De « sommets de la dernière chance » en « sommets décisifs », l’impuissance des dirigeants de l’UE à enrayer la crise des dettes s’étale au grand jour. Le même scenario se répète chaque fois à l’identique. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy présentent aux marchés un « accord historique » – que les marchés balayent en moins d’une semaine. Cela ressemble de plus en plus à une mauvaise farce d’échelle continentale.

Entraînée dans le cercle vicieux de l’endettement, de la rigueur et de la récession, l’économie européenne va traverser une zone de turbulence extrêmement dangereuse dès les premiers mois de l’année 2012. Les Etats vont être contraints « d’emprunter toujours, non pas pour investir, mais essentiellement pour rembourser leurs emprunts précédents », résumait le Figaro Economie du 21 décembre. En 2012, l’Italie va devoir rembourser 254 milliards d’euros d’échéances (dont 46,2 milliards en février), l’Allemagne 194 milliards, la France 145 milliards et l’Espagne 70 milliards. Sur fond de ralentissement de la production et donc de baisse des rentrées fiscales, ces sommes colossales ne pourront être remboursées qu’au moyen de… nouveaux emprunts.

Le problème n’est pas circonscrit à l’Union Européenne. Selon un rapport de l’OCDE, ses 34 Etats membres (dont les Etats-Unis et le Japon) devront emprunter au total 8075 milliards d’euros en 2012 : un « défi sans précédent », note l’organisation internationale, qui n’explique pas comment le relever.

Les classes dirigeantes sont désorientées et divisées face à l’ampleur d’une crise qu’elles n’avaient pas anticipée et qu’elles ne savent pas comment résoudre. Les capitalistes ont déjà utilisé, avant la crise, tous les leviers dont ils se servent habituellement pour tenter d’en sortir. Les taux d’intérêts des banques centrales sont historiquement bas et ne peuvent pas être baissés davantage. De même, il n’y a plus d’argent dans les caisses pour relancer la consommation au moyen d’une augmentation des dépenses publiques. Au contraire, l’endettement accumulé pousse les gouvernements à mener des politiques d’austérité drastiques, au risque de saper la demande et d’aggraver la crise de surproduction.

La perplexité des capitalistes est telle que certains n’hésitent pas à s’en remettre publiquement au Tout-Puissant. Spinoza faisait remarquer que « la volonté de Dieu est l’asile de l’ignorance ». Jean-Pierre Jouyet, le président de l’Autorité des marchés financiers, déclarait fin décembre que le maintien du AAA français « tiendrait du miracle », avant d’ajouter : « mais je veux y croire ». Ses prières n’ont pas été entendues.

Protectionnisme

Dix ans après son lancement, l’euro est menacée d’implosion. A l’époque, nous expliquions qu’il serait très difficile de soumettre des économies rivales et divergentes à une seule et même politique monétaire. Tant que l’économie avançait, les rivalités nationales passaient au deuxième plan. Mais la crise libère toutes les forces centrifuges. Le risque majeur, du point de vue des capitalistes, serait une série de mesures et contre-mesures protectionnistes. Cela vaut pour l’Europe comme pour l’économie mondiale dans son ensemble. N’oublions pas que c’est une flambée protectionniste qui a transformé la crise des années 30 en dépression.

La sortie de la Grèce de la zone euro est désormais une possibilité bien réelle. Certains, dans la gauche grecque, s’en réjouissent d’avance et l’inscrivent dans leur programme. Un retour de la drachme ne permettrait-il pas, sur la base d’une dévaluation, de relancer les exportations grecques ? Le problème, c’est que les autres pays de l’UE ne resteraient pas les bras croisés pendant que des marchandises à bas prix envahissent leurs marchés intérieurs. L’économie grecque serait immédiatement la cible de mesures protectionnistes. En d’autres termes, la Grèce ne sortirait pas seulement de la zone euro, mais aussi, inévitablement, de l’Union Européenne elle-même, avec ses accords de libre-échange.

Un rapport de la banque suisse UBS explique : « Il n’est pas vrai qu’un Etat sorti de la zone euro aurait un avantage compétitif grâce à une dévaluation de sa Nouvelle Monnaie Nationale (NMN) face à l’euro. Le reste de la zone euro (en fait, de l’Union Européenne) n’observerait pas cette situation avec une indifférence tranquille. Si, par exemple, la NMN était dépréciée de 60 % face à l’euro, il est très probable que la zone euro imposerait une augmentation des tarifs douaniers de 60 % – voire davantage – aux exportations du pays en question. La Commission Européenne a explicitement évoqué cette menace ».

On peut tourner la question dans tous les sens, envisager toutes les hypothèses, la même conclusion s’impose : aucun des problèmes fondamentaux des travailleurs grecs – et français, italiens, allemands, etc. – ne pourra être réglé sur la base du capitalisme,que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone euro.

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