Plus que jamais, l’aggravation de la crise économique pose la question de l’alternative au capitalisme. Mais en l’absence d’un programme sérieux de la part des partis de gauche et des confédérations syndicales, de nombreux travailleurs – y compris des militants communistes, socialistes et syndicaux – peuvent pencher en faveur de mesures protectionnistes, dans l’espoir d’atténuer les conséquences de la récession. Cependant, loin d’être un moyen de lutter contre le chômage et l’effondrement industriel, le protectionnisme aggraverait à l’extrême ces phénomènes.

Jean-Luc Mélenchon a intégré la mise en place de mesures protectionnistes dans le programme qu’il défend, dans les médias et lors des meetings du « Front de Gauche ». Il exige la création d’un « bouclier douanier sélectif », pour bloquer les importations de certains biens et services. Les partisans du protectionnisme prétendent que la protection des marchés et des profits des capitalistes rendraient ces derniers moins enclins à supprimer des emplois ou à délocaliser. Ceci est manifestement faux. Ce n’est pas parce qu’on protège les profits d’un capitaliste qu’il ne cherchera pas à les augmenter encore au détriment de l’emploi et des conditions de travail. Même « protégé », un marché est bien plus rentable avec des emplois précaires et mal payés. Or la rapacité des capitalistes est sans limites.
Mais ce n’est pas le seul problème que pose le protectionnisme. « Sélectives » ou pas, des mesures prises contre un pays étranger appelleraient immédiatement des mesures de rétorsion. Par exemple, la Chine est l’un des pays qui conquiert beaucoup de parts de marché, en France, et ce malgré les mesures protectionnistes au niveau européen. Un renforcement de ces mesures protectionnistes inciterait la Chine à faire de même. Dans une guerre commerciale de ce type, l’industrie française se verrait privée de marchés, en Chine, et perdrait bien plus qu’elle ne gagnerait. En plus de cette considération, il y a le rôle de la Chine dans le financement de l’Etat français. Le déficit abyssal des finances publiques françaises est largement comblé par des emprunts levés en Chine. Pour faire annuler toute mesure qui gênerait sérieusement les exportations de la Chine, il suffirait que celle-ci ferme le robinet financier qui alimente les caisses de l’Etat et des banques françaises. En quelques jours, l’affaire serait réglée.

De manière générale, la mise en place de barrières douanières aurait pour effet de restreindre le volume des échanges commerciaux à l’échelle internationale. Loin d’atténuer la récession économique, elle l’aggraverait encore plus – au détriment des salariés. Telle était la situation lors de la grande dépression des années 1930. L’érection de barrières protectionnistes à travers le monde a considérablement aggravé la crise, à l’époque. Les marchandises qui ne pouvaient plus être exportées ne trouvaient pas preneur, non plus, sur les marchés intérieurs, augmentant le nombre de faillites et de chômeurs dans chaque pays. Le protectionnisme ne règle pas la cause fondamentale de la crise, à savoir la surproduction capitaliste par rapport à la demande.

Par ailleurs, le protectionnisme favorise des réflexes nationalistes et patriotiques. Il se ramène à l’idée de sauvegarder des emplois « français » en imposant le chômage aux travailleurs des pays visés par les mesures protectionnistes. Bloquer les importations en provenance d’Inde ou du Maroc se traduirait par la suppression d’emplois dans les pays concernés. Cette démarche est en complète contradiction avec les idées communistes et internationalistes que nous défendons. Elle détourne le regard des travailleurs vers la « concurrence étrangère », plutôt que de le fixer sur le rôle pernicieux des capitalistes français. Comme le disait le révolutionnaire allemand Karl Liebknecht, en 1914 : « l’ennemi principal est chez nous ! »

Typiquement, des réformistes comme Mélenchon sont prêts à flirter avec n’importe quelle « solution » qui leur évite de poser la question centrale, à savoir celle de la propriété des entreprises. Notre but n’est pas de protéger les profits des capitalistes, de leur permettre de vendre plus cher, à l’abri de la concurrence étrangère, dans l’espoir – totalement vain, en l’occurrence – qu’ils feraient preuve, dans ces conditions, de plus de bienveillance à l’égard des travailleurs. Notre but est de convaincre les travailleurs de France, comme des autres pays, que sous la « libre concurrence » comme sous le protectionnisme, il n’y a pas d’issue possible à cette crise qui leur soit favorable. On ne peut pas, sur la base du capitalisme, résoudre les problèmes engendrés par le capitalisme. Il faut fixer l’attention des travailleurs sur la nécessité d’y mettre fin, en France comme à l’échelle internationale.