L e géant de l’agroalimentaire Nestlé a bénéficié pendant des années de la complicité des services de l’Etat et de plusieurs ministres pour étouffer un scandale de fraude sur la qualité de ses eaux minérales (Perrier, Vittel, Hépar et Contrex).

Pratiques illégales

En 2021, une note confidentielle de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) alertait déjà sur les méthodes frauduleuses utilisées par Nestlé, mais l’affaire n’a été révélée au public qu’en 2024, après que des salariés de l’entreprise aient contacté les médias.

Cette affaire est la conséquence directe de la surexploitation des nappes phréatiques. Celle-ci fait baisser le niveau de l’eau, ce qui permet aux polluants de surface (pesticides, nitrates, bactéries et hydrocarbures) de pénétrer plus facilement dans la nappe. De plus, un pompage trop rapide réduit le temps passé par l’eau dans le sous-sol, qui est pourtant crucial pour permettre aux minéraux de filtrer naturellement les contaminants.

Pour se débarrasser de ces éléments nocifs, Nestlé a donc eu recours à des filtres au charbon actif et à des ultraviolets. Or la réglementation impose aux eaux minérales une pureté « à la source ». Par ailleurs, la pollution était telle que les méthodes de Nestlé n’ont pas empêché l’Anses de détecter quand même des bactéries pathogènes, des résidus de pesticides et d’autres substances issues des activités agricoles et industrielles locales.

Depuis la révélation du scandale, Nestlé prétend avoir arrêté la filtration illégale, et assuré la sécurité de ses eaux uniquement par des moyens légaux. Mais l’association Foodwatch a déposé depuis de nouvelles plaintes contre Nestlé, qui continuerait à utiliser des techniques illégales. Par-dessus le marché, de nouvelles contaminations ont récemment été détectées et ont provoqué la destruction de millions de bouteilles de Perrier.

L’Etat au service des multinationales

Une commission d’enquête parlementaire a publié son rapport le mois dernier. Celui-ci souligne la responsabilité de l’Etat. Il indique notamment que le gouvernement – par l’intermédiaire du ministre de l’Industrie de l’époque, puis de deux ministres de la Santé et de l’actuelle ministre de l’Ecologie, Agnès Pannier-Runacher – était au courant des pratiques frauduleuses de l’entreprise dès 2021. Loin de les sanctionner, le gouvernement leur a au contraire accordé son blanc-seing, en violation de la réglementation européenne sur les eaux minérales naturelles.

Cette complicité n’est qu’un exemple des liens qui unissent les grandes entreprises et l’appareil d’Etat. Dans les gouvernements bourgeois, le « pantouflage » – c’est-à-dire les allers-retours entre les fonctions gouvernementales et les cercles dirigeants des grandes entreprises – est monnaie courante : l’ancien Premier ministre Edouard Philippe était auparavant lobbyiste pour Areva ; l’ancienne secrétaire d’Etat Brune Poirson pour Véolia. Depuis son départ du gouvernement, elle est directrice chez Accor, où elle a notamment rejoint Nicolas Sarkozy ; Emmanuel Macron lui-même est un ancien banquier d’affaires de la firme Rothschild, tandis que l’actuelle ministre de l’Environnement, mise en cause dans l’affaire Nestlé, était auparavant directrice chez British Petroleum !

Après que le scandale Nestlé ait éclaté, les plaintes déposées par les associations de consommateurs pour tromperie ont débouché sur un procès et sur une amende… de 2 millions d’euros. Ce n’est presque rien pour une multinationale dont le chiffre d’affaires est de l’ordre de 100 milliards d’euros par an. D’autant plus que cette amende sanctionnait également un autre scandale : le prélèvement illégal des eaux du département des Vosges. Près de 19 milliards de litres d’eau y auraient été ainsi pompés frauduleusement par Nestlé, provoquant même des ruptures d’approvisionnement dans les villages alentour. L’ampleur de cette fraude a été estimée à 3 milliards d’euros – soit 1500 fois le montant de l’amende !

Après plusieurs années à fermer les yeux, l’Anses a demandé à Nestlé d’arrêter ses filtrations illégales en 2023, peu avant que le scandale n’éclate. Mais cela voulait dire que l’entreprise devait réduire le nombre de sources qu’elle exploitait et donc aussi ses profits. Il était hors de question pour ses dirigeants que les actionnaires paient les pots cassés. Ils ont donc présenté la note aux salariés, sous la forme d’un plan de licenciement qui prévoyait la suppression de 171 postes sur les sites de Vittel et Contrexéville.

Après plusieurs mois de négociations et une grève de plusieurs semaines, un accord a fini par être signé en novembre 2023. Au final, c’est près d’une centaine de salariés qui ont dû accepter des départs « volontaires », notamment en préretraite, tandis que d’autres étaient contraints à des « reclassements internes ». C’est au final la classe ouvrière qui a dû payer pour la corruption et les fraudes de ses exploiteurs.

En 1848, dans le Manifeste du Parti communiste, Karl Marx et Friedrich Engels écrivaient : « le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. » En l’occurrence, c’est aux affaires d’une seule entreprise que se sont consacrés plusieurs ministres. Quel dévouement !

Cet article est gratuit… mais il a un coût. En vous abonnant, vous nous donnez les moyens financiers de faire vivre un journal qui défend les intérêts des travailleurs et porte un programme révolutionnaire. C’est la raison d’être de Révolution.
Soutenez-nous : abonnez-vous à Révolution !

Tu es communiste ? Rejoins-nous !

Un membre du PCR s'implique directement dans le travail du parti. Cela signifie recruter d'autres communistes et les organiser dans des cellules communistes, tout en étudiant la théorie marxiste et en diffusant les idées communistes dans le mouvement. Le parti fournira des ressources politiques, des conseils et des outils pour t'aider dans cette activité.

Un soutien du PCR contribue à la construction du parti en payant une cotisation mensuelle, et n'est pas obligé de participer activement au travail quotidien du parti. Tu recevras un abonnement PDF au journal mensuel du parti, Révolution.

Nous sommes entièrement autofinancés. L'argent récolté nous permet de financer nos locaux, de développer notre maison d'édition et notre journal, d'imprimer des affiches et des tracts. En mettant en place une cotisation mensuelle, tu nous aideras à construire un authentique Parti Communiste Révolutionnaire !