La dette publique grecque reflète l’impasse du capitalisme, dans ce pays. Elle s’élève désormais à 125 % du PIB, soit 310 milliards d’euros. Le FMI estime qu’en 2012, elle s’élèvera à 149 % du PIB, puis à 167 % en 2014.

Au cours de quatre prochaines années, le gouvernement grec du PASOK (« socialiste ») est censé rembourser 400 milliards d’euros, au total. Le fameux « plan de sauvetage » adopté par le FMI, l’Union Européenne et la BCE apportera – au mieux – 110 milliards d’euros à l’Etat grec. Pour rembourser sa dette, le gouvernement devrait non seulement couper dans les salaires, les retraites, l’éducation et la santé, mais également dans tous autres les secteurs de l’Etat. Aussi l’équation est-elle assez simple : la dette grecque ne pourra pas être remboursée.

La dette grecque et celle des autres pays de l’UE sont des bombes à retardement dans les fondations de l’Europe capitaliste. D’après une étude de la holding japonaise Homura Holding, une faillite de l’Etat grec se solderait par 200 milliards d’euros de pertes, pour les banques. Et dans l’hypothèse d’une restructuration des dettes publiques de la Grèce, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne, les pertes totales s’élèveraient à 900 milliards de dollars.

Dans ce contexte, l’Union Européenne et d’autres institutions du capitalisme international travaillent à un plan de « faillite contrôlée » de la Grèce. Bien sûr, cela signifie qu’ils essayeront de « contrôler » les pertes des banques – au prix de coupes, d’attaques et de licenciements « incontrôlés » pour la masse de la population grecque.

Le gouvernement grec a déjà baissé les salaires du secteur public de 20 à 30 %, baissé les retraites de 30 à 40 %, gelé l’emploi dans le secteur public, augmenté la TVA et gelé tous les salaires du secteur privé. Il prépare, pour l’automne, le licenciement de 100 000 fonctionnaires. En conséquence, on devrait atteindre le million de chômeurs d’ici la fin de l’année, soit plus de 20 % de la population active. Dans ce contexte, le PIB grec devrait chuter de 5 à 6 %, en 2010.

Le gouvernement et l’Union Européenne s’inquiètent également pour la viabilité des banques grecques, qui ont perdu 18 milliards d’euros en dépôts, depuis le début de l’année. Ils poussent à la fusion des grandes banques grecques.

Dans les faits, le gouvernement grec a déjà décrété une « pause » dans les remboursements : le programme d’investissements publics a été gelé, de même que le payement de gros fournisseurs pour le secteur public.

Le scénario d’un effondrement économique de type « argentin » est tout à fait possible. La différence réside dans le niveau encore plus élevé de la dette grecque, comparée à celle de l’Argentine de 2001 – et dans le contexte de crise mondiale du capitalisme.

En juin dernier, Paul Krugman – prix Nobel d’économie – écrivait que « l’hypothèse d’une faillite contrôlée de la Grèce est très optimiste. Je suis convaincu que la Grèce sortira de la zone euro. » Si cela se produit, sous la pression de l’UE, le gouvernement grec s’efforcera de dévaluer sa nouvelle monnaie nationale de 30 à 40 %, dans le but de soutenir la compétitivité des entreprises grecques. Mais cela ne fera qu’aggraver la pauvreté – et accroître le poids de la dette publique, qui est en euros. Avec ou sans l’euro, il n’y a pas de solution sur la base du capitalisme.

Le mouvement ouvrier

A ce stade, l’humeur de la classe ouvrière grecque est un mélange de colère, de stupeur et de déception. Malgré sept grèves générales, toutes les mesures gouvernementales ont été adoptées. Même les travailleurs les moins militants et les moins politisés remettent en cause la stratégie et les méthodes des dirigeants syndicaux, qui ne présentent pas de perspective de lutte claire. Par exemple, le 5 mai dernier, la grève générale de 24 heures a été massivement suivie. 200 000 travailleurs sont descendus dans la rue. Mais au lieu de faire immédiatement monter la lutte d’un cran, les dirigeants syndicaux ont appelé à une nouvelle grève générale de 24 heures… deux semaines plus tard. En l’absence de perspectives claires, et du fait de la pression de la crise, la participation aux grèves générales a commencé à refluer, sans surprise.

La déception des travailleurs s’est encore accentuée lorsque les dirigeants du syndicat GSEE ont signé avec le patronat un accord gelant les salaires dans le secteur privé. Mais dans le même temps, les enquêtes d’opinion les plus récentes montrent que les couches les plus avancées de la classe ouvrière commencent à tirer des conclusions radicales.

90 % de la population rejette les mesures d’austérité du gouvernement. Et d’après un sondage récent, si des élections se tenaient immédiatement, en Grèce, le PASOK reculerait de 8 % (à 35,5 %). La droite (Nouvelle Démocratie) reculerait de 4 % (à 29 %). L’extrême droite (LAOS) reculerait également de 1,5 % (à 5 %). D’après ce même sondage, la grande majorité des 1,5 millions d’électeurs qui retireraient leur soutien au PASOK ou à Nouvelle Démocratie déclarent qu’ils s’abstiendraient.

Mais ce qui est hautement significatif, c’est la poussée des partis à la gauche du PASOK. D’après le même sondage, le Parti Communiste Grec (KKE) gagnerait 5 % de voix, à 12,5 %. Quant à SYRIA, une coalition électorale qui se tient, elle aussi, à la gauche du PASOK, elle réaliserait un peu plus de 5,5 % des voix, en légère progression par rapport aux élections de fin 2009, et ce malgré la scission de l’aile droite de Synaspismos (la principale formation de cette coalition).

Ceci montre qu’après sept grèves générales, une section de la classe ouvrière grecque commence à reporter son attention sur le front politique. Les élections régionales de novembre devraient confirmer la poussée des partis à la gauche du PASOK, dans les grandes villes.

Face à l’instabilité économique et sociale croissante, la classe dirigeante commence à réfléchir à la mise en place d’un gouvernement d’« Union Nationale » – c’est-à-dire une coalition droite/gauche. Elle s’inquiète déjà de la stabilité du gouvernement actuel, dont la majorité parlementaire ne lui paraît pas assez solide. Trois députés du PASOK ont déjà été exclus du parti pour avoir refusé de voter les mesures gouvernementales, à quoi il faut ajouter 20 à 30 députés qui, après avoir exprimé leur opposition à ces mesures, les ont finalement votées sous l’énorme pression de leur direction et de la presse bourgeoise. Au sein du PASOK – et notamment des syndicats qu’il domine –, une opposition de gauche commence à se développer.

La situation commence également à évoluer au sein du KKE. Pour la première fois, des membres de son Bureau Politique ont proposé de former une coalition électorale avec SYRIA, lors des prochaines élections régionales. Des cadres dirigeants du KKE se sont associés à un appel à l’unité des forces de gauche qui sont opposées aux mesures du gouvernement. Jusqu’alors, l’attitude des dirigeants du KKE à l’égard de SYRIA était très sectaire. Ces derniers développements, au sein du KKE, reflètent la pression croissante de la base – qui aspire à l’unité – sur la direction du parti.

Enfin, après la scission de l’aile droite de Synaspismos, en juin dernier, ce parti est plus à gauche que jamais. Outre les réformistes de gauche, qui contrôlent la direction, il y a une tendance encore plus à gauche, oscillant entre réformisme et marxisme, qui est dirigée par Lafazanis.

Toutes les conditions sont réunies, dans le mouvement ouvrier grec, pour une croissance des forces du marxisme.

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