Les BRICS

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le principal moteur de l’économie mondiale a été la croissance du commerce international. Cependant, la CNUCED, agence de l’ONU, prévoit maintenant que le commerce mondial est susceptible de stagner pendant de nombreuses années, ce qui aura de profonds effets sur les économies émergentes, qui sont grandement dépendantes des exportations. Les espoirs exagérés selon lesquels l’Asie pouvait agir comme force motrice de l’économie mondiale ont été déçus. La croissance de la Chine ralentit, et celle de l’Inde chute encore plus rapidement. L’économie européenne reste bloquée et celle du Japon décline déjà. Le gouvernement japonais a tenté de relancer une économie stagnante en injectant des liquidités, mais cette politique est complètement malsaine. La dette publique japonaise s’élève désormais à 250 % du PIB.

Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) sont tous dans une situation semblable. En outre, les prévisions du FMI pour le Sud-est asiatique ont dû être fortement revues à la baisse. Le FMI parle désormais de « ralentissement structurel » des économies émergentes.

La croissance dans les marchés dits émergents a ralenti. Ce n’est pas difficile à comprendre : si l’Europe et les États-Unis ne consomment pas, la Chine ne peut pas produire. Si la Chine ne peut pas produire, alors des pays comme le Brésil, l’Argentine et l’Australie ne pourront pas exporter leurs produits.

La source de l’argent spéculatif qui alimentait les BRICS dans la dernière période est maintenant en train de se tarir, provoquant une forte baisse de la valeur de leur monnaie. La roupie indienne, la roupie indonésienne, le peso argentin, le real brésilien et le rand sud-africain ont tous enregistré de fortes baisses. Le Ministre des Finances du Nigéria a mis en garde : la fin de l’assouplissement quantitatif aux Etats-Unis va secouer les marchés émergents et provoquer une augmentation de leurs coûts d’emprunts. Najib Razak, premier ministre malaisien, défend la même idée et prévoit un rapatriement des liquidités vers les États-Unis.

La forte croissance de l’économie et du niveau de vie ont émoussé la lutte des classes pour une grande partie de la dernière décennie, mais au Brésil comme en Turquie la croissance a chuté. En fait, la croissance des pays en développement a tellement ralenti qu’elle rend difficile, voire impossible, l’entrée sur le marché du travail de la nouvelle génération.

La Chine

La crise des BRICS est organiquement liée au ralentissement économique en Chine. L’émergence de la Chine, qui était considérée par certains (y compris des soi-disant « marxistes ») comme une garantie de l’avenir du capitalisme mondial, n’a fait qu’aiguiser toutes les contradictions. Pour un temps, la croissance explosive de l’économie chinoise apportait de l’oxygène au capitalisme mondial. Désormais, cet avantage colossal s’est transformé en un problème colossal. Il était inévitable que l’investissement massif dans l’industrie chinoise débouche sur la production d’une masse de produits bon marché, qui ont dû trouver un débouché extérieur à la Chine. L’avalanche d’exportations chinoises à bas coût, ces dix dernières années, a aggravé la crise de surproduction.

La combinaison d’un vaste réservoir de main d’œuvre à bas coût (campagnes) et de la machinerie moderne alimentée par les subventions publiques a permis à la Chine de développer rapidement une base industrielle puissante. Cela a détruit des emplois et des capacités productives partout dans le monde, entrainant des fermetures d’usines dans les pays concurrents. Les entreprises étrangères redoutent les marchandises à bas prix provenant de Chine. Il y avait initialement de très forts taux de profits. Mais comme l’expliquait Marx, les autres capitalistes viennent s’accumuler sur le marché et les taux de profit reviennent alors à des niveaux normaux. C’est ce que nous voyons en Chine. La période de croissance explosive a atteint ses limites. La Chine se trouve maintenant confrontée aux mêmes problèmes qui minent toute économie capitaliste.

Les produits à bas coût de Chine ont fini par dominer de nombreux secteurs d’activité. Mais une fois que le gros de la production manufacturière mondiale dans un secteur d’activité donné s’est déplacé en Chine, une surcapacité s’ensuit rapidement. Les capitalistes sont de plus en plus préoccupés par la surproduction croissante (« surcapacité ») dans l’économie chinoise. C’est un risque important pour la désormais deuxième économie mondiale.

Au cours de la crise financière mondiale, la Chine a contribué à sauver le système capitaliste en lançant un plan de relance colossal qui a stimulé le marché mondial. En conséquence, l’économie de la Chine s’est envolée, progressant de 8,7 % en 2009 et 10,3 % en 2010. Ce fut la plus grande expérience de politique économique keynésienne de l’histoire. Mais à présent, les contradictions se manifestent. À l’heure actuelle, un grand nombre d’industries qui étaient bénéficiaires au moment de la relance – notamment la métallurgie – sont paralysées par d’énormes surcapacités ou, pour lui donner son vrai nom, par une situation de surproduction. Le ralentissement de la croissance économique en Chine entraine d’énormes pertes et la nécessité d’un processus douloureux de destruction des forces productives.

Le FT (17/06/2013) commente : « Des produits chimiques et de cimenterie pour le génie civil aux téléviseurs à écran plat, l’industrie chinoise est inondée par une surcapacité qui mine les profits à l’intérieur et à l’extérieur du pays – et menace de déstabiliser plus encore la croissance fragile de la Chine. »

La Chine produit près de la moitié de l’aluminium et de l’acier, au niveau mondial, et environ 60 % du ciment. Or malgré le ralentissement de l’économie et la contraction du marché des exportations, de nouvelles capacités productives sont créées. Bien que la production de la Chine atteigne actuellement des niveaux record, seuls 80 % des capacités productives du pays sont utilisés. Les capitaines d’industrie et le gouvernement annoncent que les capacités excédentaires doivent être supprimées pour que ces secteurs puissent revenir à l’équilibre.

Par ailleurs :
« Seuls les deux-tiers de la capacité de cimenterie ont été utilisés l’an dernier, selon un enquête de la Confédération des entreprises de Chine.

« Usha Haley écrit : "Il existe une énorme surcapacité, pas de calibrage entre l’offre et la demande et nous avons remarqué que les subventions représentent 30 % de la production industrielle. La plupart des entreprises que nous avons étudiées auraient fait faillite sans ces subventions."

« Dans presque toutes les entreprises industrielles, les plans d’investissement et de croissance ont été fondés sur la conviction que le gouvernement ne permettrait jamais une croissance inférieure à 8 ou 9 %. Or ce n’est plus le cas. La croissance de la Chine est tombée à 7,5 %, avant de remonter à 7,8 %. Mais c’était tout de même son rythme de croissance le plus lent depuis 13 ans.

« La surcapacité dans l’industrie automobile est endémique, et dans le cas de Geely, qui a racheté Volvo en 2010, plus de la moitié de ses bénéfices nets de 2011 provient de subventions publiques. En fait, les subventions accordées à Geely cette année-là étaient plus de 15 fois supérieures à la plus grande source de profits nets suivante – la “vente de ferraille” – selon l’analyse de Fathom China. » (FT, 17/06/2013)

L’ampleur de la surcapacité et le ralentissement de la croissance chinoise laissent penser que de plus en plus d’entreprises feront faillite. Cela aura de profonds effets sur la psychologie toutes les classes sociales en Chine.

Perspectives pour la lutte des classes

Tous les succès de l’économie chinoise ont reposé, en dernière analyse, sur des ouvriers chinois travaillant pour de bas salaires et dans des conditions semblables à celles de l’Angleterre victorienne. Nulle part les inégalités ne sont aussi flagrantes qu’en Chine, qui était censée être un pays « socialiste ». Une nouvelle classe de bourgeois chinois a vu le jour, baignant dans un luxe inconnu de la vaste majorité de la population.

La Chine est dirigée par une petite élite d’oligarques qui se sont énormément enrichis en pillant l’État et en exploitant brutalement les ouvriers chinois. Mais la base de la classe capitaliste chinoise est très étroite. Sur une population d’environ 1,36 milliards d’habitants, il n’y a que 1,2 million de millionnaires (en dollars américains), soit 0,1 % de la population. Le nombre de millionnaires en dollars est en croissance rapide, certes. Mais numériquement, ce chiffre reste encore inférieur au nombre de millionnaires en Grande-Bretagne ou en Italie. Cela montre la faiblesse de la classe capitaliste en Chine.

Il est vrai qu’en dessous d’eux, il y a une couche de sous-exploiteurs et de sous-sous-exploiteurs : directeurs d’usine, contremaîtres, ingénieurs, bureaucrates et fonctionnaires de l’appareil d’État et du Parti. Avec leurs familles, ils font tous partie de « l’establishment ». Or même en prenant cela en compte, le fait est que l’écrasante majorité de la population est totalement exclue de la richesse économique et du pouvoir. L’opulence obscène de l’élite dirigeante et de leurs enfants (les « princes héritiers ») est amèrement ressentie par la population. La corruption omniprésente qui fleurit à tous les niveaux est une cause supplémentaire d’indignation.

L’élite au pouvoir tente d’apaiser la colère des Chinois grâce aux procès très médiatisés des fonctionnaires corrompus qui sont le plus souvent condamnés à mort. La classe dirigeante tente de faire des campagnes de prévention contre la corruption. Mais la réalité, c’est que la corruption est le corollaire inévitable d’un régime bureaucratique et totalitaire, qui consomme une large partie des richesses créées par la classe ouvrière.

La nouvelle génération de jeunes travailleurs n’est pas disposée à supporter des niveaux de vie médiocres et de mauvaises conditions de travail — comme avait pu l’accepter l’ancienne génération de paysans pauvres arrivés récemment dans les villes. L’humeur croissante de mécontentement dans la société chinoise se traduit par l’augmentation du nombre de grèves, de manifestations et de suicides dans les usines. Dans une société totalitaire, où le mécontentement est supprimé par la force et où il n’y a que peu de soupapes de sécurité juridiques, les explosions peuvent se produire soudainement et sans avertissement. Ce n’est pas un hasard si, pour la première fois de son histoire, l’État chinois dépense plus dans la sécurité intérieure que dans la défense.

La Russie

Contrairement à la majorité des Etats européens, la Russie n’a pas encore de sérieux problème de dette. Grâce à l’exportation de gaz et de pétrole et à la croissance de l’économie dans la dernière période, elle a accumulé des réserves financières considérables. Mais cette situation a atteint ses limites. Comme les autres pays des BRICS, l’économie russe est en déclin, son taux de croissance étant estimé aux alentours de 1 %.

C’est l’arrière-plan d’un mécontentement croissant, non seulement parmi la classe ouvrière, mais aussi dans de vastes couches de la petite bourgeoisie, ce qui se reflète dans la montée de l’opposition à Poutine. À cause de l’expansion du crédit, la majorité des travailleurs et des jeunes sont lourdement endettés, tout comme les entreprises et les municipalités. Cela engendre une baisse des investissements et la stagnation économique. Pour la première fois, certains secteurs de l’économie comme l’industrie automobile sont confrontés à des problèmes de ventes insuffisantes.

L’économie est stimulée par l’Etat au moyen de méthodes keynésiennes d’investissements publics directs dans des infrastructures – et dans des projets comme les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi ou la Coupe du monde de football de 2018. Cet équivalent moderne de la construction des pyramides des Pharaons n’est possible que sur la base de l’exploitation de travailleurs sous-payés et des prix élevés de l’essence et du gaz. Néanmoins, une longue période de prix élevés du pétrole a inévitablement entraîné le développement des nouvelles technologies d’extraction aux Etats-Unis (notamment l’exploitation des « gaz de schiste »). La « politique énergétique impériale » de Poutine s’est transformée en farce. Ses réactions hystériques face aux inepties de Greenpeace dans la mer de Barents étaient un signe clair, non de force, mais de panique.

La croissance de l’économie dans la période récente a permis à Poutine de mener une politique semi-paternaliste, donnant à son régime une apparence de stabilité. Mais cela ne peut pas durer. La plupart des nouveaux travailleurs ne se voient offrir que de bas salaires et de mauvaises conditions de travail. Le nombre d’immigrants clandestins ou semi-clandestins en provenance d’Asie centrale a considérablement augmenté. L’équilibre social et politique montre d’ores et déjà des signes de vacillement, et c’est cela qui détermine la politique de Poutine – comme celle de l’opposition.

Le but principal de l’opposition libérale est d’arracher la petite-bourgeoisie des mains de Poutine. Le principal meneur de l’opposition est maintenant Alexey Navalniy, qui lors des dernières élections municipales de Moscou, en septembre 2013, a obtenu 27,2 % des suffrages contre 51 % au candidat du pouvoir, Sobyanin. Le candidat du parti communiste, chef de l’aile « gauche » de son parti, Ivan Melnikov, n’a obtenu que 10,7 % des voix.

Avocat et investisseur, Navalny a été exclu du parti libéral Yabloko à cause de son nationalisme. Son programme comprend notamment la lutte contre la corruption, un gouvernement « bon marché », une baisse des impôts, l’introduction de visas pour les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale et la déportation des chômeurs n’étant pas citoyens russes.

La réintroduction du capitalisme a mené à une extrême polarisation des richesses. Le dernier rapport sur la richesse du Crédit Suisse montre très concrètement quelle part de la richesse mondiale est concentrée aux Etats-Unis en termes de millionnaires en dollars et la quantité de richesse accumulée entre leurs mains.

Mais il souligne aussi le fait que la Russie a aujourd’hui le plus haut taux d’inégalité au monde, si l’on excepte quelques petits pays des Caraïbes aux milliardaires résidents. À l’échelle mondiale, les milliardaires possèdent collectivement entre 1 et 2 % de la richesse mondiale ; dans la Russie actuelle, 110 milliardaires possèdent 35 % de toutes les richesses.

La montée des tensions entre les classes a été partiellement et temporairement atténuée par la croissance économique. Mais désormais la croissance ralentit sévèrement, reflétant la crise mondiale du capitalisme. Le FMI a réduit ses prévisions de croissance pour la Russie en 2013 à + 1,5 %, contre 5 % à 8 % avant la crise économique. La Russie se dirige vers une explosion sociale, peut-être à court terme.

Lénine disait que la première condition pour que se produise une révolution est que la classe dirigeante soit en crise et incapable de continuer à diriger comme avant. Un vent de pessimisme souffle sur le pouvoir, confinant par moment à la panique. L’objectif principal de Poutine est de construire un Etat policier solide avant que la crise n’éclate.

La seconde condition évoquée par Lénine est une fermentation dans les couches intermédiaires de la société ; elles hésitent entre révolution et contre-révolution. Les manifestations massives – et essentiellement petite-bourgeoises – contre la fraude électorale indiquent que ce processus a déjà commencé.

La troisième condition stipule que les travailleurs doivent être prêts à lutter et à faire des sacrifices pour changer la société. Cette condition n’est pas encore mûre en Russie. Mais la crise économique et la désillusion croissante envers Poutine montrent que ce n’est qu’une question de temps avant que la Russie ne connaisse des explosions sociales similaires à celle qui se sont déroulées en Turquie et au Brésil.

Le problème qui se pose est celui de la direction. Du fait de la complète incapacité du parti soi-disant communiste à offrir une alternative aux masses, la contestation a été menée par des libéraux bourgeois et des démocrates petits-bourgeois. Mais ce mouvement n’est que le symptôme d’un trouble croissant, qui devra tôt ou tard s’exprimer par une explosion sociale. Quand il le faudra, la classe ouvrière russe saura redécouvrir dans l’action les vraies traditions de la Révolution d’Octobre et du bolchevisme.

L’Inde et le Pakistan

La bourgeoisie indienne avait des illusions de grandeurs. Le Premier ministre Monamhan Singh expliquait que la « vitesse de croisière » de l’économie indienne était de 8 à 9 %. Mais aujourd’hui, elle est à peu près à la moitié de ça. L’investissement privé s’est raréfié. L’inflation est à plus de 10 % et continue de croître. La roupie a perdu 13 % de sa valeur en trois mois dans le courant de 2013. Le journal The Economist du 24 août 2013 avertissait : « les hommes d’affaires qui applaudissaient la transformation de l’Inde en superpuissance craignent maintenant des troubles sociaux ».

Cette prédiction est déjà devenue réalité. La fermentation dans la société indienne s’est reflétée dans une série de mouvements de masses sur différentes questions. Un mouvement anti-corruption a ouvert la marche, suivi de manifestations de masse contre le viol et les violences contre les femmes. Les deux mouvements étaient d’un caractère largement petit-bourgeois, mais révélaient un courant souterrain de mécontentement contre les fondations conservatrices et nationalistes hindous de l’État indien.

Ces manifestations étaient comme l’écume des vagues d’un océan ; elles étaient des symptômes de courants bien plus profonds et puissants, sous la surface. Le mécontentement des masses, qui n’ont pas bénéficié de la croissance de l’économie indienne, se transforme en colère. Cela s’est manifesté dans une série d’insurrections paysannes, mais surtout lors de la grève générale de deux jours, en février 2013.

De l’autre côté d’une frontière artificielle, le Pakistan a été réduit à un degré de misère jamais vu depuis l’indépendance : effondrement de l’économie, attaques terroristes, attentats suicides, coupures d’énergie, hausse des prix, suicides de familles appauvries, trafic d’enfants et d’organes humains, torture et meurtres de femmes. Tout cela nous rappelle la phrase de Lénine : « Le capitalisme est une horreur sans fin ».

Les espoirs des masses en une amélioration de leur situation sous un gouvernement du PPP ont été cruellement trahis. Désormais, le gouvernement de droite de la Ligue musulmane mène de nouvelles attaques. Ils pillent l’État en privatisant des entreprises publiques comme Pakistan International Airlines, les services postaux et ferroviaires, la WAPDA (Autorité du Développement de l’Eau et de l’Énergie) et d’autres sociétés publiques.

Cela engendrera encore plus de licenciements, de chômage, de pauvreté – et une dislocation accrue de l’économie. La misère du peuple est aggravée par le monstrueux sectarisme religieux, les massacres communautaires, la guerre par procuration menée au Baloutchistan, les attaques de drones à Pukhtoonhua, etc. Les services secrets pakistanais (l’ISI) continuent d’opérer comme un État dans l’État, organisant conflits, meurtres et violences pour servir leurs sombres intrigues. Pour distraire l’attention de la souffrance terrible des masses, la classe dirigeante dégénérée du Pakistan joue avec le feu dans des conflits avec l’Afghanistan et l’Inde. La question du Cachemire continue d’empoisonner les relations entre les deux pays.

Il n’y a pas d’issue sur la base du capitalisme. Ni la Ligue musulmane, ni le PPP, ni une dictature militaire ne peuvent réussir. Seule la révolution socialiste peut montrer une issue hors de l’enfer dans lequel vivent des millions de personnes au Pakistan, en Inde, au Bangladesh, au Népal et au Sri Lanka. Les conditions de vie deviennent intolérables. Les conditions objectives d’une éruption comparable à la révolution de 1968-69 sont en train de mûrir. Cette-ci avait échoué faute de direction. Mais les forces croissantes de la TMI au Pakistan, dans les conditions les plus difficiles, offrent l’espoir d’une victoire prochaine. Nous devons redoubler d’efforts pour accroître et affermir les forces du marxisme au Pakistan, pour assurer cette victoire.

L’Afghanistan

Après treize ans de combats sanglants, les impérialistes luttent pour s’extraire du bourbier afghan. Lorsque la coalition militaire dirigée par les Etats-Unis envahissait l’Afghanistan, nous prédisions que ses succès initiaux ne dureraient pas. Nous écrivions alors :

« Le rapide effondrement des défenses des talibans et la facilité avec laquelle l’Alliance du Nord est entrée dans Kaboul ont amené beaucoup de gens à conclure que la guerre est finie et que les talibans sont balayés. C’est une sérieuse erreur d’interprétation de la situation. […]

« Les taliban ont perdu le pouvoir, mais pas leur potentiel militaire. Ils sont habitués aux guérillas dans les montagnes. Ils l’ont déjà fait et peuvent la refaire. Au nord, ils combattaient dans un territoire étranger et hostile. Par contre, ils sont chez eux dans les villages et les montagnes des zones pachtounes. Une guérilla pourrait durer pendant des années. La première partie de la campagne militaire des alliés était facile ; la seconde le sera moins. Les troupes britanniques et américaines vont devoir aller en territoires pachtounes, pour des missions de recherche et destruction, où ils seront des cibles faciles pour la guérilla. Des pertes seront inévitables. A un certain stade, cela aura un effet sur l’opinion publique en Grande-Bretagne et en Amérique.

« Les Américains espéraient lancer une frappe rapide et chirurgicale contre Ben Laden, au moyen de la seule puissance aérienne. En fait, le conflit devient plus complexe et plus difficile ; la perspective d’une issue est repoussée presque indéfiniment. Il leur faudra maintenir des troupes non seulement en Afghanistan, mais aussi au Pakistan et dans d’autres pays, pour les soutenir. [...]

« C’est une situation bien plus dangereuse que celle dans laquelle se sont trouvés les Américains lors du 11 septembre. Washington est obligé, désormais, de se porter garant du régime instable et ruiné du Pakistan, ainsi que d’autres Etats “amis” de la région, qui sont déstabilisés par ses actions. Si le but de l’opération était de combattre le terrorisme, le résultat sera inverse. Avant ces événements, les impérialistes pouvaient se permettre de maintenir une distance de sécurité relative vis-à-vis des convulsions et des guerres de cette région du monde. Ils y sont désormais complètement empêtrés. Par leurs actions depuis le 11 septembre, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se sont mis dans un bourbier dont ils auront beaucoup de mal à s’extraire. »

Ces lignes datent du 15 novembre 2001. Treize ans plus tard, il n’y a pas besoin d’en changer un seul mot.

Avec un PIB par habitant de 528 dollars par an en 2010/2011, l’Afghanistan fait partie des dix pays les plus pauvres au monde. En 2008, 36 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté ; plus de la moitié est considérée comme vulnérable. A 134 pour 1000, la mortalité infantile est la plus élevée au monde. L’espérance de vie est de 48,1 ans. 75 % de la population est illettrée. Le pays est par ailleurs le premier producteur d’opium.

Les vastes sommes d’argent dépensées dans une guerre inutile auraient été suffisantes pour transformer la vie du peuple. Au lieu de ça, les impérialistes ont dévasté le pays et sont maintenant contraints de le quitter, sans avoir rien réglé. Ils négocient avec les talibans, qui auront inévitablement leur mot à dire sur la composition d’un futur gouvernement à Kaboul. Rien n’a été accompli, à part la déstabilisation de toute la région, à commencer par le Pakistan.