La  "lutte contre le terrorisme" que prétendent mener les États-Unis  n’est qu’un prétexte cynique pour satisfaire l’appétit vorace de la  première puissance économique et militaire du monde. L’arrogance belliqueuse  de Bush traduit la brutalité et le cynisme de la classe capitaliste  américaine, qui, en quête de ressources, de marchés, et de nouvelles  sphères de pouvoir et d’influence, est prête à tuer et à détruire sans  limite. Fort de son écrasante supériorité militaire, l’impérialisme  américain s’arroge le droit d’attaquer n’importe quel pays dont le gouvernement  ne s’aligne pas sur ses objectifs. La guerre contre l’Irak se fera.  Et ni la "diplomatie", ni le leurre des "inspecteurs",  ni les réticences de quelques autres puissances ne pourront l’empêcher.

Depuis déjà plusieurs mois,  la machine meurtrière des États-Unis se met progressivement en place.  Plusieurs milliers de soldats américains ont été expédiés sur des bases,  à Qatar, où de nouvelles pistes de décollage, adaptées aux plus grands  bombardiers et avions de fret, ont été mises en chantier. Des bombardiers  B52 seront installés sur l’île de Diego Garcia, une possession britannique  dans l’océan indien. D’une certaine manière, la guerre a déjà commencé,  puisque des raids aériens ont eu lieu régulièrement depuis le mois d’août  dernier, dans le but de provoquer une riposte irakienne, qui servirait  ensuite de prétexte pour le lancement d’une opération de grande échelle.  Dans la seule nuit du 5 septembre dernier, par exemple, une centaine  de chasseurs-bombardiers américains et britanniques ont pilonné des  bases irakiennes à 400 kilomètres à l’est de Bagdad.

Au demeurant, l’ultimatum  présenté par Bush au régime irakien - qui ne porte pas seulement sur  la coopération avec les inspecteurs - est conçu de telle façon que Saddam  Hussein ne puisse pas le satisfaire pleinement, à moins de démanteler  lui-même son propre régime. L’envoi d’inspecteurs, présenté à l’opinion  publique comme une "dernière chance" pour éviter la guerre,  n’est qu’une manœuvre frauduleuse destinée à mieux préparer l’invasion.  Quant à la propagande américaine au sujet du régime irakien, ce n’est  que pure hypocrisie. Oui, Saddam Hussein est un dictateur ensanglanté  qui opprime le peuple irakien. Aucun socialiste ou communiste ne peut  soutenir un régime pareil. Mais Saddam n’était pas moins monstrueux  lorsqu’il bénéficiait de l’appui des grandes puissances, y compris les  États-Unis, pour qui le gazage des Kurdes, la torture et l’assassinat  d’opposants politiques, et toutes les autres manifestations de son despotisme  n’avaient alors rien de particulièrement choquants. D’autant plus que  les armes dont il se servait - y compris les armes chimiques  et bactériologiques - étaient achetées chez des fabricants  américains, britanniques et français. Dans la guerre qui l’opposait  à l’Iran, le régime irakien s’est servi d’armes chimiques fournies expressément  à cette fin par les États-Unis. Ce n’est que lorsque le régime irakien  a tenté de s’emparer des réserves pétrolières du Koweït qu’il a été  rangé parmi les "méchants" de ce monde.

La guerre de 1990 n’avait  rien à voir avec la protection du peuple koweïtien, mais visait à empêcher  l’Irak d’empiéter sur les intérêts des alliés des États-Unis dans le  Golfe Persique, dont notamment l’Arabie Saoudite. C’est pour cette raison  qu’au moins 100 000 civils irakiens ont été brûlés sous les bombes des  alliées et que, depuis, plus de 500 000 enfants de moins de cinq ans  sont morts à cause de l’embargo. Cette fois-ci, les motivations américaines  qui se cachent derrière l’écran de fumée "anti-terroriste"  sont multiples. Premièrement, il y a, une fois de plus, la question  du pétrole.

Le pétrole occupe une place  très importante dans l’économie mondiale, ce qui en fait "une matière  première stratégique" par excellence. Les pays du Moyen-Orient  possèdent 66% des "réserves prouvées" dans le monde - c’est-à-dire  du cumul de la production potentielle, d’après les ressources totales  connues - et occuperont une place toujours plus prépondérante dans l’offre  mondiale. Ces 66% sont à comparer aux 9% de l’Amérique centrale et latine,  aux 6% de l’Amérique du Nord et aux seulement 2% de l’Europe de l’Ouest.

A l’exception de l’Arabie  Saoudite, les pays de cette région ne disposent pas des technologies  nécessaires pour répondre à la demande mondiale, qui augmentera de 40  à 50% d’ici 2025, selon les prévisions du World  Energy Outlook. Quant à la production américaine, elle a reculé  de 15% entre 1990 et 2000, ce qui s’explique par l’épuisement progressif  de ses réserves. Dans ce contexte, l’instabilité sociale et politique  croissante de l’Arabie Saoudite, qui menace l’existence même du régime,  inquiète au plus haut point le premier consommateur de pétrole dans  le monde - les États-Unis - ainsi que l’ensemble des grandes puissances.  D’où la nécessité impérieuse, pour les États-Unis, de réduire leur dépendance  à l’égard de l’Arabie Saoudite et de mettre la main sur d’autres sources  de production majeures - notamment sur les réserves irakiennes, évaluées  en 2000 à 112 milliards de barils, soit 10,8% des réserves mondiales.

Mais du point de vue des  États-Unis, l’intérêt d’une guerre contre l’Irak ne concerne pas que  le pétrole. L’agression qui se prépare est également motivée par d’importantes  considérations militaires et stratégiques. La guerre de 1990 s’est soldée  par un accroissement significatif des installations militaires américaines  dans la région. En Arabie Saoudite, la présence de bases américaines  en "terre sainte" est devenue le point focal d’un mouvement  d’opposition qui ne cesse de gagner en puissance. La collaboration entre  la famille royale et Washington - dans laquelle elle voit un "protecteur"  face à l’éventualité d’un soulèvement intérieur - a été savamment exploitée  par le fondamentalisme wahhabite. Les immenses ressources financières  générées par le pétrole ont été concentrées entre les mains d’une infime  minorité de la population Saoudienne, où la pauvreté se généralise et  le chômage se situe officiellement à 15%. Le taux réel est certainement  plus élevé encore. Au Koweït, également, l’installation permanente des  bases américaines est jugée totalement inacceptable par l’immense majorité  de la population.

L’Irak occupe, dans cette  région, une place stratégique centrale. A l’est de l’Irak se trouve  un autre pays qui fait partie du soi-disant "Axe du Mal" -  l’Iran - et juste au sud se trouvent l’Arabie Saoudite et le Koweït.  L’installation d’un régime pro-américain à Bagdad, appuyé directement  par leur puissance militaire, offrirait  aux États-Unis une position terrestre extrêmement forte au cœur du Moyen-Orient,  dans le cas où leurs positions en Arabie Saoudite seraient menacées.  L’Iran serait directement cerné par l’ouest, l’est et le sud, puisque  les États-Unis disposent de bases au Pakistan et en Afghanistan, et  contrôlent le Golfe Persique et le Golfe d’Oman.

A  ces objectifs fondamentaux s’ajoute la perspective des prochaines élections  présidentielles. Bush, qui compte bien être réélu, mise sur une nouvelle  guerre pour faire oublier la crise économique et la montée du chômage  qui frappent les États-Unis. Cependant, au contraire, la guerre aggravera  la crise économique à l’échelle mondiale, et ce quel que soit son résultat  immédiat.

Face  au bellicisme des États-Unis, la France, l’Allemagne, la Russie et la  Chine, entre autres, se sont montrées réticentes à se laisser embarquer  dans une nouvelle guerre contre l’Irak. Les travailleurs et les jeunes,  en Allemagne, sont massivement opposés à cette guerre, mais cela n’est  pas le seul facteur qui explique la prise de position de Schröder. La  classe capitaliste allemande - qui peut compter le social-démocrate  Schröder parmi ses plus fidèles représentants -  comprend parfaitement les énormes risques que comportent l’invasion  qui se prépare. Actuellement, avant même que la guerre ne commence,  l’économie européenne enregistre un fort ralentissement de son taux  de croissance. Schröder sait que, dans ces conditions, une nouvelle  guerre dans le Golfe aurait des conséquences économiques plus graves  encore que la guerre de 1990. La prise de position de Chirac, en France,  traduit la même inquiétude. Cependant, si l’Allemagne, en tant que première  puissance européenne, se sent capable d’exclure en des termes très tranchants  toute participation à l’agression contre l’Irak, les porte-parole du  capitalisme français ont adopté une attitude plus nuancée.

En  gros, la position du capitalisme français - qui n’a rien à voir avec  des considérations humanitaires ou "pacifistes" - consiste  à garder toutes ses options ouvertes, afin de tirer le meilleur avantage  possible d’une situation dont il ne maîtrise pas l’évolution. La meilleure  option, de son point de vue, serait d’éviter une guerre. Les compagnies  pétrolières françaises préfèrent nouer des relations amicales avec Saddam  Hussein, et cherchent à obtenir des contrats d’exploitation pétrolière  en contrepartie des réticences affichées par Chirac par rapport aux  orientations américaines. Cependant, lorsque la guerre commencera, la  non participation de la France signifierait que toutes les portes lui  seraient fermées au lendemain d’une éventuelle victoire américaine.   

Ainsi,  Chirac et la diplomatie française jouent un double jeu. Une fois qu’il  deviendra clair que les États-Unis vont lancer la guerre - et  sans ou avec l’aval de  l’ONU - Chirac se  rangera en toute probabilité dans le rang des agresseurs, dans l’espoir  de participer, aux côtés des États-Unis, au pillage des ressources d’un  pays vaincu. L’hypocrisie de la diplomatie française coïncide avec celle  de Powell, Baker et d’autres proches de Bush, qui voudraient, si possible,  pouvoir opérer derrière la façade d’une "coalition internationale"  afin de mieux tromper l’opinion publique américaine et internationale  quant aux véritables intérêts qui motivent cette agression. La résolution  1441 de l’ONU n’est qu’une manœuvre cynique destinée à fournir la justification,  le moment venu, d’un volte-face de la France et d’autres pays, tout  en répondant aux attentes de Powell et Baker. Pour les compagnies pétrolières  françaises, la chute de Saddam Hussein rendrait nulles et non avenues  leurs démarches amicales à l’égard de la dictature irakienne. En cas  de victoire américaine, elles chercheront à composer avec le nouveau  pouvoir. Après tout, comme disent les Américains, "friends are friends, and business is business" - les  amis sont les amis, et les affaires sont les affaires !

La  Russie défend, elle aussi, ses intérêts particuliers dans la région,  lesquels ne coïncident pas avec ceux des États-Unis. Cependant, même  si Poutine maintenait son opposition à une intervention américaine,  celle-ci aurait quand même lieu. D’une part, Poutine voudrait éviter  une telle démonstration publique de son impuissance face aux États-Unis,  et, d’autre part, l’opposition russe pourrait être atténuée, voire abandonnée,  en échange d’une somme importante d’argent et d’autres concessions.  N’oublions pas qu’en 1990, déjà, le Kremlin avait donné son feu vert  à l’agression de l’Irak. La promesse de contrats de reconstruction des  routes, des usines, des ponts, des logements, des hôpitaux et des écoles  qui seront détruits par les bombardements ; l’engagement d’un règlement  à courte échéance des 8 milliards de dollars de dettes irakiennes envers  les banques russes ; un assouplissement de l’attitude américaine  vis-à-vis des opérations russes en Tchétchénie - tout cela suffira  sans doute pour que Poutine change d’avis. Déjà, la Russie, comme la  Chine, a voté pour la résolution 1441.

En  France, pendant leur passage au pouvoir, entre 1997 et 2002, les directions  du PS et du PCF se sont cachées derrière les "mandats" de  l’ONU pour soutenir le bombardement de la Serbie et l’invasion de l’Afghanistan.  L’ONU est une institution tout aussi réactionnaire que les gouvernements  qui la dirigent. Elle n’est pas autre chose qu’une façade institutionnelle  derrière laquelle les grandes puissances se partagent le monde, par  l’intimidation et des menaces "pacifiques" quand elles le  peuvent, sinon par la guerre. Nous ne pouvons accorder aucune confiance  à l’ONU, pas plus que nous n’accordons de confiance à Bush, à Poutine,  et aux représentants des autres grandes puissances.

L’État-major  américain envisage différentes hypothèses, en cas de victoire. Selon  la presse américaine, Bush et Powell ont imaginé la mise en place d’un  "protectorat" administré pendant une durée indéterminée par  les forces d’occupation militaires, en alliance avec des collaborateurs  originaires du pays et sans doute issus du Congrès National Irakien,  une "opposition" irakienne financée et encadrée depuis des  années par la CIA. Même dans le cas où les forces américaines parviendraient  à maîtriser Bagdad - ce qui ne sera pas une mince affaire - la viabilité  d’un tel État, fondé par des ennemis et des traîtres sur les ruines  d’une défaite, est une toute autre question.

En  tout état de cause, la victoire des États-Unis ne peut pas être considérée  comme garantie d’avance. Les chefs militaires américains misent sur  une victoire rapide. La monarchie saoudite a surtout peur d’une guerre  qui traîne en longueur, étant donnée l’hostilité massive de la population  saoudienne à son égard. Les autres régimes arabes, notamment en Égypte  et en Jordanie, craignent aussi la réaction de leur population. Selon  le New York Times du 10 novembre  dernier, le plan américain serait de lancer une campagne de bombardement  aérien massif, suivie d’une offensive terrestre impliquant plus de 200  000 soldats. Selon l’Observateur,  50 000 soldats britanniques seraient déjà en position dans la région.  Par la prise de contrôle d’enclaves successives, les forces américaines  et leurs alliés tenteront d’encercler Bagdad, qui fera l’objet d’un  pilonnage aérien incessant.

Nul  ne doit sous-estimer la puissance terrifiante des moyens de destruction  dont disposent les États-Unis. Cependant, la partie est loin d’être  gagnée. Il n’y a aucun enthousiasme pour cette guerre chez les populations  britanniques et américaines, et encore moins en Europe continentale,  comme le montre la manifestation massive du 9 novembre dernier, à Florence.  Ce facteur pèsera de plus en plus lourd dans le conflit, si jamais la  "victoire éclair" escomptée par Bush ne se réalise pas et  si les forces alliées subissent des pertes significatives.

Cette  fois-ci, les Irakiens se battront dans une guerre défensive, non au  Koweït, mais chez eux, devant les portes de leurs foyers. La haine de  l’envahisseur pourrait les munir d’une énorme combativité. D’un autre  côté, le peuple irakien doit être relativement épuisé par des décennies  de dictature et par les conséquences de l’embargo. Nous ne pouvons savoir  à quel point les soldats voudront se sacrifier sous les ordres de Saddam  Hussein. Le poids de ces différents facteurs ne peut être déterminé  à l’avance, et ne se révélera que dans le feu de l’action.

Ce  qui est certain, par contre, c’est que cette guerre n’est dans l’intérêt  de personne en dehors des compagnies pétrolières, des marchands d’armes  et des impérialistes que défendent Bush et ses alliés. Quant à la jeunesse  et aux travailleurs de France et du monde entier, quant aux militants  socialistes, communistes ou syndicalistes, il est de notre devoir de  nous opposer de toutes nos forces à cette nouvelle boucherie. Et si  le capitalisme ne nous promet d’autre avenir que l’exploitation et la  guerre, alors finissons-en avec lui, et remettons la transformation  socialiste de la société à l’ordre du jour en France, en Europe, au  Moyen Orient et à travers le monde.

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