Pendant que les médias du monde entier se focalisaient sur la mort et les funérailles du Pape, un événement bien plus important se déroulait en Italie. Aux élections régionales des 3 et 4 avril, des millions d’Italiens sont allés aux urnes pour donner un coup de massue à Berlusconi et à son gouvernement. Avant ces élections, sa coalition, le Pôle des libertés, contrôlait huit des vingt régions italiennes. Elle n’en contrôle désormais plus que deux, la Lombardie et la Vénétie, où sa majorité a d’ailleurs fortement diminué. De plus, la gauche a remporté des victoires stupéfiantes dans deux régions jusqu’alors considérées comme des bastions de l’extrême droite : le Latium et les Pouilles.

La droite, en Italie, a donc subi une écrasante défaite. Le parti de Berlusconi, Forza Italia, a perdu 1,8 million de voix par rapport aux régionales de 2000, et 4,5 millions par rapport aux législatives de 2001. Il semble assuré que « l’ère berlusconienne » prendra fin aux prochaines élections législatives, en 2006.

Cette déroute électorale de la droite est la conséquence directe des nombreuses attaques contre les acquis sociaux menées par son gouvernement depuis quatre ans. En même temps, les 70 % de la population qui s’opposaient à la participation de l’Italie à la guerre en Irak ont pris leur revanche. Ces résultats sont en partie la traduction électorale de la manifestation qui, en février 2003, avait rassemblé à Rome trois millions de personnes contre à la guerre en Irak, ainsi que des grèves générales et locales menés par les salariés du pays au cours de ces dernières années.

Quoiqu’il en soit, il semble que les « stratèges du capital » italiens ont déjà intégré le fait que Berlusconi a de fortes chances d’être balayé aux élections de l’année prochaine. Dores et déjà, ils préparent leur équipe de remplacement, c’est-à-dire la coalition de « centre-gauche » dirigée par Romano Prodi, ex-président de la Commission Européenne et ancien Premier ministre. En fait, malgré son étiquette officielle, cette coalition est une « alliance » entre des sections clefs de la bourgeoisie italienne et les couches dirigeantes du mouvement ouvrier.

Le résultat de ces élections a renforcé la grande instabilité politique et sociale qui règne en Italie. Les prochains douze mois vont voir un gouvernement de droite très affaibli, d’un côté, et une classe ouvrière prête à en découdre. Nous pouvons nous attendre une nouvelle montée de luttes, comme en 2002-2003.

Les dirigeants de la gauche présentent Prodi comme « le sauveur de la classe ouvrière », l’homme qui peut vaincre Berlusconi - mais cet homme a déjà été au pouvoir, à la tête d’une coalition de gauche, entre 1996 et 1998. Il avait alors appliqué à la lettre le programme de la Confindustria, le MEDEF italien. Comme son homologue français Jospin, Romano Prodi a privatisé beaucoup plus que n’importe quel autre gouvernement italien !

Cependant, ce qu’il y a de tragique, dans cette situation, c’est le rôle joué par Fausto Bertinotti, le dirigeant du Parti Communiste italien, le PRC. Bertinotti ne perd pas une occasion de redorer le blason de Prodi aux yeux des travailleurs italiens. Malheureusement, son parti ne gagne rien à ce genre de tactique. Au contraire, il est en train de perdre le soutien des couches les plus avancées dans les syndicats et la jeunesse. De fait, lors de ces élections, le PRC a reculé de 1% par rapport aux européennes de 2004, et le nombre de voix qui se portent sur lui n’a pas augmenté depuis 1999-2000, qui marquait déjà son plus bas niveau historique.

Si Bertinotti décide d’entrer dans un futur gouvernement Prodi, en 2006, la situation sera dix fois pire, parce que ce dernier a le soutien de la classe capitaliste italienne, et reprendra la politique anti-sociale de Berlusconi.

Cette perspective a été longuement discutée au cours du dernier congrès du PRC. Bertinotti a essayé de présenter Prodi comme l’ami de la classe ouvrière, mais 40% des militants ont voté contre sa motion.

Les marxistes du PRC, rassemblés autour du journal Falce Martello, organisation sœur de La Riposte, ont activement participé à ce débat, soulignant les dangers d’entrer dans un éventuel gouvernement Prodi. Quoiqu’il arrive, si la coalition de « centre-gauche » est au pouvoir, l’année prochaine, il n’y aura pas de lune de miel, comme en 1996. Les salariés présenteront très vite à Mr Prodi la note très salée de cinq années de « berlusconisme ».

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