Le 1er mars 2010, la Poste a officiellement changé de statut. Elle a été transformée en société anonyme. La France suit ainsi le processus engagé quinze ans plus tôt par l’Union Européenne, qui prétend rendre les services postaux européens « plus efficaces en les ouvrant à la concurrence » avant le 31 décembre 2010.

Le secteur postal est d’une grande importance, sur le plan économique. Il génère un chiffre d’affaire annuel d’environ 1 % du PIB de l’Union Européenne, où il emploie près d’1,7 million de travailleurs. Il conditionne la compétitivité des autres secteurs. Ainsi, malgré les déclarations lénifiantes du patron de la Poste française, Jean-Paul Bailly, il est impossible de se leurrer sur l’avenir des services postaux français et européen : l’objectif est bien la privatisation. Quant aux ravages sociaux que provoquera cette « ouverture du marché », on peut s’en faire une idée assez précise en regardant ce qui s’est passé dans les pays de l’UE qui ont privatisé leurs services postaux.

Le 4 mars dernier, au Parlement Européen, une audition publique a été organisée, sur ce sujet, par le groupe des eurodéputés communistes. Des syndicalistes de toute l’Europe sont venus y apporter leur témoignage. Qu’ont-ils expliqué ? En premier lieu, que la « libéralisation » du marché a conduit à des vagues massives de licenciements. En Italie, à la veille de la privatisation, la direction du service postal a fait savoir qu’elle aurait à se séparer de 10 500 « salariés excédentaires », malgré une aide de l’Etat de 200 millions d’euros. Au Portugal, c’est 50 % des emplois qui sont remis en cause, alors que 1733 salariés avaient déjà été licenciés, entre 2001 et 2007. Baisse de salaires et vague de licenciements, en Belgique : sur 46 500 postiers, en 2005, il n’en restait plus que 30 000, en mars 2009. Des bureaux de poste ferment et les départs à la retraite ne sont plus remplacés. Aux Pays-Bas, la libéralisation est effective depuis mai 2007. Le service employait alors 53 000 travailleurs ; aujourd’hui, ils ne sont plus que 35 000, et une nouvelle vague de 11 000 licenciements se prépare. Mais ne nous inquiétons pas trop, car l’Autriche a trouvé une solution à ces licenciements : les postiers autrichiens se sont vus proposer une prime de 10 000 euros – à condition d’accepter de se reconvertir en… agents de police !

Aux licenciements s’ajoutent d’importantes baisses de salaires. Les salaires ont ainsi chuté de 20 % au Portugal et de 30 % en Autriche, alors que les rythmes de travail ont augmenté et que les contrats précaires se généralisent. Les services postaux ne parviennent plus à remplir leurs missions : fermeture des bureaux de poste, retards de livraisons et augmentation des prix à l’envoi (jusqu’à 200 % en Belgique).

Tous les syndicalistes ont souligné la dimension politique de cette libéralisation. La délégation d’Irlande a ainsi précisé que « ce serait une perte de temps d’essayer de convaincre l’UE de négocier avec les syndicats. Nous devons lancer une campagne active et aller jusqu’à la grève ». Dans des pays déjà durement touchés par la crise, les syndicats se mobilisent, notamment en Grèce, où de nombreuses grèves et manifestations ont eu lieu. En Roumanie, ce sont les retraités qui luttent contre le projet d’externalisation de la distribution des pensions.

Seule une mobilisation de grande envergure peut contraindre les gouvernements à revenir sur la privatisation de ce secteur clé de l’économie. Cette mobilisation mérite une coordination européenne, car de nombreux pays font déjà face à des situations catastrophiques, où « ce qui reste de social, dans le pays, n’existera bientôt plus », comme le soulignait la délégation hollandaise. Une telle mobilisation, en France comme ailleurs, ne peut se concevoir qu’à travers une grève illimitée des salariés des services postaux.

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