Le 10 mai dernier, la section grenobloise du PCR est intervenue lors d’un rassemblement organisé par la CGT sans-papiers de l’Isère. Ce rassemblement faisait suite à la rupture par la préfecture de l’Isère d’accords en vigueur depuis seize ans, qui garantissaient au syndicat un interlocuteur dédié au sein de la préfecture, ainsi que la possibilité de déposer des dossiers collectifs de régularisation. Désormais, comme l’indique la CGT sans-papiers dans son communiqué : « les demandes se feront individuellement au guichet, en application de la circulaire Retailleau avec toutes ses restrictions. »
La circulaire Retailleau
Ce texte, datant du 2 mai dernier, indique aux préfectures la marche à suivre en matière de naturalisation des étrangers et de régularisation des sans-papiers. Il précise que « l’acquisition de la nationalité française doit demeurer l’aboutissement d’un parcours d’intégration puis d’assimilation réussi et exigeant ». Concrètement, le niveau exigé de maîtrise du français devient plus élevé, le demandeur doit justifier d’une « insertion professionnelle avérée et durable » – c’est-à-dire un CDI de plus d’un an, ou plusieurs CDD couvrant au moins deux ans – ainsi que de « ressources stables et suffisantes », c’est-à-dire le SMIC, au minimum.
Les conditions de régularisation pour les travailleurs sans-papiers sont aussi considérablement durcies. La circulaire impose le strict respect des critères introduits par la loi immigration de janvier 2024 : au moins trois ans de présence sur le territoire et – si l’on souhaite accéder plus rapidement au titre de séjour – douze mois d’activité dans un secteur dit « en tension » (dont la liste est fixée par décret) et un poste actuel dans ce secteur. A cela s’ajoute l’exclusion automatique de la procédure de régularisation en cas d’Obligation à quitter le territoire français (OQTF) non exécutée. Or un licenciement abusif ou la fin d’un CDD peut entraîner une OQTF – et donc rendre toute régularisation impossible.
Comme l’explique Emmanuel, un militant de la CGT sans-papiers que nous avons interviewé lors du rassemblement : « La circulaire Retailleau aggrave la situation des personnes migrantes. Il faut se faire régulariser par le travail, sauf que sans titre de séjour, on ne peut pas travailler. C’est le serpent qui se mord la queue. »
Il poursuit en dénonçant les chantages de la préfecture à l’encontre des sans-papiers qui se mobilisent pour leurs droits : « À partir du moment où j’ai commencé à dénoncer ma situation, j’ai compris que je n’étais plus traité comme avant, quand je gardais le silence. Mon titre de séjour était prêt, mais on m’a redemandé un document déjà fourni, juste pour retarder la délivrance et chercher un prétexte pour me le refuser. »
Cette situation d’irrégularité, provoquée par l’Etat français, ne se limite pas aux travailleurs : elle touche aussi les étudiants étrangers. En 2024, à Grenoble, 500 étudiants étrangers ne disposaient pas d’un titre de séjour valide, faute de traitement de leur dossier. Cette situation les empêche de poursuivre sereinement leurs études et les place dans l’impossibilité de travailler légalement. Comme le décrit Emmanuel : « des étudiants venus légalement en France attendent leur régularisation depuis un an, sans explication. C’est l’administration qui les rend illégaux. »
Travailleurs français et immigrés : même combat
En favorisant la régularisation des travailleurs déjà en poste dans les secteurs dits « en tension », cette circulaire révèle une réalité économique : le patronat français a besoin d’exploiter la main-d’œuvre immigrée, corvéable à merci. Mais en parallèle, l’augmentation du nombre d’OQTF entre en contradiction avec les intérêts économiques directs et immédiats du patronat.
Comme la loi immigration de 2024, dite « loi Darmanin-Le Pen », la circulaire Retailleau est avant tout une manœuvre politique : le racisme et la xénophobie, comme l’islamophobie, sont utilisés par la classe dirigeante, le gouvernement et les médias pour diviser la classe ouvrière et détourner l’attention des vrais responsables de la misère, du chômage et de la régression sociale.
Le mouvement ouvrier doit réagir avec fermeté. Il faut dénoncer cette propagande réactionnaire et y opposer l’unité inconditionnelle de notre classe, indépendamment des origines, des religions et des nationalités. Les syndicats doivent mener une vaste campagne de syndicalisation des travailleurs sans-papiers et lutter pour la régularisation de tous les sans-papiers présents sur le territoire. Ils doivent s’opposer à la répression syndicale des sans-papiers – en Isère et ailleurs – et exiger la possibilité de présenter des dossiers collectifs de régularisation dans les préfectures.
Enfin, si la classe dirigeante parvient à dresser une partie des travailleurs français contre les immigrés, c’est parce qu’il existe une réelle pénurie d’emplois stables, de logements dignes et de salaires décents. Cette pénurie est le produit direct du capitalisme : ce sont les patrons qui licencient, spéculent sur les logements vides et exercent une pression à la baisse sur les salaires. Les directions politiques et syndicales du mouvement ouvrier doivent unir travailleurs français et immigrés dans un puissant mouvement de lutte contre le gouvernement et l’ensemble du système capitaliste.