En avril dernier, le gouvernent a annoncé la création de 2000 places supplémentaires dans les Instituts de Formations en Soins Infirmiers (IFSI), à la rentrée 2023. A première vue, cette annonce est bienvenue, car le nombre d’infirmières est passé de 720 000 en 2019 à 630 000 en 2022. Mais outre que 2000 places est un chiffre très insuffisant, au regard du problème, dans quelles conditions ces étudiants seront-ils formés ? Et combien finiront leur formation ?

Le fait est que beaucoup d’étudiants infirmiers jettent l’éponge en cours de route. Entre 2011 et 2021, le nombre d’étudiants a augmenté, mais le nombre de diplômés a diminué. Quelles en sont les causes fondamentales ?

Les conditions d’études

Le gouvernement n’a pas annoncé de moyens supplémentaires pour les instituts de formation. Pourtant, le manque de moyens est criant. Par exemple, la tendance est au remplacement des cours théoriques en présentiel par des fichiers PDF ou des cours audios pré-enregistrés. Cette méthode coûte moins cher (c’est son principal « intérêt »), mais elle isole les étudiants et a un impact négatif sur leur apprentissage des fondamentaux en anatomie, en pathologie et en pharmacologie (entre autres).

Un autre facteur important, c’est la précarité qui frappe un nombre croissant d’étudiants. Dans une enquête publiée en 2022, la Fédération Nationale des Etudiants en Sciences Infirmières (FNESI) estimait que 12 % des abandons étaient liés à des difficultés financières. 58 % des étudiants infirmiers doivent travailler à côté de leurs études et de leurs stages. La situation peut être très difficile, en particulier, pour les travailleurs en reconversion professionnelle. Ces étudiants – souvent d’anciens aides-soignants – doivent parfois payer eux-mêmes la formation (21 000 euros par an), alors qu’ils ne touchent plus le salaire d’un temps plein.

Enfin, les conditions de stage seraient responsables de 32 % des abandons. Ici, les problèmes sont nombreux. La crise du système de santé induit une diminution des places disponibles en stage. Bien souvent, les instituts de formations sont contraints d’envoyer les étudiants dans des services où les conditions d’accueil sont mauvaises, ou encore dans des établissements très éloignés de leur domicile.

Une fois sur place, le stagiaire fait souvent face à des services en sous-effectifs, de sorte que le « tutorat » est bricolé sur le tas. Ajoutons que les stages – qui occupent la moitié du temps de formation – sont payés entre 1 et 2 euros de l’heure. C’est d’autant plus scandaleux qu’en fin de parcours l’étudiant réalise souvent le travail à plein temps d’un infirmier ou d’un aide-soignant. Les cliniques privées en profitent : elles bénéficient ainsi d’une main d’œuvre régulière et gratuite.

Maltraitance

Les stagiaires sont également exposés à des violences. Lors de la pandémie, des articles ont rapporté des témoignages de maltraitance et souligné l’ampleur du problème. Tout y passe : violences sexistes, harcèlement par des « tuteurs », bizutages impliquant des corps défunts. On estime qu’un étudiant sur trois y a été confronté.

Cette maltraitance n’est pas le fait d’une méchanceté sortie de nulle part. Elle plonge ses racines dans la maltraitance que subissent les soignants eux-mêmes. Les violences diverses sont d’autant plus courantes que les équipes sont soumises à un épuisement et des tensions extrêmes.

Au lieu de s’attaquer à tous ces problèmes, l’Etat cherche à fidéliser des étudiants à moindres frais. Ainsi, des hôpitaux proposent désormais des « Contrats d’Allocation d’Etudes » : moyennant une allocation de 500 à 900 euros par mois, l’étudiant de troisième année s’engage à travailler au moins 18 mois dans l’établissement, une fois son diplôme acquis. Certains établissements proposent des primes. Par exemple, ceux qui s’engagent pour 18 mois dans un service des Hôpitaux de Paris peuvent toucher une prime de 7500 à 10 000 euros. Plus le service est en tension, meilleure est la prime. C’est un pansement sur une plaie ouverte.

Contre l’austérité !

La gauche et le mouvement syndical doivent lutter pour des investissements massifs dans les IFSI, de façon à augmenter les moyens humains et matériels à la disposition des étudiants. Par ailleurs, les bourses doivent être revalorisées et leurs critères d’attribution élargis à un bien plus grand nombre d’étudiants.

Le payement des stages doit être revalorisé, lui aussi, et des investissements doivent permettre aux services d’accueillir les stagiaires dans de bonnes conditions, notamment en créant des postes de référents pédagogiques et en valorisant financièrement la fonction de tuteur de stage.

Il est évident que les problèmes de formation des infirmières ne peuvent pas être séparés de la crise générale du système de santé. Il faut s’attaquer frontalement aux politiques d’austérité qui minent ce secteur depuis des décennies. Les quelques mesures élémentaires, ci-dessus, doivent donc s’inscrire dans un programme plus général d’investissements massifs dans la santé publique en général. Or un tel programme ne sera jamais mis en œuvre par un gouvernement au service de la bourgeoisie, laquelle profite de la destruction du système de santé. La lutte des travailleurs de la santé est donc indissociable de la lutte pour renverser le gouvernement Macron – et en finir avec toutes les politiques d’austérité.

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