déroulés directement sous les yeux des Casques bleus de Potocari, sans que ceux-ci n’interviennent.

Une paix fondée sur l’« épuration ethnique »

Cette passivité de la FORPRONU est le reflet des intérêts des grandes puissances impérialistes, qui voulaient démanteler la Yougoslavie et diviser la Bosnie. En septembre 1991, avant le début de la guerre, la Communauté économique européenne (CEE) proposa à Lisbonne le Plan de Cutileiro, qui fixait comme critère pour reconnaître l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine l’existence de « majorités ethniques » au sein de ses différentes régions. Cette logique fut ensuite reprise dans les différents projets de plans de paix chapeautés par les impérialistes, comme les « accords Vance-Owen » en 1993 puis les « accords de Dayton » qui mirent fin à la guerre en 1995.

Cette idée se heurtait pourtant à la réalité du terrain. D’après le recensement de 1991, les Serbes étaient présents sur 94.5 % du territoire de Bosnie, les Bosniaques sur 94 %, et les Croates sur 70 %. Il était donc impossible d’arriver à obtenir des « majorités ethniques » sans des déplacements massifs de population. En insistant sur ce critère, les impérialistes encourageaient donc le « nettoyage ethnique » menée par les différents groupes nationalistes.

Au-delà des plans de paix officiels mis en avant par la propagande impérialiste, les puissances impérialistes apportaient aussi un appui direct aux différentes factions en lutte. A partir de 1993, Washington fournit par exemple des armes et des conseillers militaires aux forces croates – déjà soutenues par l’Allemagne. Cet appui sera déterminant dans le succès des grandes offensives menées par les Croates contre les Serbes de Croatie en 1995, qui s’achèveront par la déportation de dizaines de milliers de civils serbes.

Pour les impérialistes, c’était une nouvelle façon d’appliquer le vieil adage Diviser pour mieux régner, en encourageant les nationalismes rivaux pour créer des antagonismes entre les peuples afin qu’ils ne puissent pas résister aux impérialistes et à la restauration du capitalisme.

L’impasse du « Droit international »

Aujourd’hui, la gauche réformiste lance en permanence des appels au « Droit international » et aux institutions internationales telles que l’ONU pour mettre un terme au génocide à Gaza. C’est une impasse, dont le résultat ne peut être que tragique comme le montre l’exemple de Srebrenica. En juillet 1995, les forces de l’ONU et les dirigeants impérialistes étaient parfaitement au courant de ce qui se préparait à Srebrenica. En Bosnie – comme à Gaza aujourd’hui – les avions de reconnaissance des puissances impérialistes survolaient la région tous les jours avant et pendant le massacre, prenant des images aériennes de tout ce qui se passait. Pourtant, rien n’a été fait pour protéger sérieusement les civils ou empêcher les massacres, tout comme rien n’est fait aujourd’hui pour arrêter le massacre du peuple palestinien par l’armée israélienne.

Ce n’est pas surprenant. L’ONU n’a pas pour but de défendre la paix ou les droits de l’homme. Ce n’est qu’un forum dans lequel les grandes puissances impérialistes négocient pour défendre leurs intérêts. La même chose s’applique au soi-disant « Droit international ». Au cours des trente dernières années depuis la fin de la guerre en Bosnie, les poursuites judiciaires ont été extrêmement lentes et sélectives dans la poursuite des criminels de guerre qui ont commis des crimes contre les Bosniaques, les Croates, et les Serbes. Pendant ses 24 années d’existence, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), établi par le Conseil de Sécurité de l’ONU en 1993, n’a jugé que 161 personnes. Nombre d’entre eux n’ont été capturés et jugés que des années voire des décennies après les faits et des milliers de criminels de guerre continuent de vivre tranquillement en liberté.

Seule la classe ouvrière peut arrêter les guerres

En Yougoslavie hier comme en Ukraine et à Gaza aujourd’hui, le capitalisme produit d’innombrables guerres pour défendre les intérêts de la classe dirigeante. On ne peut pas compter sur les institutions de la bourgeoisie et des impérialistes, qu’il s’agisse des Nations unies ou des tribunaux internationaux, pour arrêter ces guerres et encore moins pour juger impartialement les criminels de guerre et les génocidaires.

Comme nous l’écrivions dans un article récent, le seul moyen d’arrêter toutes les guerres est de « renverser la classe dirigeante, exproprier les principaux leviers de l’économie et les placer entre les mains de la classe ouvrière. Cela permettra de réorienter l’industrie militaire vers des productions socialement utiles, mais aussi de garantir à tous l’accès à un logement décent, à une éducation et une santé publiques de qualité, etc. C’est seulement sur cette base qu’il sera possible de satisfaire les besoins et de garantir les droits démocratiques de tous les peuples opprimés par l’impérialisme. »

Tout cela nécessite bien plus que de l’indignation : il faut une organisation, une stratégie et un programme révolutionnaire basé sur les idées et les méthodes du marxisme. C’est ce que construit l’Internationale Communiste Révolutionnaire, dont le Parti Communiste Révolutionnaire est la section française. Rejoignez-nous dans cette lutte !


[1] A ne pas confondre avec les Bosniens, qui sont tous les habitants de la Bosnie – qu’ils soient Serbes, Croates ou Bosniaques, mais aussi Roms ou encore Albanais.



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