Les bombardements et l’intervention terrestre contre Gaza ont été accompagnés d’une campagne de chauvinisme et de propagande « anti-arabe », en Israël. Pendant la campagne électorale, les principaux partis politiques voulaient se montrer plus implacables les uns que les autres vis-à-vis du terrorisme palestinien, tout en cautionnant le terrorisme pratiqué par les forces armées israéliennes, responsables de plusieurs milliers de morts et de blessés à Gaza – dont une majorité d’hommes, de femmes et d’enfants n’ayant rien à voir avec les activités terroristes du Hamas. Comme tous les gouvernements précédents, la coalition réactionnaire que constitue le nouveau gouvernement israélien se servira de la question palestinienne comme un moyen de détourner l’attention des travailleurs et de la jeunesse du pays des problèmes qui se posent sur le plan intérieur. L’immense majorité de la population israélienne est frappée par les mêmes problèmes que les pays voisins : le chômage, les bas salaires, les inégalités sociales flagrantes, la généralisation de la misère et toutes les autres conséquences de la faillite du capitalisme israélien.

L’agression contre Gaza a suscité une vive indignation de la part des travailleurs du monde entier, comme en témoigne l’ampleur des manifestations la condamnant. Mais de toute évidence, la classe dirigeante israélienne est parfaitement insensible à des protestations de ce type, et ce ne sont pas les larmes de crocodile, les appels au « dialogue » ou d’autres phrases creuses proférées par les représentants des gouvernements américain, européens ou de l’ONU qui détourneront les impérialistes israéliens de leurs objectifs. Leurs intérêts vitaux sont en jeu.

La question palestinienne – c’est-à-dire la lutte pour l’émancipation nationale et sociale des populations des territoires occupés ou prétendument « autonomes » qui sont opprimées par l’impérialisme israélien – ne pourra être résolue que par des moyens révolutionnaires. Cette émancipation est impossible sur la base du capitalisme. Elle ne pourra pas se réaliser, non plus, dans le cadre « israélo-palestinien » proprement dit, en raison du rapport de force extrêmement défavorable aux Palestiniens, c’est-à-dire de l’écrasante supériorité militaire et économique du capitalisme israélien. Elle ne pourra s’accomplir que comme l’une des conséquences, l’un des sous-produits, pour ainsi dire, d’un mouvement révolutionnaire régional ayant pour origine l’un des pays voisins, comme par exemple l’Egypte.

L’illusion d’une émancipation négociée

L’idée selon laquelle il serait possible de parvenir à l’émancipation des Palestiniens par des moyens pacifiques, en laissant intacts le capitalisme et les gouvernements réactionnaires qui dominent la région, au moyen de simples « négociations » chapeautées par les grandes puissances rapaces qui contrôlent l’ONU – cette idée est complètement fantaisiste. Elle est pourtant très en vogue, dans les milieux dirigeants de nombreux partis sociaux-démocrates et communistes du monde occidental, dont ceux du PCF, ici, en France. Tant qu’une révolution n’aura pas brisé la chaîne des intérêts impérialistes, la question palestinienne ne sera jamais autre chose que la petite monnaie diplomatique des grandes puissances. Qui ne comprend pas cela ne comprendra jamais rien à la question palestinienne.

Parmi les considérations qui ont poussé le gouvernement israélien à attaquer Gaza, il y avait la réorientation stratégique de l’impérialisme américain. En quoi consiste cette réorientation ? Lors des invasions de l’Afghanistan, en 2001, et de l’Irak, en 2003, l’administration américaine imaginait que les moyens militaires à sa disposition suffiraient à surmonter tous les obstacles qui se dresseraient sur son chemin. Il fallait que le monde entier comprenne – à commencer par les pays se trouvant dans les « zones stratégiques prioritaires » – que tout pays refusant de se soumettre aux intérêts de l’impérialisme américain s’exposait ainsi à sa puissance destructrice colossale. A l’époque, dans une série de documents et d’articles, La Riposte expliquait que loin de faire la démonstration de la puissance américaine, ces guerres en montreraient avant tout les limites. Le déroulement ultérieur de ces conflits nous a donné raison, sur ce point.

L’Afghanistan et l’Irak : deux guerres perdues d’avance

En Afghanistan, les Etats-Unis se trouvent dans une impasse totale. Il leur est absolument impossible de gagner cette guerre. Les talibans contrôlent la majeure partie du pays. L’autorité des puissances occidentales et de leur marionnette Karzaï ne s’étend guère au-delà de la capitale. Compte tenu de la puissance de feu de la coalition, elle pourra sans doute tenir les talibans à distance pendant un certain temps. Mais une « victoire » qui lui permettrait de se retirer en laissant derrière elle un gouvernement au service des Etats-Unis est totalement impossible. L’impérialisme américain n’a le choix qu’entre une occupation de longue durée, extrêmement coûteuse, politiquement impopulaire dans l’opinion américaine, et qui se soldera finalement par une débâcle – ou un retrait à plus court terme qui reviendrait à reconnaître sa défaite. Obama, quant à lui, a choisi de renforcer massivement la présence militaire américaine en Afghanistan. Mais cette politique est une impasse.

En Irak, la situation est tout aussi catastrophique, du point de vue de l’impérialisme américain. Là aussi, l’occupation ne lui a pas permis de consolider son emprise sur le pays. Elle lui coûte plus d’un milliard de dollars par semaine. Le retrait des forces américaines laissera l’Irak dans une situation infiniment moins favorable aux intérêts stratégiques des Etats-Unis qu’avant l’invasion. La destruction de l’appareil d’Etat de Saddam Hussein, la tentative de stabiliser l’occupation en attisant les tensions entre Sunnites et Chiites, la destruction et le pillage des ressources économiques de l’Irak – tout cela a dressé la population entière contre les envahisseurs étrangers et à un renforcement considérable de l’Iran comme superpuissance régionale.

Dans la dernière période de son mandat, Bush se trouvait ainsi en porte-à-faux avec une partie importante de la classe dirigeante américaine, qui avait pris conscience de l’impasse. Mais elle avait largement perdu le contrôle de son représentant, à la Maison Blanche. Dans sa folie des grandeurs, Bush avait même envisagé de lancer une agression contre l’Iran. On se souvient qu’en 2007, Sarkozy et Kouchner furent eux aussi frappés par cette folie des grandeurs (infiniment moins justifiée, au regard des moyens militaires extrêmement faibles à leur disposition), et qu’ils avaient à leur tour menacé l’Iran d’une intervention militaire. Mais les services secrets américains ont sabordé la politique agressive de Bush à l’égard de l’Iran, en démolissant point par point l’édifice de propagande mensongère sur lequel elle reposait. Avec l’arrivée au pouvoir d’Obama, un revirement de la stratégie américaine est en train de se mettre en place. Les Etats-Unis cherchent un rapprochement avec la Russie, avec l’Iran et la Syrie, pour sauver ce qui peut l’être encore, en Irak, du point de vue de l’impérialisme américain.

L’Iran

L’Iran avait coopéré avec les Etats-Unis lors de l’invasion de l’Afghanistan, en 2001. Khatami avait également proposé à Bush sa collaboration, pour l’invasion de l’Irak. Mais l’administration Bush avait rejeté cette offre, jugeant qu’elle n’en avait pas besoin pour dominer l’Irak, mais aussi qu’elle pourrait ultérieurement se servir du territoire irakien pour lancer des opérations militaires contre la Syrie et contre l’Iran ! Aujourd’hui, les stratèges de l’impérialisme américain doivent se résigner à une situation qui, dans le meilleur des cas, risque de faire de l’Iran et de la Russie les principaux gagnants de l’invasion de l’Irak.

Mais un accord avec l’Iran, la Russie et, accessoirement, avec la Syrie, aura son prix. L’Iran et la Russie voudront prendre la plus grosse part du gâteau irakien et exigeront des concessions importantes, sur les plans économique et géostratégique, de la part des Etats-Unis. La Syrie souhaiterait reprendre le contrôle du plateau de Golan et obtenir certaines concessions économiques également, dont le déblocage des problèmes frontaliers relatifs à son approvisionnement en eau. Les intérêts des Etats-Unis ne coïncident pas avec ceux d’Israël, sur ces questions. Et l’une des raisons de l’agression contre Gaza était précisément de signaler aux Etats-Unis qu’Israël n’accepterait pas n’importe quel arrangement.

En même temps, d’éventuelles concessions à la Syrie et à l’Iran impliqueront des contreparties, de leur part. Les dirigeants du Hamas, qui dépendent de l’Iran et de la Syrie, en matière d’armement, de financement, de coopération économique et d’appuis diplomatiques, craignent à juste titre de faire les frais des marchandages qui se préparent. S’il faut sacrifier les Palestiniens pour faire avancer leurs propres intérêts, Téhéran et Damas n’hésiteront pas une seconde.

La question nationale et la révolution socialiste

La modification des orientations diplomatiques des Etats-Unis, inaugurée par l’arrivée de Barak Obama, n’apportera rien de positif aux Palestiniens, pas plus qu’elle n’améliorera le sort des masses opprimées du Proche-Orient, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. La masse de la population palestinienne, en Cisjordanie et à Gaza, se trouve dans une immense prison à ciel ouvert, cernée et périodiquement massacrée par les forces armées israéliennes. Dans le même temps, elle subit la férule des cliques militaires réactionnaires du Fatah et du Hamas.

Seule, la population palestinienne ne s’en sortira jamais. Mais aucune aide ne lui viendra des impérialistes et de leurs forces armées – quelle que soit la couleur des casques de leurs soldats. Demander l’envoi sur place d’armées impérialistes sous l’étiquette de l’ONU, comme le font les dirigeants du PCF, n’a rien de progressiste. Pense-t-on sérieusement que des troupes sous commandement américain, britannique ou français agiraient militairement contre Israël ?

Aucune aide ne viendra, non plus, des régimes réactionnaires au pouvoir en Egypte, en Iran, en Syrie ou en Arabie Saoudite. Compte tenu du rapport de force existant, l’émancipation sociale et nationale des Palestiniens est impossible en dehors d’un mouvement révolutionnaire qui, quel que soit son point de départ – l’Egypte, l’Iran, la Jordanie – remporterait un succès initial dans son pays d’origine et s’étendrait ensuite, au-delà de ses frontières, pour en remporter d’autres.

Une révolution victorieuse en Egypte, par exemple, commencerait par balayer le pouvoir économique et militaire de la classe dirigeante égyptienne, concentrant le contrôle des ressources du pays entre les mains des travailleurs du pays. Elle lèverait la frontière avec Gaza et lancerait un appel au soulèvement en Cisjordanie et dans toute la région. En cas d’agression militaire de la part de l’Etat d’Israël, la révolution devrait bien évidemment se défendre, non pas sur des bases nationalistes, mais en tendant une main fraternelle et révolutionnaire à la majorité des Israéliens qui souffre, elle aussi, de l’exploitation, de la régression sociale et de toutes les autres conséquences du capitalisme.

La question nationale, en Palestine comme partout ailleurs, est inextricablement liée à la question sociale. Elle se réduit, en substance, à déterminer qui – ou plus exactement, quelle classe – doit avoir la maîtrise de la terre, de l’industrie, du commerce, des banques et des moyens de subsistance en général. En tant que communistes, nous devons nous battre pour l’émancipation nationale et sociale du peuple palestinien. Mais nous devons avant tout inscrire ce combat dans le cadre, non de l’ONU ou de manœuvres diplomatiques des puissances impérialistes, mais d’une lutte internationaliste et révolutionnaire contre ces mêmes puissances, pour la libération définitive du joug capitaliste des peuples du Proche-Orient et de toute la région.

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